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Channel: Architectures de Cartes Postales 2
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Les missiles sur Ronchamp

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Lorsque, comme moi, on possède un Fonds d'environ 10 000 cartes postales, il peut arriver que le cerveau défaille.
Et si l'ordre d'un rangement parfait ne venait pas, de temps en temps, remettre les choses à leur place, je pourrais croire pendant longtemps que je possède des doubles. Or, oui, il m'arrive de ranger. Dans le classeur consacré à Le Corbusier, je crois ranger un doublon, doublon que je garde toujours me disant que 2 c'est mieux que 1.
Mais voilà...


D'abord il est toujours intéressant de voir une architecture en cours d'utilisation. Ici, sur ces deux vues aériennes, la messe en plein air a lieu et permet bien de comprendre l'utilisation de l'espace extérieur de la Chapelle de Ronchamp. La foule se répand, tourne autour de la Chapelle et on devine les limites, les espaces et leurs orientations. De plus, l'éditeur nous donne pour ce moment et même cet événement, la date de cette messe : le 14 octobre 1962. Je me souviens que j'avais cru naïvement lors de mon premier regard que Le Corbusier pourrait bien être l'un des petits points sur cette carte postale. Mais non... il n'est pas là... car il s'agit d'une messe extérieure pour le Pèlerinage et non une vue de l'inauguration ou du sacrement de la Chapelle. La dernière fois que Le Corbuiser est venu là, c'est le 6 octobre 1959. Dommage.
Sur la première carte postale, on voit la file indienne des prêtres et des officiants en aube blanche gagner l'autel extérieur et d'ailleurs la foule n'a pas encore fermé leur chemin. La foule a aussi grimpé sur la pyramide extérieure permettant de bien voir l'office.
Je me pose la question de la nécessité de voler au-dessus de Ronchamp en ce jour. Quelle manifestation particulière Monsieur Larcher de Vesoul est-il venu photographier avec son avion ? Et d'ailleurs est-il le pilote et le photographe ? Pourquoi avoir édité plusieurs (au moins deux donc...) vues aériennes de ce moment particulier ? Pourquoi avec autant de netteté inscrire la date sur le cliché comme pour en révéler l'importance ? Le moment du Pèlerinage suffit-il à justifier ces vues aériennes ? L'instantanéité étant impossible, en effet, on peut affirmer que les acteurs de cette foule n'ont pas pu le jour-même acheter ces cartes postales. Il fallait donc pour repartir avec un souvenir de cet événement, revenir acheter la carte postale plus tard, un autre jour. On peut aussi s'amuser à lire le mouvement de l'avion qui tourne de la droite vers la gauche et surtout descend un peu puisque on ne peut plus lire le dessus du toit sur la deuxième carte postale. Armé de mon compte-fil, je regarde les détails. Je vois avec surprise que des personnes se donnent la main pour former un cordon en haut du chemin, sans doute pour guider les visiteurs. Mais je suis surtout surpris de voir des hommes grimpés sur le toit de l'abri du pèlerin, ils ont grimpé là grâce à une échelle ! Je m'amuse aussi à bien percevoir que l'avion est repéré et que les têtes sont tournées parfois vers lui, certains faisant un signe de la main à l'avion bien au ras du sol.
Mais, bien entendu, je me pose une autre question. Est-ce que Charles Bueb est là ? Est-il en ce jour si particulier en train de faire à son tour des photographies ? C'est bien possible mais rien ne peut aussi me l'assurer. On retrouve bien dans ses photographies l'ambiance de ces moments de foules autour de la Chapelle de Ronchamp, comment elle complète le lieu, lui donne sa raison. Atteindre un lieu qui est un but, c'est toujours exiger la pause en sa proximité.
Est-ce que Monsieur Larcher, dans son avion savait que dans un ciel lointain, au-dessus de Cuba, le même jour, Rudolf Anderson Jr. photographiait les bases de missiles ? Les ciels, parfois, ne portent pas les mêmes histoires, les mêmes jours...
Et n'oublions pas que pour survoler Ronchamp, un avion de chasse, parfois, c'est utile.
Comme... un mirage...

Pour savoir comment photographier Ronchamp, je vous conseille encore l'excellent livre Charles Bueb, Ronchamp, Le Corbusier aux éditions Facteurs Humains. C'est toujours un beau livre et une belle histoire...
isbn-978-2-9600513-7-7















































































































































C.G.T en miniature et en force

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L'une des chances des fouilles dans les boîtes à chaussures, au petit matin, à la recherche de cartes postales, ce n'est pas tant de trouver ce que l'on cherche que de tomber sur de l'inattendu :


Dans une forêt un peu ouverte, un peu proprette, un mini-golf accueille des messieurs d'un certain âge, tous miraculeusement posés devant l'une des étapes de ce parcours de golf miniature. La plus étonnante, bien  entendu, est celle de droite, affichant fièrement les trois lettres géantes en béton de la C.G.T...
Qui peut rêver d'une image plus parfaite ? D'une photographie plus inspiratrice ? Comment croire même en la possibilité d'une telle photographie et d'un tel espace ?
Le photographe ? C'est Monsieur Roussel qui est aussi éditeur à Châteauroux. Il signe là un beau et surprenant cliché des œuvres sociales des Unions Syndicales des Travailleurs de la Métallurgie de la Seine, plus précisément de la maison de repos Ambroise Croizat dans le domaine de Vouzeron. Au fond, un homme en short, plus jeune, semble surveiller la partie de golf miniature. Pourtant, bien rangés, ils ont l'air bien sages nos métallos au repos.
























J'aime autant l'image que ce qu'elle porte de solidarité, d'attention, aussi, sans doute, d'un épuisement au travail que la protection sociale et syndicale a pu prendre en charge. Je laisse l'ironie aux autres.
Je vois bien dans le dos courbé, dans les épaules arrondies serrées dans un gilet en tricot de laine, une silhouette familière, comme celle de mon grand-père Jean, ouvrier chez Renault. Cela suffit à en aimer l'image et la joie tranquille qu'elle dispense, une nostalgie aussi.
Que reste-il de ce golf miniature aujourd'hui et surtout que reste-il de cette action sociale, de cette solidarité, de cette attention aux travailleurs ? Que nous prépare-t-on ?
Je crains que le superbe golf miniature ait disparu depuis longtemps.
https://vouzeron.info/2013/09/16/le-chateau-de-vouzeron/
Pour vous venger, allez voir celui de Pierre Huyghe à Piacé :
https://www.piaceleradieux.com/oeuvres/obstacle-pierre-huyghe-2014/

Mais la C.G.T sait aussi garder sa force et la montrer dans ses constructions :


Cette carte postale appartient à la typologie des cartes postales de souscription que nous voyons, c'est bien certain, plus souvent pour la construction des églises !
On note d'emblée que la somme de la donation est imprimée, 20 francs, et d'ailleurs cela correspond à la date : 1982. Mais cette carte postale appartient donc aussi à la typologie des cartes postales de maquettes de constructions puisque la future Bourse du Travail n'est pas encore construite. On devine donc un bâtiment énorme, multiple, un peu complexe dans ses articulations, comme une dispersion de volumes sur un terrain. Depuis cette maquette, on note un goût certain pour une massivité affirmée organisant des passages, des canyons presque, mais aussi de gigantesques verrières, ici en Plexiglas. Ce genre d'énorme machine me plait beaucoup. Quelque chose de sévère et de âpre, d'irréductible, d'impossible à contrefaire...
On note aussi que la carte postale oublie de nommer le ou les architectes de cette énorme morceau de ville voué à la défense des travailleurs et de leurs droits.
Je vous laisse lire cela :



Combien de constructions peuvent afficher qu'elles sont la propriété de 2 millions de syndiqués...
On trouve ici le nom des architectes de cette Ruche pour la Lutte. Voilà le plus beau des noms pour une bâtiment, une ruche pour la lutte :







On est content de lire le nom de Claude Le Goas. Il est célèbre dans le petit monde des architectures étranges et fortes car il est l'architecte à l'origine du magnifique et incroyable conservatoire de Montreuil mais aussi d'un grand nombre de beautés plus ou moins brutalistes que je vous conseille vivement de regarder.

Allez...Vous avez été bien sages...Vous pouvez partir en safari maintenant...

Pour ma part, une fois encore, et toujours renouvelés, tous mes remerciements aux C.G.Tistes et syndiqués du Comité d'Établissement de l'Usine Renault de Cléon, C.E qui restera pour moi celui de la Régie NATIONALE des Usines Renault. Merci pour les livres, merci pour Matisse, merci pour Aragon, pour Durrell... Merci pour l'émancipation. Merci à jamais, pour mon père, mon grand-père.

















































































les maisons de la Culture en France

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Les éditions du Patrimoine viennent d'éditer un ouvrage passionnant et qui fait très largement écho à la période que nous aimons sur ce blog : les maisons de la Culture en France.
Cet ouvrage collectif appartient à la collection des cahiers du Patrimoine et ce volume est sous la direction de Richard Klein, gage d'un grand sérieux dans l'analyse. Comme tous les ouvrages de cette collection, d'abord nous lirons un texte général qui situe l'époque, l'histoire, le contexte de la création de ses maisons de la Culture puis une série d'études plus resserrées sur quelques exemples que nous avons eu la joie de défendre souvent ici.
Il faut le dire, les maisons de la Culture de par leur programme, leur élan, leur modernité (souvent affichée avec force) furent des icônes dignes d'une représentation par les cartes postales. Il est aisé de faire un tour de France des maisons de la Culture éditées en cartes postales, parfois représentées plusieurs fois, sous tous les angles, de nuit comme de jour, dedans comme dehors ! À ce titre, celle de Grenoble est emblématique de cette représentation pléthorique ! Cet élan et ce désir de partage par l'image et la correspondance prouvent l'attachement et aussi la compréhension d'un objet, certes souvent spectaculaire, mais aussi souvent, transformateur de la relation à la culture dans cette époque où la Modernité n'est pas un problème mais une chance. Le texte de Richard Klein est à ce titre exemplaire de la réception et de la perception de ces lieux partout en France.
On pourrait parler d'effet Bilbao bien avant l'heure, tant les constructions sont audacieuses, parfois révolutionnaires, en tout cas souvent ambitieuses quant à leur désir de bouleverser soudainement un rapport à la culture et à la jeunesse dans une ville. Préfigurent-elles la poussée des médiathèques ?
Cet ouvrage nous permet donc d'aller à Grenoble, Reims, Amiens, au Havre ou encore à Firminy.
J'avoue que je fus tout particulièrement touché de voir le nom de Jean Le Couteur dans cette liste avec sa maison de la Culture de Reims, sans doute l'un de ses chefs-d'œuvres. Vous savez comme on aime Jean Le Couteur ici.



Bien entendu, ne passons pas à côté de Niemeyer au Havre ou de Wogenscky à Grenoble et encore moins de Le Corbusier à Firminy. On voit même furtivement Claude Parent....
Je remercie Raphaëlle Saint-Pierre qui n'occulte pas la question difficile des transformations sans égard de la maison de la Culture du Havre. C'est heureux de lire les doutes sur une telle transformation, malheureusement devenue un cas d'école de ce qu'il ne faudrait plus faire. Et sans doute que le choix de cet emblème pour en faire la couverture de ce livre est comme un signe de son extinction malheureuse, indubitable, honteuse.
Car ces expériences audacieuses n'ont pas toujours survécu à notre époque. Les rêves de communions culturelles et d'expérimentations tout azimut ont tapé dur sur le fond idéologique d'un retour à l'ordre. Souvent malmenées, parfois dégradées, les maisons de la Culture ont du, si on est politicien "évoluer avec leur temps", si l'on est pragmatique "renoncer à leur rêves".

Comme souvent pour les ouvrages de cette collection, textes, iconographies, documents, mise en page sont parfaits. Les textes sont accessibles, pratiques et permettent d'entrer dans les constructions et leur programme avec didactisme mais sans ennui. Un bien bel ouvrage donc pour tous les amoureux de cette période. On notera que l'iconographie fait une grande part aux cartes postales, ce qui est un signe de leur importance documentaire enfin assumée par les historiens de l'architecture.
Ainsi, vous aurez plaisir aussi d'y retrouver quelques cartes postales de ma collection. C'est un honneur. Merci.

Achetez votre exemplaire chez un libraire indépendant :
Les Maisons de la Culture en France
sous la direction de Richard Klein
éditions du Patrimoine, centre des Monuments Nationaux
isbn-978-2-7577-0557-5
25 euros.









































Alors quelques cartes postales ?
Oui !
Nous ne serons pas exhaustifs car, simplement, nous avons déjà beaucoup publié de cartes postales et que, surtout, nous en gardons sous le pied pour en profiter plus sereinement plus tard...

L'une des plus belles :

La carte postale des éditions La Cigogne nous montre donc le Musée Maison de la Culture du Havre avant l'invention de la maison d ela Culture dessinée par Niemeyer. Claude parent a exposé dans ce lieu sa Fonction Oblique et il fut question qu'il dessina la future maison de la Culture...Les rapprochements politiques de Niemeyer et la construction à titre gracieux du siège du Parti Communiste à Paris en décidèrent autrement... On note que l'éditeur nomme bien Messieurs Audigier et Lagneau comme architectes. il nomme bien aussi l'auteur de la superbe sculpture sur son parvis, Monsieur Adam. On note que sur ce cliché l'immense porte de jean prouvé est ouverte ! Et au fond, saint-Joseph de Perret pointe son aiguille dans le ciel.

Vichy :

Cette carte postale de l'éditeur EaG nous montre donc l'une des façades de la maison de la culture et des jeunes de Vichy. On aime de suite l'immense mur polychrome et la structure métallique de l'ensemble. Le photographe se place un peu loin pour faire entrer l'ensemble de la longueur du bâtiment dans son cadre. On trouve bien d'autres points de vues plus éclairants sur cette maison de la Culture très largement éditée en carte postale.


Cette autre carte postale des éditions du lys pour As nous montre mieux la très belle construction de Messieurs Marol et Toumanantz. Comment ne pas tomber sous le charme d'une telle construction ? N'est-ce pas beau ce principe de griffes venant charpenter la construction par le dehors ? On notera que cette maison de la Culture n'apparait pas dans l'ouvrage. Peut-être est-elle plus associée à une maison des jeunes.

Grande Tradition Française :

N'allez pas à Amiens pour voir ça. Maintenant c'est gainé d'un geste flamboyant. La difficulté de ce type de bâtiment affichant une grande rigueur et une beauté tranquille c'est que ce classicisme passe au mieux pour de la timidité, au pire, par des politiques usées, pour de la fadeur triste. Égayez-moi ça a, sans doute, été le mot d'ordre du maire pour justifier l'attaque subie par sa "modernisation"...
L'architecture de Sonrel est partout attaquée et son superbe et rigoureux casino de Boulogne-sur-Mer fut détruit pour laisser place à une lourdeur touristico-phénoménale pour poissons. Heureusement l'article de Simon Texier vous permettra de comprendre comment, pourtant, cette maison de la Culture d'Amiens était bien l'une des grandes beautés architecturales de cette période. J'ai bien dit...était...Remercions Gilles de Robien et ses architectes de Province et leur écharpe jetée autour du cou, nonchalamment, un peu comme celle d'Isadora Duncan. La carte postale est une édition La Cigogne qui nomme bien messieurs Sonrel, Duthilleul et Sogois comme architectes. Cette carte postale est donc maintenant un document historique.

Monsieur Petit :

Oui, c'est bien Monsieur Petit qui est l'architecte de la maison de la Culture de Châlon-sur-Saone que nous donne à voir cette carte postale Combier. j'ai toujours aimé ce mélange. Comme une association d'un brutalisme soviétique subtil et d'une rigueur programmatique. La carte postale montre bien cela et on pourrait presque couper l'image en deux, au raccord entre les deux corps du bâtiment, pile-poil au milieu de la photographie. Les beaux piliers soutenant l'immense volume, le soulevant pour laisser passer les spectateurs sont très efficaces, très transparents à leur fonction, fabricant le foyer comme à l'abri de la masse. Combier, l'éditeur, nomme bien Monsieur Petit comme architecte et y ajoute Lyon comme ville d'origine.

Pour retrouver les autres maisons de la Culture déjà publiées sur ce blog, bon courage...

https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/11/claude-parent-un-rare-et-touchant.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/01/malraux-banlieue.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/10/wogenscky-dedans-dehors.html
https://archipostcard.blogspot.com/2010/11/andre-wogenscky-connu-moins-connu.html
https://archipostcard.blogspot.com/2011/08/les-marquisats-pour-les-jeunes-et-la.html
https://archipostcard.blogspot.com/2008/10/bunker-et-culture-et-couleurs.html 
https://archipostcard.blogspot.com/2008/08/larchitettura-208.html
https://archipostcard.blogspot.com/2008/11/de-lart-de-larchitecture-et-un-radar.html
https://archipostcard.blogspot.com/2010/02/pierre-sonrel-classique.html 
https://archipostcard.blogspot.com/2012/03/epousailles.html
https://archipostcard.blogspot.com/2008/10/bunker-et-culture.html
https://archipostcard.blogspot.com/2008/08/je-suis-libre-et-esclave-la-fois.html
https://archipostcard.blogspot.com/2011/05/et-si-la-revolution.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/11/le-havre-est-moins-bresilien.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/06/au-havre-oscar-niemeyer-au-futur.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2018/04/projet-videcoq-le-havre-une-catastrophe.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/01/trois-presque-quatre-pour-2013.html

Brutalisme Belge 1

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Si les cartes postales n'avaient que ce rôle à jouer, je serais déjà très heureux de jouer avec elles. Il m'aura suffi du débordement des tours d'ascenseurs de la frondaison des arbres pour que mon œil reconnaisse immédiatement les immeubles de vacances du Park Atlantis que j'avais publiés en... 2015.
Le hasard de la route des vacances m'a permis de tomber sur l'un des plus beaux ensembles d'architecture moderniste de Belgique que j'avais découvert grâce à ces cartes postales :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/09/empiler-la-belge.html
Ce qui nous sauta aux yeux c'est bien entendu d'abord son état exceptionnel. Le Park Atlantis a été restauré il y a peu et tout y est réalisé avec un immense respect pour l'œuvre de l'architecte et du sculpteur. Certes, les tours d'ascenseurs ont reçu un bardage isolant mais c'est réalisé avec une grande discrétion et une qualité incroyable qui ne dénaturent en rien ni l'élan, ni la masse. Même la différence de peinture entre le sol des balcons et la façade est maintenue, et surtout, aucune isolation extérieure n'est venue épaissir l'ensemble. Les garde-corps ont gardé leur beau béton lavé. Ce qui fut aussi très sympathique et bien loin de la tradition française de la propriété privée, c'est que, alors que nous photographiions l'immeuble non seulement personne n'est venu nous l'interdire (comme au Havre...) mais que, au contraire, un monsieur et son épouse sont venus nous voir pour nous raconter tous les détails de cette restauration, de leur fierté d'habiter là, de la défense des intérêts esthétiques du bâtiment. Merci les belges pour votre accueil absolument parfait et généreux et votre sens du respect de ces architectures.
Alors nous avons appris que ce Park Atlantis faisait partie d'un projet socialiste de vacances pour tous, qu'il était accompagné d'un programme complet de cinéma et d'attractions pour les habitants mais que la charge d'entretien changea un peu la donne et que les immeubles ont donc regagné le domaine plus privé de résidences de vacances. On nous signala que l'immeuble est finalement très peu occupé et que les logements y sont pour la région très peu chers car les charges sont énormes ! Le monsieur nous indiqua en souriant que les appartements se vendent presque pour "le prix d'une caravane " ! Il faut dire que l'ensemble est dans un parc arboré immense et parfaitement entretenu donnant une majesté par son isolement à l'ensemble. Vraiment, vraiment, au soleil du soir, une merveille.
Alors ?
Oui... Alors ? Vous voulez sans doute le nom de l'architecte ? Il s'agit d'après notre guide sur place du bureau d'études Jaminon Associés. On trouve malheureusement bien peu de choses sur l'internet pour nous aider à comprendre son histoire et son parcours, il aurait construit en Afrique. Par contre, pour ce qui est de l'incroyable travail des bas-reliefs réalisés dans le béton sur les murs d'accueil de l'immeuble, il est plus aisé de trouver des informations. Le sculpteur des très riches bas-reliefs est Jo Rome qui promeut son travail sur ces immeubles sur son site :
https://www.jorome.be/reliefs/
Malheureusement pas assez complet pour saisir tous les détails symboliques ou plastiques de cette réalisation, ni pour comprendre la relation particulière entre l'architecte et le sculpteur. On y reconnaît tout de même un goût de l'époque mêlant un nouveau réalisme à un surréalisme mystérieux, une poésie du matériau, de ses surprises. Moulages, grattages, gravures, dessins, écorchent la peau du béton avec une grande jubilation. La lumière un peu rasante est parfaite pour faire monter les volumes et les détails. Il s'agit d'un travail d'envergure, pas seulement d'une décoration posée là, l'ambition du projet, dans sa liberté formelle répond parfaitement à la rigoureuse construction architecturale. On a envie de toucher, de palper cette matière.
Il est donc possible qu'une utopie sociale prenne forme, dérive un peu et soit miraculeusement maintenue parfaitement dans le réel sans modification irrémédiable comme nous le faisons en France. Ici, les habitants, les usagers ont su comprendre la chance de vivre et de profiter de cette architecture puissante mais aussi incroyablement poétique. Sans aucun doute, l'un des plus beaux endroits de la Belgique Moderne et Contemporaine. Merci les belges.

Quelques images ?
Allez... après vous partirez en safari :
 











Le surgissement spectaculaire des deux poutres, se soulevant du sol, est l'un des moments les plus forts et des plus poétiques de cette architecture. Pouvoir tenir ainsi la structure de la fondation de l'immeuble et circuler dessous reste une expérience spatiale inédite. C'est là que nos guides belges sont venus nous raconter l'histoire de ce Park Atlantis. Émotions.
















Vive Vivès !

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Je n'arrête pas d'être surpris et d'apprendre.
Alors que l'Histoire de l'Architecture nous remplit d'icônes rabattues dont (souvent à raison) on connait tout, du moindre bouton de porte au crépi des murs, elle oublie parfois d'évoquer des petites choses curieuses, inattendues, oubliées qui portent pourtant une charge passionnante. Ce blog essaie de son mieux de donner à ces architectures un tout petit peu de lumières et, une fois encore, c'est l'Architecture Sacrée du Vingtième Siècle qui nous régale. Une fois encore, c'est la carte postale qui autorise la découverte.
Attention les yeux !

Alors ? Je vous avais prévenus...
Je ne sais pas pour vous, chers lecteurs, chères lectrices, mais c'est bien la première fois que j'ai entendu parler de cette architecture.
Il s'agit de l'église Saint-Maurice de Pont-de-Vivaux. L'éditeur-photographe PHOTO YAN nous indique que l'architecte serait A. Vives, que les vitraux seraient de H. Guerin et que les sculptures seraient de Lech-Wardecki.
C'est bien Auguste Vivès qui est l'architecte de cette chose étrange dont la photographie en noir et blanc accentue la valeur de stupeur. Ce choc provient bien du dessin incroyable de ce bulbe aveugle surmonté d'une voile en béton, voile pouvant ici s'écrire au féminin comme au masculin !
Cette voile est d'ailleurs tendue par une poutre en diagonale surplombant le dit-bulbe. Depuis cette image, le reste de l'église (oui oui, une église) semble d'un traitement plus régulier, s'allongeant, s'étirant plus tranquillement, laissant au chœur toute la dramatisation architecturale, l'événement est là, dans ces courbes audacieuses qui disent le monument.

Cette autre carte postale du même PHOTO YAN nous montre bien la grande régularité du corps du bâtiment venant s'enfoncer dans l'événement final.
Mais difficile de raconter ce qui se passe à l'intérieur...Difficile de dire si cette curiosité sculpturale est aussi originale dans son intérieur. Il nous faut aller ici pour visiter un peu mieux ce qui constitue cette église.
http://www.caue13.fr/realisation/eglise-saint-maurice-de-pont-de-vivaux
Heureusement la vue satellite nous permet de mieux saisir le dessin de son plan et de sa couverture beaucoup plus lyrique que ne le laisse supposer la vue depuis la rue.
L'étonnement est à son comble tant l'intérieur contraste avec son extérieur. Oui, la photographie ne dit pas tout...Mais pourquoi donc, une œuvre aussi originale, aussi marquée par son temps n'a pas connu plus de fortune éditoriale ? Est-ce finalement ses qualités de modestie qui lui ont fait échapper à une trop grande reconnaissance ? Comme quoi le baroque d'un geste emprunt d'une justesse programmatique peut laisser l'histoire vous glisser dessus. Vite ! Partons tous vivre la belle architecture d'Auguste Vivès !
Vive Vivès !
La vue actuelle depuis Google nous montre un mur dégueulasse de parpaing venant cacher en partie le beau travail de l'arrière de l'église, mur couvert de graffitis merdeux. On devine aussi que les ouvertures furent occultées sur toute la longueur...Comment on en arrive là ? Si peu d'égard pour une construction aussi originale méritant mieux sans doute que ce dédain.
Est-ce finalement pour la protéger des outrages des petits artistes du Street Art n'y comprenant que goutte à l'Art Sacré ?




























le Brutalisme est français, la brutalité affairiste est russe

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D'abord je vais remercier mon ami Nicolas Moulin de m'avoir signalé l'article de Sybille Vincendon dans Libération le 8 juillet 2018. C'est cet article qui m'a donné envie de retourner voir les Damiers à la Défense.
Une fois encore, une fois encore, une fois encore... c'est sur de mauvaises nouvelles que nous nous y sommes rendus. Une fois encore le Brutalisme en France va subir une attaque. Une fois encore il s'agit de promoteurs qui prennent le dessus sur le Patrimoine.
Quand donc, sur ce parvis de la Défense, un inventaire du Patrimoine architectural et sculptural sera établi afin de préserver ce qui appartient maintenant à l'histoire ou ce qui peut y être détruit sans remord. Quand donc ce paysage si marqué, si typique, si représentatif d'un état de la pensée urbanistique sera considéré non plus comme un lieu de chasse de terrain et de plus-value immobilière (même si c'est son histoire originelle) pour devenir enfin un paysage français comme une fortification de Vauban, un trait de côte granitique bretonne ou le parvis d'une cathédrale ?
Quand donc les autorités patrimoniales oseront stopper les éradications de nos belles architectures brutalistes, finalement bien rares dans notre pays ?
Quand ?
Il suffit pourtant d'aller sur place, de se promener, de flâner au pied de l'ensemble des Damiers pour comprendre la poésie profonde de ce lieu, surtout un samedi matin de juillet quand la dalle est vide, sous un soleil voilé, et qu'elle semble perdue.
C'est cette émotion spatiale, la puissance même des constructions, leur échelle gigantesque, babylonienne qui produisent le sentiment de beauté, l'invraisemblable jubilation des vides subis, des pleins construits, des ombres portées.
Ici, tout n'est que calme, luxe et vraie volupté.
Bien entendu ce n'est pas facile. Il faut aimer être petit, presque écrasé par la masse qui se répète, par la force. Cette Force est avec nous.
L'article de Sybille Vincendon a le mérite de bien raconter les échafaudages politico-affairistes et les errements décisionnaires. Il a le mérite aussi de bien nous informer sur les architectes :


Nous connaissons Messieurs Binoux et Folliasson sur ce blog grâce à ces articles :
http://archipostalecarte.blogspot.com/2016/12/mettez-moi-la-paire.html 
http://archipostalecarte.blogspot.com/2013/09/des-tours-la-francaise.html 

Samedi, avec Walid Riplet et Jean-Jean Lestrade, nous sommes donc partis voir et nous ne fûmes pas déçus ! L'ensemble est d'une invraisemblable beauté et réserve une surprise supplémentaire : un ensemble de sculptures des Simonnet ! Posées dans une sorte d'atrium vide et minéral, les sculptures sont usées, blanchies. Elles gardent pourtant toute leur force. Nous fûmes surpris par leur taille gigantesque bien loin des jeux que je connais par ailleurs des Simonnet. Ici, il fallait pouvoir jouer avec l'échelle gigantesque des immeubles ! Le contraste des couleurs, du matériau, du dessin tout en courbe donne à l'ensemble une poésie superbe, comme des fleurs réussissant à pousser entre les dalles de béton. Qui s'occupe de l'avenir de cet ensemble de sculptures des Simonnet ? Qui prendra en charge leur démontage, leur restauration et qui leur trouvera un nouveau lieu loin de la brutalité affairiste russe ?








































































Les photographies sont de Walid Riplet, (merci Walid). Merci de ne pas les copier sans autorisation.
Merci à Sybille Vincendon pour son article et, encore une fois, merci Nicolas pour ton alerte. Tu as bien vu là, l'un des espaces les plus Grautag de France.













































































faire sol, faire façade

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Ce lieu n'existe pas :


Pas vraiment du moins.
Il est toujours amusant, lorsque les cartes postales glissent sous les doigts de comprendre que, soudain, l'architecture moderne, dans son internationalisation, permet un collage.
Le voici :


Comment, grâce aux superbes et indispensables lois de la Perspective, on peut jouer avec les lignes, les cubes, les ombres, les horizons. Surtout les horizons puisque ici les lignes passent par Munich et Bordeaux !
L'Hôtel Deutscher Kaiser de Munich est envoyé par Papa Maman au petit fiston resté à Pont-de-l'Arche.





































Il est superbe cet hôtel. Superbe. Dressé sur son socle, désarticulant l'îlot, reprenant en quelque sorte son autonomie, certainement pour mieux s'orienter face à la lumière, il dégage une sorte de terrasse au dessus d'une galerie marchande. J'aime tout particulièrement le dessin de ses piliers que j'imagine traversant la galerie marchande jusqu'aux tréfonds du sol de Munich. Il ne semble pas que cet espace sur le toit soit utilisé même si de larges baies vitrées s'ouvrent sur cet espace vide. Le petit déjeuner devait être servis là.





















Les parents ont indiqué au stylo-bille leur chambre. Émotions sans doute pour le jeune fils Jean-Louis de savoir que c'est bien là que, peut-être, la petite sœur fut conçue...


L'éditeur de cette superbe carte postale est M. Seidlein qui est aussi le photographe. Il est aisé en deux clics de connaître le nom de l'architecte de cette merveille moderniste bien germanique : Monsieur Hans Knapp-Schachleitner. L'Hôtel fut construit entre 1958 et 1960.


L'autre lieu qui y est associé est donc le Grand Parc à Bordeaux. La carte postale, archétype du genre, nous montre la succession des espaces dégagés entre les volumes construits. L'horizontalité d'un sol vide dont s'élèvent sans remord les logements comme si soudain, ainsi poussés, ils devaient se libérer d'une emprise. On note que sur cette carte postale, ce qui étonne c'est bien que ce vide n'est que peu utile. Il est avant tout expression de l'air, de la lumière qui doivent miraculeusement jouer leur rôle transformateur, hygiéniste et paysager. Pourtant, dans ce désert superbe, le photographe et éditeur que nous connaissons bien pour son travail sur Royan, Monsieur Berjaud réussit à trouver le contre-point : une branche viendra contrecarrer cette géométrie réjouissante, offrant aux lignes droites partout décidées avec force, la liberté de la pousse végétale. Deux-tiers de la longueur, un tiers de la hauteur, la griffure de l'arbre est parfaitement placée. Une femme entoure là aussi au stylo-bille son appartement dont elle note soigneusement au dos : BAT I 1 Appt 402, place de l'Europe, cité du Grand Parc, ajoutant 4 fenêtres comme si la précision avait un sens particulier. A-t-elle pu voir ses quatre fenêtres devenir des balcons depuis la transformation entreprise par l'agence Lacaton et Vassal du Grand Parc ?
https://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=80

« C’est comme s’il n’y avait plus de limite. Tout d’un coup, ce n’est plus un logement arrêté par un mur et une fenêtre, mais cela devient un terrain. Cette liberté de se bouger sur ce terrain est intéressante. Les appartements transformés offrent beaucoup plus de plaisir, de confort. On parle d’un logement qui se transforme en villa : avec du plaisir autour, des facilités alentour, des vues, des paysages, du sol. Il s’agit de se dire qu’au-delà de la façade, il y a toujours du sol, même si on est au dixième étage. » Lacaton et Vassal cités par D'A





un Paradis à classer

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Il y a bien longtemps que je n'ai évoqué avec vous notre guide vénéré, le guide d'architecture contemporaine en France de Messieurs Amouroux, Crettol et Monnet.
Voilà qui va être réparé grâce à une découverte étonnante :






































Cette carte postale, pour le coup très contemporaine, nous montre un ensemble d'immeubles appelés "Paradis Saint-Roch"à Martigues. Lorsque je l'ai découverte, j'ai d'abord pensé aux belles volumétries de Anger et Puccinelli mais l'ordre y était moins cinétique, il y a là quelque chose de plus secoué, frénétique, et d'un désordre géométrique comme poussé naturellement.























La carte postale en question nous donne beaucoup d'informations. D'abord les architectes C. Delaugerre et E. Manolakakis. On nous donne aussi la date, 1968 ! Soit exactement 50 ans ! Joyeux anniversaire donc ! L'éditeur est Art et Patrimoine qui semble une émanation directe de la mairie de Martigues voulant promouvoir son Patrimoine, on voit le logotype de la ville imprimé. Le nom du photographe de cette carte postale est Pierre Ricou qui est un excellent photographe. Nous manquent donc la date du cliché et celle de l'édition. Certainement, vu la voiture et la typologie éditoriale de la carte postales, que nous pourrions indiquer les années 80.
Avez-vous remarqué comment Pierre Ricou, très malin et sensible, absorbe dans son cadre le bleu du ciel, le bleu flouté de la voiture qui passe et, contre-point idéal, le bleu de la serviette de bain ou du drap qui pend à la fenêtre ? N'est-ce pas là une bien belle composition ? Il a attendu aussi que le soleil fabrique des ombres pour que les volumétries sensibles et utiles de cet immeuble nous réjouissent l'œil !
On note que la carte postale nous indique aussi qu'il s'agit d'un immeuble pilote du Moulin de France. Est-ce que ce pilote a été suivi d'autres ensuite ?
Regardons ce que nous dit le guide de Monsieur Amouroux :
















On remarque que Dominique Amouroux cite P. Braslawsky. Hors ce nom n'est pas crédité comme architecte par l'éditeur de la carte postale. Le ton est militant, grave et même enragé. Tout ce que l'on aime ici !
On trouve aussi crédité C. Comolet et là, les plus fidèles lecteurs et lectrices de ce blog reconnaitront donc des noms que nous avions déjà évoqué ici pour le casino d'Argelès-sur-Mer !
http://archipostcard.blogspot.com/2009/05/faites-vos-jeux-de-jour-comme-de-nuit.html
Enfin, on notera que le CAUE des Bouches-du-Rhône a publié une remarquable fiche-affiche sur cet ensemble et que je ne saurai faire mieux pour vous en raconter l'histoire et les particularités de ce remarquable ensemble.
http://www.caue13.fr/sites/default/files/fichaffiche_03_moulindefrance_rv.pdf
On peut donc conclure que cette carte postale :
1 permet de voir une expérience superbe de logements sociaux
2 permet de voir comment un photographe sait le regarder
3 qu'une ville reconnait là du Patrimoine
4 qu'il serait temps, après 50 ans, de classer Monument Historique cette expérience, au vue de son exceptionnalité, de son état, de sa place dans l'histoire du logement social, de sa reconnaissance positive par la critique architecturale et par les institutions municipales et patrimoniales. Qu'est-ce qu'on attend ? Madame Nyssen ? Qu'est-ce qu'on attend ?


Massota Joseph et Pascal Paule à Rodilhan

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Il est indéniable qu'une culture de l'œil s'invente petit à petit.
Sur le parking d'un supermarché à Elbeuf, il n'y avait aucune raison que je retrouve l'un des architectes des plus intéressants mais aussi l'un des plus discrets. Pourtant, immédiatement, dans le paquet de cartes postales d'un jeune monsieur heureux de discuter, je trouve ça :


Bien entendu, c'est, sur cette carte postale à vues multiples, la vue centrale en haut de la carte postale qui attira mon attention. Cette succession de cercles, ce tunnel ouvert me rappelaient immédiatement un peu le travail de Balladur ou plus baroque ceux de Nunez Yanowsky. Je me dis qu'il me fallait mener l'enquête, j'achetais la carte postale et, à la maison, en deux clics, je trouvais le nom de l'architecte : Joseph Massota !
Peu prolixe et pourtant d'une délicatesse infinie, Joseph Massota a donc réalisé ici à Rodilhan un ensemble urbain associant la mairie et une galerie commerciale protégée, offrant ombre aux habitants. On pourrait aussi évoquer la similitude de traitement de la façade avec le travail de Gruissan par exemple. Avec une grande simplicité, les voutains de détachant, laissant un vide, , fabriquent pourtant une architecture sensible et méditerranéenne. La carte postale des éditions SMD ne nomme pas Joseph Massota comme architecte. Cette carte postale tente de mêler des objets urbains anciens à ceux plus modernes de cette ville s'inventant en cette période. On trouve donc en bas à droite une vue du Lycée agricole Marie-Durand, œuvre également de Joseph Massota que malheureusement la photographie ne met pas à l'honneur alors qu'il s'agit bien là aussi, d'un très beau morceau de l'architecte. L'éditeur de la carte postale préfère nous montrer la sculpture de Paule Pascal, intitulée Oiseau. Paule Pascal est aussi la sculptrice qui travailla sur l'église Notre-Dame-du-Suffrage-et-Saint-Dominique que nous avions vue ici.
Elle collabora de très nombreuses fois avec Joseph Massota. Un excellent article vous racontera cette complicité entre la sculptrice prolixe et l'architecte ici :
https://journals.openedition.org/insitu/14899#tocto1n3
Reste à espérer que la Ville de Rodilhan et l'ensemble de ses élus soient bien conscients des qualités architecturale et urbaine du travail de Joseph Massota et que rien ne viendra compromettre l'un des plus beaux ensembles de cet architecte, ici, en plus, associé à l'une de ses artistes complices.
Espérons...
La carte postale, modeste, populaire a su rendre compte de cette modernité, a su associer l'élan et le patrimoine ancien dans une petit bourg. Voilà qui est bien le signe de son importance comme document et comme témoignage d'une réception populaire de l'architecture moderne et contemporaine.


























Petite chose amusante bien tournée trouvée sur l'internet :


Petit tour avec la Google Car qui permet de lire mieux l'incroyable façade de la mairie et le beau travail de la galerie marchande. Une architecture modeste mais tellement bien dessinée !











very hard Design

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Il y a parfois des croisements étranges.
Dans le même temps, j'apprends l'existence du livre We Don’t Embroider Cushions Here de Augustine et Joséphine Rockebrune qui tente de répertorier dans les vidéos pornos la présence de la fameuse icône LC4 de Le Corbusier et Charlotte Perriand et je trouve ces deux cartes postales :



Depuis mon ordinateur, je vois votre surprise...
Il s'agit bien de cartes postales, éditées par Art Unlimited Amsterdam et datées, l'une de 1984 et l'autre de 1983. Du moins les clichés sont ainsi datés. La différence de date et d'édition pourrait bien justifier que l'une soit cadrée de blanc et pas l'autre.
On est évidemment dans une série artistique, c'est bien le placement commercial de cet éditeur que l'on trouve souvent chez les collectionneurs d'images.
Comment pourrait-il en être autrement, on imagine mal un musée ou un éditeur de meubles (quoique...) faire la promotion de leur travail par ce type d'images.
Et le photographe ?
Il est bien connu, il s'agit de Paul Huf, grand photographe, qui possède même un prix de photographie à son nom ! On y reconnait sa pratique du studio, d'une photographie très pro, très travaillée ou rien n'est vraiment laissé...Au hasard ! Les deux clichés portent le même titre Hommage à Le Corbusier. On note d'ailleurs une faute sur le titre de 1983 puisque l'éditeur a fait du nom de l'architecte un Lecorbusier en un seul mot.
Bien entendu ce qui fonde notre curiosité à nous amateurs, amatrices de Le Corbusier c'est la projection de son mobilier dans une ambiance très sexy, à la limite de la pornographie même si, ici, il s'agit bien plus d'une coquetterie petite bourgeoise affligeante de signes érotiques convenus : le cuir, la cuissardes, les talons-aiguilles, et l'abandon du modèle regardant droit dans les yeux le photographe qui dirige. En ce sens le livre  We Don’t Embroider Cushions Here est bien plus intéressant car il laisse monter l'acte pornographique à sa place. Paul Huf fait un hommage, autrement dit, il joue clairement avec sa référence, s'amusant de notre étonnement. L'esthétisation petite bourgeoise, bien chic, bien proprette devant apporter un argument artistique à cette mascarade du corps libéré et de l'érotisme de studio. Il est difficile d'ailleurs depuis ces deux photographies de Paul Huf de comprendre ce qu'il a voulu faire travailler de la LC4 de Le Corbusier. Les deux poses mettent la tête à la place des pieds, sans doute que ce bouleversement de la fonction est pour le photographe l'ultime marque d'un geste artistique. Je dois avouer que j'aime assez la position allongée, la jambe incroyablement longue du modèle (qui reste anonyme évidemment) souligne d'une certaine façon les courbes du LC4. Rien ici ne semble vouloir s'amuser plus clairement des possibilités ergonomiques du LC4, démontrant sa mobilité ou son confort. Les poses sont athlétiques, acrobatiques, bien à l'envers du fonctionnalisme du siège qui devient, de fait, un accessoire sans vérité, un signe culturel dont le photographe s'empare, espère-t-il, en toute complicité avec les regardeurs. Cet univers sadomasochiste propret aux signes éculés ne parvient pourtant pas à choquer, intriguer ou...à nous apprendre quelque chose sur cette icône du Design fonctionnaliste. Ce qui reste surprenant, c'est notre surprise à surprendre ce mobilier dans un tel usage d'image, comme un adolescent pris en flagrant délit dans sa chambre à quelque pratique solitaire.

La LC4 aurait donc une vie sexuelle.

En quelque sorte, ici la LC4 n'est plus dans son rôle et n'arrive pas non plus à atteindre le statut de sex-toy actif et activé. Elle reste comme une projection d'un monde vers un autre, un imaginaire un peu écourté.
Pourrait-on d'ailleurs affirmer que la LC4, dans son désir d'être un objet absolument fonctionnelle, (machine à s'asseoir) peut être rapprochée d'un pur point de vue conceptuel à certains accessoires érotiques ayant la même fonction : porter et soutenir le corps ?
Peut-on finalement faire ce collage ?


On note d'ailleurs que la balancelle SM dans ses choix de matériaux (cuir, acier, tubes métalliques) envoie les mêmes signes que la LC4 de Le Corbusier. Dans la transparence des objets, le vide ayant une importance essentiel, les deux assises sont bien jumelles. Elles affirment leur fonction, nous disent d'emblée leur mode d'emploi : appui-tête pour la LC4, sangles pour la balancelle.
Les références à la mécanique, à une esthétique industrielle ont pour les deux sœurs le même rôle, mettre en avant la fonction et donc la position. Même si cela constitue maintenant une esthétique sadomasochiste, celle d'un hygiénisme (univers médical aussi), les deux objets ont tout de même des histoires bien différentes. Il est pourtant compréhensible que la LC4 ait pu glisser en quelque sorte de son univers historique et iconique vers un autre tant la proximité radicale à la fonction est proche. On peut aussi dire que la propagande de la LC4 se fait sur un corps parfaitement compris, analysé, scruté. Cela lui donne donc une ouverture érotique où l'abandon du corps permet une grande capacité à l'imaginaire, faisant de la chaise un accessoire, un partenaire. La confusion alors entre repos et abandon est possible...

L'efficacité fonctionnelle est à son comble.

Mon premier réflexe aura été de tenter à mon tour de trouver ce genre de représentations. Il faut le reconnaitre, il faut avoir du temps à perdre car il n'est pas si simple de deviner dans les milliers de photographies et de vidéos la présence d'une LC4 de Corbu.
Je tombe (enfin...) sur une vidéo :























La LC4 est bien seule dans se décor vide, sans aucun autre mobilier. L'accessoiriste a donc volontairement meublé cette soupente avec la fameuse chaise, lui laissant toute la vedette. Je m'étonne une fois encore du bien peu d'attentions aux particularités de la chaise et de son utilisation ici assez banale et peu imaginative pour un tel objet, je pourrai en dire tout autant de l'utilisation de la femme, littéralement accessoirisée, comme l'extension d'une icône du mobilier, femme devenue un sex-toy. Rien là pour raconter une histoire, feindre même une fiction, rien d'attentionné ni à l'acteur d'ailleurs ni à l'actrice, une efficacité toute fonctionnaliste du film pornographique. Comme une icône piégée par sa fonction à peine perçue et comprise.

La LC4 une icône Gay ?

Je décide donc d'ouvrir mon champ de recherches aux vidéos gays. (Ce ne fut pas trop difficile)
On pourrait croire, emportés par l'idée reçue d'un certain niveau socio-culturel du monde gay et de son mode de vie que la LC4, véritable icône, serait présente fréquemment...
Déception ! Il m'aura fallu beaucoup d'abnégation pour trouver enfin un vrai film mettant en scène la LC4.


Dans cette vidéo au scénario éculé du photographe libérant son modèle, on voit d'emblée la LC4 posée dans le décor, comme une vedette de second rôle. Immédiatement, il est clair que le fond de décor du photographe exprime sa position socio-culturelle. La mode, la photographie, le corps exigent un mobilier moderne qui sera reconnu immédiatement dans les photographies de ce photographe forcément amoureux des belles choses. Nous reconnaissons donc de suite dans le scénario et le décor un univers bien déterminé qui jouera avec le regardeur, comprenant qu'il a de la chance et aussi qu'il est en territoire culturel connu. Bien entendu, rien dans les aventures à venir ne laisse de chance à la LC4 de Le Corbusier d'exprimer tout son potentiel fonctionnaliste. Elle est avant tout icône et le regardeur attend avec impatience de voir comment toutes ses capacités d'assises seront utilisées...ou Pas !
Déception là encore !
La LC4 reste une assise dont les ébats sexuels ignorent complétement toutes les capacités adaptatives, tous les jeux des positions comme son balancement possible. Tout au plus son confort normal est utilisé. Je m'amuse (et vous aussi ?) que, finalement, les positions hétérosexuelles sur la LC4  soient presque similaires aux positions homosexuelles.





La LC4 reste donc une image autant incluse dans le pseudo-scénario que dans l'imaginaire du regardeur. Même si elle active certaines positions, celles-ci restent peu originales, peu inventives ou significatives de l'importance de la mobilité de l'objet. Par contre, difficile bien entendu dans les vidéos où la LC4 est visible de déterminer s'il s'agit d'une copie ou d'un tirage par son véritable éditeur. Vous me direz qu'il faudrait être bien attentif et détourné des réalités érotiques pour prendre le temps de l'analyse des détails de l'objet en feignant d'ignorer que bien d'autres détails nous préoccupent davantage.

Mais voici que je tombe sur une pépite, non pas tant pour ce qui s'y passe, (un moment d'auto-érotisme bien joyeux et dense) que par la manière dont cette vidéo se signale aux spectateurs !





En effet, c'est bien la seule vidéo que j'ai vue affichant clairement le nom de Le Corbusier dans son titre, ne laissant aucun doute sur la connaissance du dit-accessoire, sur le désir de le faire trouver dans le moteur de recherche du site par ce nom et donc consciente de la valeur ajoutée à l'acte sexuel par le mobilier de notre architecte ! On s'amuse que (oui que...) le monsieur soit obligé de se filmer un peu de trois-quart afin de bien montrer la chaise mais aussi de permettre une bonne vision sur la raison de cette vidéo. La LC4 remontant sous les jambes fabrique un creux pour les reins qui "ferme" en quelque sorte la vision sur ces parties du corps admirées, du moins dans la position idéale désirée par les créateurs de la chaise. Cela explique la jambe droite qui ne repose plus sur le siège. Ah...Ergonomie quand tu nous tiens !
Je trouve encore deux autres traces de la LC4, photographiques cette fois.
Cette photographie m'amuse beaucoup car le modèle, ainsi allongé, loin de la LC4, laissée à l'arrière plan, semble nous dire qu'il est indifférent à son confort et préfère de loin le sol du studio. Je ne sais rien de la provenance de cette image, s'il est indépendante ou tirée d'une vidéo qui nous permettrait peut-être de voir la LC4 utilisée.




Je trouve une autre photographie que je crois tirée d'une vidéo. On y voit, photographié du dessus, un jeune homme pouce levé et euh... sexe levé aussi, allongé dans une LC4. J'ai l'impression que cette fois, nous pourrions, non pas être dans un décor préparé, mais bien chez quelqu'un. En tout cas, le jeune homme a l'air d'apprécier parfaitement l'ergonomie de la chaise de Corbu, une fois encore, les jambes, (pour les mêmes raisons discutées plus haut), ne sont pas tout à fait à la bonne place :


Et les autres meubles de Le Corbusier ?

Évidemment une telle recherche passionnée et patiente, (des heures croyez-moi), nous permet de faire des découvertes inattendues qui relativisent à la fois le fétichisme particulier sur la LC4 et permet de s'amuser du rôle que l'on fait jouer à d'autres icônes du mobilier du XXème siècle.Restons avec Corbu et passons de la LC4 au LC2 sous forme de fauteuil ou de canapé.Ce modèle (en noir ou en blanc) semble même bien plus populaire chez les réalisateurs, il faut aussi dire que la fonction canapé offrant plus de place offre donc aussi des jeux à plusieurs qu'autorise forcément moins la LC4.
Je voudrais commencer avec une double surprise ! Un modèle masculin sachant s'amuser seul sur un LC2 et arborant, oui ! un magnifique T-shirt de Machine Gun Kelly dont je suis un fan. Sans doute que l'allusion sexuelle de Machine Gun offre aussi une opportunité de faire rêver le spectateur...
Regardez :






















Voilà une démonstration de comment on peut oublier le sens exact de la fonction et comment le génie imaginatif et le désir de confort permettent toujours d'interpréter des formes du mobilier. On se souvient alors de Monsieur Hulot retournant le canapé haricot dans la Villa Arpel. Il s'agit bien là d'une même adaptation et surtout d'une projection personnelle sur les possibilités de confort d'une forme pourtant imposée. On notera d'ailleurs que Monsieur Hulot lit bien dans la forme du haricot une ergonomie proche de la LC4.


Dans une autre vidéo, le canapé deux places LC2 est utilisé comme une petite salle d'attente pour des pratiques collectives dont le sens de l'histoire est d'abord une certaine idée du cosmopolitisme. Le LC2 est encore détourné, personne ne songe à s'y asseoir normalement mais l'imagination prend là aussi le pouvoir et la mollesse des coussins font tout de même leur travail. Le moelleux est bien ici invoqué pour soutenir ces corps très vigoureux et musclés.



Mais le plus souvent on est surpris par la non-utilisation du LC2 (laissé derrière les ébats) et ne semblant, une fois encore, présent que pour signifier un milieu socio-culturel. On devine donc qu'il est un signe permettant dans des appartements souvent fabriqués en studio de dire rapidement un monde, jouant donc à la mutuelle reconnaissance sociale entre le regardeur et les réalisateur.
Par exemple, dans cette vidéo, alors même que les participants ont à disposition un fauteuil LC2, ils s'agenouillent, lui tournant le dos ostensiblement. Comment peuvent-ils ignorer ainsi le confort du dit-fauteuil que le réalisateur maintient pourtant de manière très appuyée dans le cadre ? Le LC2 devient par son vide comme une invitation à venir s'y asseoir, il est un témoin de la scène, presque en quelque sorte le regardeur, le voyeur et permet au spectateur de se placer là, à son tour, dans le jeu ! Le mobilier ici est celui imaginé d'un espace de bureau moderne certainement du milieu de la finance. Le plus jeune acteur, le seul en chemise, va devoir apprendre que le sérieux de sa fonction passe aussi par certaines formes de traitement des dossiers. Le décor est totalement construit, il est donc une image de ce milieu professionnel que le LC2 doit affirmer et renforcer. Sans doute que les dossiers sur les étagères sont...peu remplis...






















Dans une autre vidéo, le feu de cheminée crépite et là encore, comme descendus du fauteuil, les deux acteurs préfèrent le confort du sol. L'abandon ainsi programmé d'une icône du Design n'est pas un hasard. Jouant le même rôle que la cheminée, le LC2 est un signe érotique. Si le feu de la cheminée à lui seul suffit à évoquer un confort douillet et permissif, la mollesse abandonnée du fauteuil doit raconter que l'ardeur des ébats réussit à faire oublier l'inconfort du sol. Finalement la lascivité des corps s'émancipe du fonctionnalisme trop affirmé du fauteuil. (oui, oui )

Vous êtes encore là ? Ça vous passionne on dirait.




D'autres icônes du Design, d'autres designers

La surprise sans doute de cette exploration c'est que surgissent dans les décors et dans les usages bien d'autres icônes du mobilier du XXème siècle. J'ai même dû sélectionner seulement celles contemporaines à Le Corbusier et affichant une certaine idée du fonctionnalisme. À ce titre, la Lounge Chair des Eames est très très visible et utilisée dans les vidéos pornographiques et pour une fois, il semble bien que son design serve bien d'autres occupations que l'assise confortable. Il faut dire que la Lounge Chair, associée avec son repose-pieds, permet des combinaisons d'abandon solitaire ou de pratiques plus partagées. La Lounge Chair des Eames est aussi devenue un objet-culte, celui du psychanalyste par exemple, objet donc d'un corps qui s'oublie tant il est soutenu parfaitement, permettant à la rêverie ou à l'auto-analyse de s'effectuer pleinement. Il était donc évident que cette réalisation de la plénitude conduise immanquablement à des plaisirs du corps et du fantasme.
Commençons :



Dans cette vidéo où rien d'extraordinaire ne se passe, ce qui nous intéresse c'est bien la manière dont le corps prend possession du Lounge Chair. D'abord suivant en quelque sorte parfaitement son programme, l'acteur, perdu dans des rêveries dont on ne sait rien, nous propose une ouverture plus large de son bassin. On retrouve là la même attitude vue plus haut, nécessité du tournage qui exige une grande lisibilité. La jambe va donc migrer sur l'accoudoir. Pour ma part, bizarrement, mon œil observe la disparition du verre d'eau posé sur le meuble à l'arrière plan. Ce sera pour moi le punctum de cette image... Je vous le jure.
Dans la vidéo qui suit, pour une fois, je crois, tournée réellement chez quelqu'un, ce qui m'étonne c'est bien la version peau de vache de cette Lounge Chair. Je ne connaissais pas cette option qui fait un signe à la LC4 de Corbu. Pour ce qui est de l'action, rien de particulier, à part, une fois encore et je vous l'assure, la négligence des acteurs à prendre en considération les possibilités de cette Lounge Chair et même d'ignorer le repose-pieds pourtant si pratique et confortable.




Mais encore plus surprenant, surtout dans une vidéo montrant un trio très complice, la Lounge Chair est finalement moins utilisée que son repose-pieds qui, lui, trouve une fonction soudainement très participative et collective, comme un lieu de rencontre enfin assumé. On note dans cette vidéo la typologie du décor hyper virilisé, allant jusqu'à afficher une photographie d'une grue bien dressée. Le monde du chantier étant bien entendu un classique supposé dans l'imaginaire gay :




L'autre icône du mobilier de Charles et Ray Eames est la chaise de bureau EA 117 toujours éditée par Vitra. On la trouve fréquemment, voulant illustrée un monde technique, moderne, un peu froid, voir hight-tech, un peu loin sans doute des joies plus ludiques de corps dévêtus jouant avec la flexibilité de son dossier ou la mobilité de ses roulettes. Là encore la projection imaginaire sur ce mobilier suffit pour installer le fantasme avec peu de meubles. Par exemple, dans cette vidéo, la multitude de chaises EA 117 autour d'une table suffira à nous faire croire que nous sommes dans une entreprise et que le surgissement de l'érotisme dans ce lieu de pouvoir procure une intensité particulière. On notera aussi le sens acrobatique des acteurs sachant pour une fois utiliser la grande flexibilité de la chaise :
























Quittons Charles et Ray Eames pour un autre duo du vingtième siècle,  : Mies Van De Rohe et Lilly Reich.
Bien entendu, c'est le fameux fauteuil Barcelona qui sera l'objet de tous nos regards (tous nos regards, s'il vous plait...)
On verra que la Barcelona, par son grand confort (sa grande largeur) permet très tranquillement de tenir les engagements solitaires sans trop d'acrobaties ou d'adaptations du corps. À la différence de la LC4, les acteurs n'ont donc pas besoin d'inventer et finalement, la Barcelona devient une complice discrète qui s'efface devant l'action. On note même certains cadrages mettant en avant par exemple l'appui des jambes et donc ce confort tranquille. La concentration auto-érotique peut donc avoir lieu sans souci. On note là aussi que la Barcelona est utilisée pour son image chic, elle est, elle aussi,  à elle seule un décor, à elle seule un signe social, une ambiance. C'est sans doute pour cela que la Barcelona est réellement très fréquemment utilisée.
Par exemple, ici l'abandon du modèle dans son travail :


On trouve ce même engagement dans cette autre vidéo, avec cette fois un exemplaire en cuir blanc de la Barcelona. On reste admiratif que rien d'autre que l'icône du Design de Mies et Lilly ne vienne jouer un rôle dans cette vidéo canadienne :



Par contre dans la vidéo suivante, le réalisateur s'est fendu d'un scénario bien connu : le psychanalyste qui laisse l'analyse se faire de manière très corporelle. Deux Barcelona deviennent donc les alliées de cette transformation. Là encore, elles servent de prétexte à ce que l'on imagine du statut social d'un épisode de psychanalyse mais au vu des poses diverses on pourrait facilement penser que les deux acteurs éprouvent la solidité des piétements en acier de la Barcelona :



Pour ceux qui seraient plus sensibles à l'espace et à l'art d'utiliser au mieux tous les possibles d'une Barcelona, je vous conseille la vidéo suivante. Vous verrez que même à trois personnes, on peut profiter largement du confort du fauteuil et de son repose-pied. Il suffit d'avoir un peu de souplesse et le désir de jouer avec les formes :


Conclusion 

Il ne faudrait pas faire de ces quelques exemples, la vérité absolue d'une présence des icônes du Design dans la production de films pornographiques. D'abord parce que, pour le faire correctement, il faudrait établir une statistique et aussi chercher plus profondément dans l'histoire du film pornographique depuis l'invention des modèles pour bien en saisir le surgissement dans de telles productions filmiques. Il faudrait aussi être certain de la conscience culturelle de cette présence par les réalisateurs. Hasard ou nécessité, ou désir.
On peut affirmer tout de même que la Barcelona est la plus présente de ces icônes dans les films gay ou hétérosexuels.
On peut dire aussi que, pour l'exemple de Le Corbusier comme pour les autres designers, le mobilier apparait toujours comme une sorte de plus-value sociale, tirant l'imaginaire vers un monde socio-culturel aisé, jouant même de certaines catégories socio-professionnelles (psy, banque...) qui participeraient en fait à l'imaginaire érotique. Par contre, on peut l'affirmer, il ne semble pas exister à proprement parlé de fétichisme du Design, aucun scénario, aucun acteur ne semblant pouvoir réaliser leurs désirs uniquement avec ce type de mobilier. De ce fait, la vidéo nommant Le Corbusier dans son titre est une exception incroyable qui prouve tout de même un certain attachement à cette particularité. Existe-t-il des films tournés dans les icônes architecturales du XXème Siècle ? Villa Savoye ou Cité Radieuse ? Sans doute que la portée érotique du passe-plat de Charlotte Perriand à Marseille a bien dû inventer quelques positions particulières. En fait, la rareté relative de ce mobilier dans nos vies fait que, naturellement, il n'apparait pas d'évidence dans les films. Le banc en bois des vestiaires ou le mobilier de chez Ikea ( le lit mezzanine en tube gris) sont bien plus présents, simplement parce qu'ils le sont plus quotidiennement.
Difficile aussi de penser qu'un mobilier de Design serait culturellement plus associé aux pratiques hétérosexuelles ou homosexuelles, même si le porno chic donne peut-être une présence plus forte aux icônes dans les films gay, les gays étant plus souvent associés (à tort) à une catégorie socio-culturelle plus aisée.
De ce point de vue, la rareté du mobilier de Design dans le porno est le signe de son relative échec, restant un mobilier à part, appartenant à un monde à part, rare, que les pratiques sexuelles fréquentes, normales, quotidiennes et leurs fantasmes associés ne peuvent pas réellement rencontrer facilement.

Croyez-moi, je resterai sensible par abnégation professionnelle, à tous témoignages sur cette présence du Design dans la production pornographique. Je continue donc mes recherches d'images n'étant, pour ma part pas propriétaire de l'un de ces meubles, je ne peux évidemment pas vous raconter ma propre expérience...
Mais vos témoignages sont, bien entendu, les bienvenus.

Je vous remercie d'avoir tenu la lecture de cet article jusqu'au bout.
Pour info, je ne possède ni une LC4, ni le livre We Don’t Embroider Cushions Here , ni même le t-shirt de Machine Gun Kelly.
À votre bon cœur Messieurs, Dames !
David Liaudet





Mon chez moi est une machine à habiter

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Les chiens ne font pas des chats et si je suis un collectionneur invétéré, mon frère Christophe tient bien de la famille !
Dans sa collecte effrénée de revues et de vieux papiers, il sait souvent me procurer des pépites dont j'ignorais même l'existence.
Alors que mes amis Pascal et Évelyne m'envoient une carte postale de leur visite estivale de la Cité Frugès à Pessac de Le Corbuiser, mon frère lui, m'apporte cette revue :



Et c'est bien rare !
Dès la couverture, on trouve le terme de machine à habiter !
La revue est datée de 1926. C'est une revue pour les femmes... C'est à dire pour les aider à rationaliser leur rôle supposé au sein du foyer. Tous les articles dans cette revue parle de l'Art Ménager, de l'organisation de la maison, et tout est responsabilité féminine. Il est aisé aujourd'hui d'en rire ou de s'en offusquer mais si on regarde mieux, si on lit les articles, si on va un peu au-delà du climat de l'époque, on note un vrai et beau progressisme qui est l'objet de cette revue qui essaie de simplifier la vie domestique, si ce n'est de totalement s'en libérer (femme ou pas !)
La preuve de cette attitude très ouverte et moderne est bien cet article très complet de cinq pages très illustrées ! L'article est écrit par Paulette Bernège qui est la créatrice de cette revue et dont la fiche Wikipédia (oui) nous permet de bien saisir les désirs de modernité. Et son article sur la machine à habiter prouve cet enthousiasme dans la vie moderne ! (Elle travaillera même avec Marcel Gascoin). Il y a même en fin d'article un lyrisme certain, Paulette Bernège semblant trouver à la Cité Frugès de Pessac un exemple dont le rationalisme de l'architecture et du mode de vie comble son esprit. La journaliste laisse aussi la parole à Le Corbusier et le cite souvent, même plus loin dans la revue, hors de l'article, dans un bas de page !
On notera aussi la grande présence des photographies qui sont malheureusement peu créditées, sauf celle appartenant à la "Petite Gironde", ce qui indique qu'il y a eu là aussi un article. La photographie un peu floue aurait bien pu être prise du train par la journaliste. Mais il s'agit d'un vrai article, prenant position, soutenu par une iconographie forte et didactique et surtout émanant d'une personnalité bien attachante. Il s'agit d'un vrai document sur la réception de l'œuvre de Le Corbusier dans les milieux féminins et progressistes. Il faut donc le prendre en compte.
Je vais vous laisser le lire.




Voici la carte postale envoyée par mes amis. Il s'agit d'une édition récente reprenant un cliché de la Fondation Le Corbusier. La carte postale nous précise qu'il s'agit d'une "maison isolée bombardée". Cela reste mystérieux. Aurait-elle disparu ? On devine derrière la maison la voie de chemin de fer par laquelle Madame Bernège découvre la Cité Frugès. On comprend alors son émotion et son étonnement devant autant de beauté bien ordonnée. On notera que, pour l'instant, je n'ai toujours pas trouvé de cartes postales éditées à l'époque de la réception de cette Cité Frugès, ce qui reste étonnant, vu l'impact de sa construction et son originalité et vu aussi le nombre d'habitants. Sans doute que son histoire un peu mouvementée est à l'origine de ce manque. Mais soyons attentifs, il me tombera bien dans les mains, un jour, une carte postale.
Vous pouvez relire cet article :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/09/le-corbusier-en-carton.html

Parce que je découvre ce texte hier en lisant le passionnant livre* de Anne Lambrichs sur Joseph Vago, je ne peux m'empêcher de vous le donner à lire ! Vous verrez que cette notion de machine à habiter y est perçue avec un humour teinté de sarcasme que Joseph Vago sait distiller tranquillement. D'ailleurs nous reviendrons sur Joseph Vago et son regard sur Corbu. C'est rafraichissant...



Me reste à remercier très vivement Pascal et Évelyne Jahouel pour ce bel envoi et je remercie mon frère Christophe pour ses trouvailles si généreusement partagées.
Bonne lecture.
(cet article aura surement comme fonction également d'équilibrer un peu celui précédent :-) 
* Joseph Vago, un architecte hongrois dans la tourmente européenne
Anne Lambrichs
AAM éditions, 2003 


































































































































































































































































































Brutalisme belge 2, SOS Brutalism OOSTENDE

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Il y avait quelque chose dans l'air et notre déambulation nous mit le monument directement sous les yeux, comme si l'architecture elle-même voulait qu'on parle d'elle.
Elle ?
C'est une superbe piscine brutaliste vue en Belgique, à Ostende (Oostende) exactement.
Malgré l'épouvantable badigeonnage d'un Street-artiste sur sa façade, (sans doute, encore, un de ceux qui croit qu'il habille, alors qu'il détériore) la piscine nous a donné de suite tous ses arguments. Un beau béton, des formes affirmées laissant lire la fonction, des détails de dessins subtils dans les masses, un jeu habile des ouvertures surlignées par des châssis colorés, une articulation sur son terrain parfaitement travaillée.
Bref, un beau et somptueux exemple de ce que le Brutalisme a fait de mieux, c'est à dire de sensible.
Je ne connaissais pas ce bâtiment avant de le voir surgir, comme ça dans notre promenade, et si il est toujours mieux normalement de préparer ses visites architecturales, il est toujours bien aussi de ce laisser happer par un bâtiment. C'est donc au retour que j'ai trouvé les informations sur cette piscine.
Malheureusement, cette piscine des architectes Paul Félix et Jan Tanghe est menacée de destruction, ce qui calme mes ardeurs sur une Belgique amoureuse de ses constructions contemporaines.
Vous pouvez, vous devez signer la pétition ici :
https://www.petitions24.net/piscine-ostende
Je vous conseille la lecture de cet article :
https://archipelvzw.be/en/agenda/530/sos-brutalism-sos-swimming-pool-ostend 




































Si, donc, vous allez vers la Belgique, n'oubliez pas de passer voir cette piscine d'Ostende avant que la Belgitude que nous aimons tant nous prouve trop vite que finalement, cette Belgitude ressemble beaucoup à la Francitude : une espèce de mollesse des autorités patrimoniales et politiques, un manque de courage face à la spéculation, une petite vengeance aigrie sur la Modernité, un populisme gluant tournant en action de dépit...
Sauvons la piscine d'Ostende de Paul Félix et Jan Tanghe !
Je vous donne deux cartes postales bien évidemment pas achetées sur place...





La première vous permet de voir la volumétrie d'ensemble de cette piscine. L'éditeur  Van Mieghem ne nomme pas les architectes mais nous signale que la piscine propose de l'eau de mer ozonisée...
La seconde carte postale du même éditeur nous montre en plusieurs vues les aménagements intérieurs et extérieurs de cette piscine. On notera la présence de chaises de Marcel Breuer et de Bertoïa au bar. Ces deux cartes postales, bien typées, prouvent que cette piscine fait bien partie du paysage d'Ostende et de son histoire de l'architecture.
Voici quelques images prises par votre serviteur, d'un peu loin, nous n'avions pas beaucoup de temps pour passer le maillot et l'été, nous préférons nous baigner sans, dans la vraie mer.
Sauvons ensemble la piscine d'Ostende ! Que le Brutalisme devienne enfin un Internationalisme.

















Didier Mouchel impeccable

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Dans une vie d'artiste, il y a ceux qui, tranquillement, vous encouragent.
Ils ne vous demandent rien, ils font ce geste simple d'acquérir vos œuvres avec parfois un étrange mélange de désir et de pudeur, quelque chose qu'ils osent à peine affirmer.
C'est la candeur superbe du collectionneur.
J'aimais présenter Didier Mouchel comme le plus grand collectionneur privé de lithographies de votre serviteur. Cela le faisait rire quand j'introduisais ainsi une conversation. C'était pourtant la vérité. C'est lui qui m'acheta en premier, sans même me connaître, mes premières lithographies. Il fallait ensuite que l'Histoire de la Photographie d'Architecture, finalement, nous réunissent pour que nous comprenions, tous deux, nos proximités électives.

Didier Mouchel m'a appris tant et tant de choses sur la photographie, sur son impact dans le champ des ruines de la Reconstruction, sur l'importance des photographes un peu oubliés, sur la manière dont on se doit, toujours, toujours, de nommer nos sources, de révéler ceux qui nous offrent l'opportunité des images. Ce blog lui doit beaucoup, énormément même.
Avec le Pôle Image Normandie, Didier Mouchel nous a donné aussi l'occasion de voir et comprendre nos paysages, de les regarder à nouveau, d'en suivre la banalité irradiante que les photographes savent magnifier. L'une des dernières fois que j'ai pris contact avec Didier c'était au sujet de photographies que Bernd et Hilla Becher  étaient venus faire à Rouen et que j'avais découvertes au Pôle Image. Il m'avait répondu, avait tout tenté, il avait fait comme à son habitude pour m'aider.
Il m'impressionnait.
J'aime les gens qui m'apprennent des choses.

Le Comité de Vigilance Brutaliste lui doit l'une de ses plus belles expositions au Havre où nous avions pu, grace à l'atelier Bettinger Desplanques dans les locaux de La Forme refaire vivre la présence de Claude Parent au Havre et l'opposition joyeuse entre Royan et Le Havre. Nous avions pu retrouver la trace de Monsieur Gosselin, le filmer, c'est Didier qui faisait le cadreur, l'organisateur de cette rencontre. Il était d'une écoute parfaite. Impeccable.
Je me souviens surtout d'un beau séjour à Royan, suivant un colloque et une exposition au Musée de Royan sur les photographies de la Reconstruction. Je me souviens de son rire de me voir jubiler devant toutes ces photographies qu'il me montrait, il était heureux pour moi. Nous avions fait la visite d'un appartement du Front de Mer, c'est là que je l'ai photographié.



Didier Mouchel est d'une importance rare pour la photographie contemporaine en France car il savait associer et mettre en valeur des champs photographiques différents, générant des collages, ne niant aucune voix, aucun sens, jouant le défricheur mais aussi sachant analyser les images et leur contexte comme pour rallumer parfois le rôle primordial de certains photographes un peu oubliés ou mettre le pied à l'étrier des plus jeunes. Ils sont nombreux ceux qui lu doivent un premier regard, une première vive et honnête attention. Impeccable.
J'avais, avec émotion, vu son nom sur les murs de la B.N.F lors de l'exposition sur le Paysage Français. Je lui avais écrit ma joie de le voir là nommé. Il en était heureux. Il était une autorité simple, évidente car d'abord respectueuse des histoires de chacun et des archives. Quelqu'un qui construit, invente et surtout donne à voir. La main ouverte. Impeccable.
Je ne sais pas quoi faire pour lui rendre hommage. Ce texte est bien peu de choses pour raconter nos conversions, les choses que j'y apprenais et sa sollicitude, toujours à mon travail.
Je ne sais pas quoi dire.
Bien entendu, je pense à sa famille, à tous ses amis, à tous ceux qui ont eu la chance de croiser son éthique des images.
Impeccable.
Salut Didier.
Et surtout, merci.

Pour bien comprendre qui était Didier Mouchel, je vous conseille vivement de lire :
Photographies à l'œuvre, enquêtes et chantiers de la Reconstruction  1945-1958
Jeu de paume-le Point du Jour
2011
un ouvrage superbe d'analyses et d'iconographie. Une œuvre essentielle.

Royan, Photographies dela reconstruction (1950-1961)
Archives photographiques du M.R.U
édition Royan-Musée
pour les amoureux de Royan et de belles images d'un élan perdu.

Gai Soleil sur Pouillon

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Tu as trouvé sur la plage des Sablettes une souche d'arbre. Tu es arrivé de bonne heure, tranquillement, sachant que tu avais du temps et que tu voulais le laisser s'étirer sans pression. Tu as d'abord retiré ce bonnet de marin au pompon rouge qui te qualifie à lui seul, qui est presque toi tout entier, le fameux bachi. Tu as ensuite retiré ta vareuse et ton pantalon blanc et tu as posé tes chaussures sur la souche, chaussures cirées ce matin, chaussures auxquelles tu fais extrêmement attention. Tu savais que tu devrais garder ce slip bleu réglementaire que je reconnais, celui qu'on nous donne lors de l'incorporation et qui peut ici passer pour un maillot de bain.


Comme tu es venu seul, tu n'iras pas te baigner car tu as un peu peur qu'on te vole une partie de ce costume de marin, ton bachi surtout, car c'est arrivé à l'un de tes copains qui a passé un sale quart d'heure au retour au port. Tu t'es couché sur le ventre la tête vers la mer. Tu as fermé les yeux, tu as pensé à la ferme, à ton père devant rentrer la moisson sans toi, sans ton aide. Tu penses à ton cousin venu te remplacer, tu lui as envoyé une carte postale la semaine dernière. Tu culpabilises, tu sais (et cela te blesse en même temps que cela te réjouit), tu sais que tu ne referas plus jamais les moissons avec ton père. Tu as décidé de rester dans la Marine, tu dois d'ailleurs signer tes papiers dans quelques jours. Tu sais aussi que tu retardes depuis trop longtemps le moment où tu devras l'avouer à ton père. C'est cette décision, cette hésitation qui t'a poussé à venir là, seul, sans Mickael qui voulait pourtant venir avec toi. Dans la nuit artificielle de tes yeux fermées, tu vois pourtant quelques couleurs vives, et tu entends bien les bruits de la plage, de la mer. Tu te vois, à la prochaine permission, tenir ce secret, même à l'arrivée en gare et jusqu'à l'arrivée dans la cuisine familiale. Tu attendras que tout le monde soit autour de la table de la ferme pour l'annoncer.
Tu as terriblement envie d'aller nager. Ton dos chauffe et des orteils poussent doucement le sable comme par un réflexe enfantin, comme le seul jeu que tu t'autorises. Mickael t'a pourtant dit d'aller voir les nouvelles constructions des Sablettes.











































































































Il t'a dit que c'était un grand architecte français, Fernand Pouillon, qui en avait dessiné les plans et les constructions un peu hautes que tu avais vues en arrivant. Mickael, il est étudiant en architecture. Vous n'aviez que peu de choses en commun il y a encore 10 mois au moment de votre incorporation. Il est maintenant comme ce frère que tu n'as pas eu. Certainement, comme le dit Mickael : "un peu plus même". Tu aurais voulu qu'il signe lui aussi les papiers, qu'il reste comme toi dans la Marine. Mais vous vous êtes promis de vous revoir, de suivre vos vies. Tu as dû le jurer à Mickael. C'est toi qui part, après tout. Tu te demandes soudain ce qu'il a décidé de faire de sa permission. Tu l'imagines avec un groupe de marins, à Toulon, sur les quais, regardant le travail de de Mailly. Tu l'entends faire la leçon, raconter la belle architecture, essayant de les convaincre tous que c'est intéressant alors que, bien entendu, les marins s'en foutent. Tu aimes quand Mickael est comme ça, convaincu et un peu seul dans ses certitudes.




Soudain tu sens quelque chose de chaud couler dans ton dos. Tu te relèves vivement, tu te retournes. Dans le contre-jour, il y a là une immense silhouette dont tu ne vois pas le visage immédiatement mais dont tu reconnais le rire.
Il est là.
Le sable coule encore doucement de sa main.
- J'ai pas pu résister, j'suis venir voir Pouillon, affirme-t-il.
- Menteur !
Mickael coure déjà vers la mer. Bientôt ne reste de lui, à tes côtés, que son uniforme et son calot posé dessus. Tu oses alors demander à une jeune mère de famille de jeter un coup d'œil à vos vêtements. Sa petite fille se met ton bachi sur la tête. Ça te fait rire et tu cours à ton tour vers la mer, sans te retourner.

Par ordre d'apparition :
Les sablettes ou le plaisir des vacances, éditions Gai-Soleil, Toulon.
La Seyne, Les Sablettes, éditions JANZ.
Lumière et beauté de la Côte d'Azur, Toulon, promenade sur les quais, éditions Aris.

Pour retrouver les œuvres de Fernand Pouillon :
https://archipostcard.blogspot.com/search?q=pouillon
https://archipostalecarte.blogspot.com/search?q=Pouillon
Pour en savoir plus sur ce beau morceau de Pouillon :
http://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Provence-Alpes-Cote-d-Azur/Politique-et-actions-culturelles/Architecture-contemporaine-remarquable/Le-label/Les-edifices-labellises/Label-Architecture-contemporaine-remarquable-Var/La-Seyne-sur-Mer/La-Seyne-sur-Mer-Les-Sablettes



En Sarthe, les Journées Européennes du Patrimoine seront actives

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Bien entendu, à Piacé, les Journées Européennes du Patrimoine seront très actives.
Vous pourrez y découvrir le Musée le Corbusier-Norbert Bézard, vous promener dans le parcours d'art contemporain, visiter la Bulle six coques et même cette année assister au début de la restauration de la seconde Bulle six coques qui fut sauvée en mars 2017.
La restauration d'une Bulle six coques c'est aussi l'occasion de mieux comprendre comment elle est construite, de saisir le travail nécessaire pour une remise en état et donc de soutenir ce travail de sauvetage patrimonial.
Venez nous voir !
Pour toutes les informations pratiques, allez ici :

https://www.piaceleradieux.com/page-daccueil/journees-europennes-du-patrimoine-2018/

Pour voir ou revoir tout le démontage de cette seconde bulle :
https://renamimoa.jimdo.com/chantiers-actualit%C3%A9s/





















Et si on regardez une carte postale ?
On retrouve nos Bulles six coques à Gripp grâce cette carte postale des éditions Delachapelle "au petit Strasbourg" (sic) pour Combier.
Guy, le correspondant, nomme bien son lieu de villégiature de "bulle" et nous raconte sa chasse aux cèpes. Nous sommes en 1980. La photographie nous permet de voir que la neige est présente et on s'étonne de faire un cliché des bulles ni complétement sous la neige ni complétement dégagées. Le cadrage tente surtout de restituer le paysage autour des architectures de Monsieur Maneval s'opposant tranquillement au reste des constructions du village.
Deux Bulles six coques vertes entourent une blanche. Elles semblent toutes en excellent état après dix années d'installation. Le photographe fait le choix de ne pas animer le lieu laissant la neige faire le spectacle.
Je vous promets que si la neige vient à Piacé, nous ferons aussi de belles cartes postales.




Le Festin d'architectures, d'images et d'amis

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Je veux vous signaler un numéro exceptionnel à plus d'un titres de la revue Le Festin consacré aux Trente Glorieuses :




































Ce numéro est très émouvant pour moi car il fait bien entendu la part belle à la Région Nouvelle Aquitaine et la plus belle ville du Monde, Royan, mais aussi parce que ce numéro contient des textes de deux personnes pour lesquelles j'ai un respect profond : Didier Mouchel et Charlotte de Charette. Et comme il se trouve que j'ai, un peu, participé à l'iconographie de cette revue, nous voici, tous les trois réunis dans un même ouvrage et ça me fait plaisir, d'autant plus que, malheureusement, Didier nous a quitté il y a peu. J'aurai aimé pouvoir discuter avec lui de son passionnant article sur les photographes de la Reconstruction :


Charlotte de Charette nous offre un beau texte sur Royan qui résume parfaitement et clairement l'influence brésilienne sur Royan et ses architectes. Un bel esprit de synthèse.


Vous verrez que ce numéro de la revue fait une part belle à nos icônes chéries sur ce blog que sont la Piscine Tournesol et l'Opération des Mille Clubs grâce à un article de Marc Saboya pour lequel j'ai prêté quelques cartes postales bien reproduites.
D'ailleurs l'iconographie de ce numéro est exceptionnel ! Que de documents !


Ah oui...J'oubliais...La carte postale est partout présente dans ce numéro, ce qui prouve une fois encore sa validité pour un travail historique et iconographique. C'est heureux de voir que le message passe.
La revue contient plein d'autres articles passionnant et l'architecture moderne et contemporaine y est présente à toutes les pages ! Un article sur les Villas par Delphine Costedoat ou encore un portait de Pierre Ferret vous passionneront également et tant d'autres !
Si donc vous aimez Royan, sa région, l'architecture moderne et contemporaine, il vous faut lire cette revue !
Attention ! Il est bien possible que cela vous donne une envie irrésistible de venir voir !
Pour ma part, je vais chérir mon exemplaire, bien le ranger à côté des livres de Didier Mouchel.
Les cartes postales qui suivent lui sont dédiées.

Le Festin
N°107, automne 2018
15 euros

Une page de publicité ?




































Pour tenir mes promesses, voici donc quelques cartes postales de Royan. Il y a bien longtemps maintenant que je ne vous en ai montrées mais, voilà, cela devient difficile de trouver des angles différents et des points de vues originaux.
Allez ! On regarde ?


Cette carte postale éditée par Michel Marcou nous montre le marché de Royan. On note que l'éditeur fait lui-même le rapprochement formel si tenace en indiquant : "le marché en forme de coquille Saint-Jacques". Ce qui nous amuse ici, dans ce cadrage certainement réalisé au zoom, c'est le contraste recherché entre le béton lisse et blanc du marché et les tuiles romanes des maisons. Très serré dans son cadre, le marché apparait donc comme une étrangeté superbe venu s'insérer durement dans la ville de Royan ce que d'autres points de vues relativiseraient davantage.


Cette carte postale Arum éditions nous montre la Plage de Foncillon et son fameux Palais des Congrès. L'actualité sur ce Palais des Congrès est vive puisque, enfin, il va retrouver sa vraie façade et l'articulation de ses volumes dès 2019 !
Ce n'est pas une bonne nouvelle, c'est simplement une joie immense de vivre ça, enfin !
Bravo Royan !
Je me réjouis de ce retour et je reparlerai de cet événement plus largement. Mais quelle nouvelle !
La plage de Foncillon est ma préférée à Royan, c'est là que vous me trouverai si je ne suis pas à Saint Palais.


Toujours tourné sur la plage de Foncillon mais un peu plus sur la piscine, voici une carte postale des éditions de l'Europe. Cette carte met en relation piscine, plage et surtout pour moi la superbe tour de Louis Simon que j'aime tant. Aujourd'hui les amateurs de Vintage se réjouiront du mobilier en rotin de la piscine...J'avoue que je n'ai jamais nagé dans cette piscine qui était perçue par mon regard d'enfant comme un lieu de gens riches, d'un luxe inouï. Je ne comprenais pas bien, gamin, pourquoi les gens se baignaient dans une piscine pour...regarder la mer en contre-bas...


Les éditions charentaises d'art A. Gilbert nous propose un angle intéressant sur le Boulevard Briand. On note de suite que la carte fut expédiée en 1955. La Place est encore en terre battue. On aime la grande perspective sous un ciel, pour une fois, très habité de nuages.


Retour au marché avec ce très rare point de vue puisque d'habitude le marché est photographié depuis l'une des fenêtres du petit immeuble visible au fond ! Le photographe des éditions Yvon est un peu en hauteur pour photographier la vie bien animée autour du marché. Regardez...On devine Notre-Dame qui pointe ! Quelle image !


On évoque trop peu dans l'urbanisme de Royan la place réservée aux étendues des parcs et des jardins, véritables lieux de paix et de repos qui jalonnent la virtuosité permanente des bâtiments.
Ici, c'est une édition de Monsieur Berjaud qui nous montre la belle et nécessaire Tâche Verte et ses très belles et modestes petites constructions qui la bordent. On imagine qu'une telle carte postale qui ne montre pas la mer dans une ville balnéaire nous dit bien comment les éditeurs tentent de tout cerner des particularités de la ville de Royan.
Autre jardin :


Cette fois nous sommes dans les jardins du Palais des Congrès où les petits marins ayant peur de la mer viennent faire jouer leur bateau à voile ! Pelouse tondue de près, bâtiments au loin fermant la perspective, tout est calme.
Prenons les airs !


L'éditeur Combier nous emmène avec lui au dessus de la Place et du Boulevard Briand. On voit parfaitement les Nouvelles Galeries et son plan très compliqué articulant des volumes dans un ordre que je cherche toujours à comprendre. Il s'agissait d'un très beau bâtiment de Royan qui a connu, malheureusement, quelques errements. Au fond, vous devinerez le Temple protestant, le centre commercial provisoire. Un bien beau cliché de Royan tournant le dos à la mer.
Vive Royan !
Vive la plus belle ville du Monde !
J'arrive !

la tuile bouteille est une fusée céramique

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Dans le Fonds Lestrade, Jean-Jean me trouve ça :


Cette photographie provient de l'Agence Interpresse, le tampon au dos de la photographie ne laisse aucun doute sur sa provenance.
Je vous donne le texte collé à la photographie qui nous raconte bien ce que nous avons sous les yeux :


Malheureusement pas datée, cette photographie comporte des trous aux quatre coins, ce qui prouve que Jean-Michel Lestrade avait punaisé pendant un temps ce document dans son agence. Pourquoi ? On ne sait pas. Admiration ? Travail en cours ? Ami ou connaissance sur le cliché ? Je penche assez pour cette dernière possibilité, à moins que Jean-Michel Lestrade n'ait tout simplement eu une relation amicale avec Jacques Couëlle l'inventeur du système. Pour l'instant aucun courrier, rien dans les archives Lestrade ne prouvent cette possibilité. En tant qu'amateur débridé de nouveauté, il n'est pas impossible aussi de penser que l'ingénieur en structure, amoureux des systèmes intelligents, ait trouvé là une expression parfaite de la structure naturelle appliquée à la construction.
Reste aussi à savoir comment il a pu obtenir ce cliché réservé normalement à la presse.
Nous sommes donc au Parc de Saint-Cloud lors d'une exposition internationale du Bâtiment et de la Construction où il est aisé de penser que Lestrade s'est rendu et qu'il a du donc voir l'expérience en cours. On note que le document n'évoque pas Jacques Couëlle et nous donne un drôle de nom pour cette méthode de construction : la tuile-bouteille !
Cette manière de nommer cette technique est bien différente de celle plus commune de fusée céramique mais aussi, pourtant, certainement plus claire à son objet. Le mot de bouteilleétant très juste pour que l'imaginaire fabrique la forme.



























La construction en cours est bien modeste, un peu plus haute qu'un homme et ne faisant que quelques mètres de longueur...Ayant pour vocation d'être démonstrative, et dans le temps court d'une exposition, il s'agissait sans doute d'être surtout didactique et claire. A-t-on pu visiter et pénétrer dans l'édicule pendant le temps de l'exposition ? Le chantier était-il terminé avant ou bien en cours pendant l'exposition ? A-t-on pu suivre la construction en direct avec, parfois, Jacques Couëlle sur place expliquant les enjeux de cette invention ?
Le document est difficile à dater. Je ne trouve aucune trace de cette démonstration dans cette exposition qui semble plus souvent nommée Salon des Travaux Publics.
Les habits des maçons sont bien peu marqués par une période, salopettes et bérets étant utilisés bien longtemps.
Je penche pour le début des années cinquante mais sans certitude.
Par contre, on comprend parfaitement la beauté et la simplicité de ce procédé des fusées céramiques. Un coffrage léger est construit, une saignée dans le sol est tracée, ne reste qu'à emboiter les fusées céramiques ou tuiles bouteilles depuis le sol en les scellant avec du ciment. Elle seront entièrement recouvertes ensuite par le dessus. Les quelques exemples de ce type de construction que j'ai pu voir laissent les fusées céramiques à nu dans leur sous-face et la beauté structurelle du module apparait donc, dynamisant la belle voute à la couleur chaude de la céramique : un must de l'efficacité structurelle et esthétique. On note que la courbe est déterminée avant le montage, elle est donc calculée, est-ce là que Lestrade est intervenu ?
Pour l'église de Grand Quevilly, (destruction honteuse) il y avait aussi des filins d'acier passant entre les fusées céramiques, sans doute que la taille de la voûte nécessitait à la fois un guide mais aussi une structure plus ferme. On note sur ce document des morceaux de bouteilles coupés et abandonnés permettant un ajustement au coffrage. Était-ce aussi amusant et facile à mettre en ordre que le système le laisse croire ? On devine derrière un rouleau de treillage métallique. À quoi servait-il et à quel moment ? Posé dessus en phase finale ? L'émotion devait être grande au moment du décoffrage et l'épreuve de vérification de la solidité bien...euh...courageuse ! J'imagine les maçons sautant à pieds joints sur le faîte de la courbe pour prouver sa solidité.
Dans l'une des revues d'architecture de Jean-Michel Lestrade, Walid Riplet trouve cette publicité ( Walid, veux-tu bien nous retrouver le numéro et le nom de cette revue ?) :



On note que l'inventeur Jacques Couëlle n'est pas nommé. La liste des qualités du matériaux est impressionnante et c'est sans doute ces qualités qui ont plu à l'architecte Paul Dremilly, car dans une autre revue, Walid me trouve ça et, là, je reconnais bien la construction !




























































L'article met surtout en avant le faible coût de la construction et oublie la qualité esthétique du bâtiment dont les courbes font bien références encore à Royan et Brasilia même si les murs en moellons s'y opposent un rien ! On remarque aussi que les fusées céramiques ne sont plus lisibles. Voici quelques images prises par votre serviteur. Le Temple est chaque fois fermé.




































































































Mais je ne possède pas de carte postale de ce modeste et intéressant édifice en fusées céramiques.
J'ai pourtant sous la main une carte postale qui pourrait bien nous remettre sur la piste de ce système. Même si, j'avoue, rien ne me permet de l'affirmer pour l'instant, mes recherches restant vaines à l'identification de l'architecte et du procédé technique utilisé.
Voici la carte postale en question :


Cette carte postale nous montre le Souk de Orléansville en Algérie. L'éditeur Chetrite ne nous donne malheureusement aucune autre information. Mais en voyant ces petites édicules, les uns contre les autres, dans une échelle de taille tout à fait similaire et une courbe de voûtes tout aussi proche, il est assez clair que cet ensemble a bien du être construit en tuiles-bouteilles ou fusées céramiques. Les agrandissements ne me permettent pas de voir bien sous les courbes et je n'ai pour l'instant trouvé aucune information dans mes revues, dans le Fonds Lestrade ou sur Internet sur les architectes de cet ensemble. Udo Kultermann lui-même dans son ouvrage Architectures Nouvelles en Afrique ne nous donne pas la réponse alors qu'il évoque messieurs Mauri, Emery, Simounet ou Miquel pour cette ville...
J'avoue que pour des raisons de proximité géographique, j'aimerai bien que Louis Miquel y soit pour quelque chose !
En tout cas, j'aimerai bien que les constructions réalisées avec ce procédé ingénieux et beau dans sa grande simplicité et limpidité structurel puissent être protégées et soutenues, étudiées et aimées. En Normandie deux exemples connaissent des sort funestes : Grand Quevilly et Serqueux...
Espérons qu'ailleurs l'invention de Jacques Couëlle sera retenir l'attention. Espérons...
Merci Walid Riplet et Jean-Jean Lestrade pour vos efforts.

ne pas copier les documents sans autorisation de la famille Lestrade.

Pour revoir des articles sur Jacques Couëlle :
https://archipostalecarte.blogspot.com/search/label/Jacques%20Couelle
Sur la fusée céramique :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/04/60-000-fusees-60-000.html 
https://archipostcard.blogspot.com/2007/10/grand-quevilly-construit-son-glise.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/10/sauvons-leglise-de-serqueux-avant-que.html 
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/11/sainte-bernadette-naime-pas-les.html
http://archipostalecarte.blogspot.com/2014/12/grand-quevilly-la-honte.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2014/10/le-diocese-marc-massion-et-bernadette.html



Paul Virilio le temps corporel

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Nous sommes nombreux, amateurs d'architectures brutales (et donc tendres), à regretter  la disparition de Paul Virilio.
Il fut pour moi qui eut la chance de connaître un peu Claude Parent, l'autre, celui qui est là, comme une ombre que je n'ai pas eu l'occasion de connaître.
Dans mon combat pour Sens et son centre commercial, dans celui toujours engagé pour Ris-Orangis (on n'oublie pas s'il vous plait) la présence de Paul Virilio était un socle. Non pas qu'il fut le complice de Monsieur Parent pour ces deux architectures mais simplement parce qu'il était à l'origine de mon intérêt pour ce travail architectural.
Banlay en est l'expression, Bunker Archéologie, l'annonciation.
Mais surtout, ce qui me semble important dans ce duo c'est l'importance du corps comme média de l'architecture. Pieds, appuis, colonne vertébrale, cou penché, et surtout regard et la puissance sensuelle de l'œil sont au centre de cette nécessité à vivre le réel qui passe souvent par l'architecture c'est à dire par donner une forme à son déplacement.
Une architecture principe, une fonction oblique.
D'où aussi sans doute, la crainte (tremblement) de sa disparition au profit d'outils prenant cette place, faisant écran : le média.
C'est en cela que Bunker Archéologie fut pour moi un seuil. C'est la force des inventeurs de voir et dire que ce qui est vu comme interdit est désirable. La violence de l'attaque, l'éclatement des masses, la vitesse de l'assaut nécessitent des refuges. Il fera donc avec Monsieur Parent de l'architecture.
Dans la masse de ma collection d'images (ça lui va bien masse des images), j'en possède une qui m'est essentielle :


Cette photographie nous montre un homme regardant l'accrochage de l'exposition Bunker Archéologie au Musée des arts Décoratifs en 1975.
Ce qui me trouble toujours dans cette photographie c'est la ressemblance (ou ma projection...) du visiteur avec Roland Topor. J'aime croire qu'il s'agit là du dessinateur si important pour moi visitant cette déclaration d'amour. Mais ce que nous regardons aussi, bien entendu, c'est la taille des tirages photographiques donnant toute la chance de toucher de l'œil les épidermes des bunkers.




Il faudra retrouver les clichés de cette exposition, il faudra refaire cette exposition. Il semble qu'aujourd'hui les bunkers retrouvent une grâce patrimoniale quand ils n'ont pas le malheur de voir les égos des tristes street-artistes les encombrer de leurs peinturlures libérales.
Voir, sentir, tout ce qui est du domaine sérieux de la sensualité en architecture, je l'ai appris en grande parti en vous lisant, Monsieur.
J'ai remis mon corps au milieu du béton, au milieu des lumières, interrogeant toujours le seuil et le désamour possible pour des constructions, les chargeant alors non pas d'une nostalgie inutile mais bien d'une vitalité première, primale même, celle des sens.
Pour cela, pour le reste, pour le travail, pour les remises en question, merci Monsieur Virilio.
Permettez-moi de vous dédier cette carte postale, simple objet populaire, banale, facile, accessible.
Elle place un photographe à l'intérieur d'un bunker. Il cadre la vue depuis le tir. Il traduit les deux peurs.
Entre l'horizon, le bleu du ciel et de la mer, le dessin griffonné des barbelés sur la vue. Au dessus, le noir du bunker, en dessous, son béton.
Voir avec (par) vous, me manquera.

Je vous conseille :
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/paul-virilio-penseur-de-la-vitesse































Carte postale des éditions ED, photographe J-J. Dubray.

L'une des plus belles par Gérard Guillat

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Ce dimanche, sur un stand comportant une dizaine de boîtes à chaussures pleines, je tombe là-dessus :






































J'ai immédiatement aimé cette image, cette photographie, cette carte postale.
J'ai aimé les trois ensemble.
Ma surprise première fut de trouver représentée, aussi clairement et directement (on reparle de ça) la Faculté de Tolbiac, chef-d'œuvre français de Messieurs Andrault et Parat que nous aimons beaucoup sur ce blog.
En effet, pour l'instant, alors que le duo d'architectes est assez bien représenté en carte postale, rares sont celles qui, aussi franchement, montrent l'une de leurs créations, et pas l'une des moindres.
Alors ?
Remercions de suite le photographe, car, ici, chance parfaite, il est nommé : Gérard Guillat.
Et alors là...
Là, d'abord, je découvre que Monsieur Guillat a travaillé pour Claude Parent et qu'il a photographié un grand nombre de ses architectures ! Incroyable indice que je prends comme un signe du ciel ! 
Gérad Guillat semble avoir beaucoup photographié l'architecture et on le trouve son nom dans des Fonds photographiques qui sont consacrés à cet Art. Je m'étonne même de ne pas avoir rencontré son nom plus tôt. Si vous tapez son nom sur un moteur de recherches vous tomberez immanquablement sur Malick Sidibé qui travailla chez lui...
On aimerait en savoir plus sur Monsieur Guillat.
Quelle chance de pouvoir tirer ce fil.
On a donc à faire à un homme du métier qui connait son sujet, sait établir avec l'architecture un regard particulier, précis et ici, pour cette carte postale, extrêmement  poétique. Oui, poétique.
Il y a ce grand miroir qui reflète Tolbiac et qui ne semble être là que pour cela, ne laissant que peu de signes pour s'identifier en tant qu'architecture et assumant son rôle de réflecteur. Pourtant ce miroir est bien une façade, elle-même architecture. On devine alors que le photographe joue ce rôle étrange d'entremetteur entre ces deux architectures : celle donnant l'image et s'oubliant dans le reflet du Monde et celle reflétée qui, en quelque sorte prend le pouvoir de cette image. Une présence oublieuse d'elle-même, un écran.


L'autre superbe idée de cette image c'est bien ce jeune homme qui regarde, tête levée, l'architecture de Andrault et Parat, en étant très proche de la façade, oubliant que ce miroir qui le reflète est aussi transparent sur son autre face. Pas de doute, cette présence est composée, construite. On aime que le photographe trouve un angle pour ne pas lui-même apparaitre dans ce miroir, disparaissant, comme pour nous laisser seul devant l'événement du miroir. Pour le reste...
Que de qualités !
Admirons les tons chauds de l'image, les plages colorées parfaitement bien construites, laissant ce bronze et ce brun monter partout, justement équilibrés par le bleu du ciel et l'éclat plus orangé du soleil passant sur la façade en béton architectonique en haut à droite.


























































Quelle composition !
Mais qui est ce jeune homme dont la silhouette est si bien marquée par son époque ? Et, autre question importante, où est donc placé Monsieur Guillat pour faire cette image ? On cherche ensemble ?
Nous sommes bien rue de Tolbiac. Ma promenade par Google Earth ne me permet pourtant pas de retrouver ce grand pan de verre réfléchissant situé, forcément en face. On reconnait bien le motif de béton des immeubles des Olympiades sur la photographie mais le traitement des accès et du rez-de-rue ne semble plus correspondre. Ce morceau d'architecture aurait-il disparu ? C'est possible, j'irai voir.
L'autre chose qui m'étonne dans cette photographie de Monsieur Guillat c'est la présence de deux lampes (?) faisant deux auréoles jaunes dans la vitre.












Il ne me semble pas possible qu'elles soient à l'intérieur de l'immeuble, à l'arrière de la vitre de cette
façade.
À moins qu'elles n'éclairent l'intérieur ? Est-il possible que depuis ce point de vue, elles soient situées à l'extérieur, offrant au photographe une lumière supplémentaire sans être visible depuis le dehors et n'apparaissant alors que comme reflet ? Mon compte-fil ne me permet pas de lire les pieds des lampes ni, d'ailleurs, encore plus étrange, la présence du photographe...
On retrouve là toutes les interrogations soulevées ici :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/10/leffet-blade-runner.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/08/un-homme-et-la-lumiere.html
http://archipostcard.blogspot.com/2011/07/le-piege-de-lombre.html

Revenons à l'objet éditorial. La carte postale en question est une carte éditée par SNC, Société Nationale de Construction, dont le siège social nous est indiqué : 58, rue des Dessous des Berges à Paris dans le même arrondissement. On note que cette carte servant à envoyer des vœux pour 1977 nomme bien le lieu du cliché mais plus curieux, oublie de nommer les architectes, Messieurs Andrault et Parat, ce qui, pour une Société Nationale de la Construction apparait comme bien peu délicat. D'ailleurs, y-a-t-il un lien direct entre cette SNC et la construction de la Faculté de Tolbiac ?
D'autres questions restent en suspend : Comment cette carte postale était distribuée ? Monsieur Guillat a-t-il produit une photographie spécialement pour ce projet éditorial (et donc orienté son image en ce sens) ou a-t-il fourni l'un de ses nombreux clichés d'architecture ?
Bien entendu si le photographe lui-même ou ses proches pouvaient nous éclairer, cela serait parfait.
Par chance, dans cette boîte à chaussures, il y avait deux exemplaires de cette superbe carte postale. J'ai acheté les deux, la beauté, multipliée, diffusée à l'époque de la reproductibilité technique ne perd rien de son aura, quoique puisse en penser certains.
Je vais ranger cette image, la protéger, la chérir comme l'un des plus beaux témoins de ce que l'image peut dire du Monde et de l'architecture contemporaine en particulier.
J'aime les images.



Moi, je l'emballe l'architecture

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Dans la moisson des cartes postales, j'aime beaucoup trouver des liens et voir apparaître des images d'événements qui ont disparu et que la carte postale retient comme une archive populaire.
Il ne fait aucun doute que le Pont Neuf emballé par Christo en 1985 fait partie de ces événements qui ont marqué les années 80 si promptes à voir surgir le spectacle.
Je n'ai malheureusement pas vu cette intervention de l'artiste mais je me souviens de son scandale un peu mousseux.
L'intervention en elle-même, geste gratuit qui fait sa beauté, sert donc à bouleverser la ville, à la transformer, à questionner le geste artistique et sa nécessaire collaboration avec le politique. En effet, difficile de venir un matin, emballer le Pont Neuf sans autorisation. Alors que l'imaginaire et de beaux dessins en prouvant la réalité poétique auraient bien pu suffire, il est indéniable que la réalisation dans le réel des jours et des lumières est la preuve, de fait, d'un désir politique.
Bien entendu, ce geste d'empaqueter le Pont Neuf (empaqueter est le terme utilisé par l'éditeur des cartes postales) a donné l'occasion d'éditions de cartes postales pour nourrir les visiteurs, les touristes, les détracteurs et... l'artiste.



En voici deux exemples par le photographe Wolfgang Volz pour la maison d'édition Nouvelles Images. On remarque de suite cette couleur ambrée, dorée, d'un brun chaud qui, surtout sur la première carte postale, semble jouer avec les pierres du Vieux Paris. Bien entendu, ce champ coloré est désiré par l'artiste, sans doute pour en atténuer à la fois le jeu entre son intervention et le paysage urbain. Tenter aussi de ne rien perdre du spectaculaire, assumer tout de même une certaine intégration, une politesse. Calmons le jeu, en quelque sorte.
J'avoue que c'est bien ce qui me gêne, cette réticence, cette timidité de façade. J'aime mieux le Christo rose vif des îles de la baie de Biscayne. Si le doré montant d'un soleil bas, au lever ou au coucher, donnera une chance à un ton plus audacieux de paraître, il me semble qu'une franchise plus grande eut été aussi plus juste.
Au dos des cartes postales, le correspondant ajoute qu'il a passé deux jours et demi chez Mimi en octobre 1985. On trouve aussi des informations techniques comme l'utilisation de 40 000 mètres carrés de toile nylon polyamide et 11 000 mètres de corde. On apprend que le directeur du projet était Johannes Schaub.
Mais dans les boîtes à chaussures, je n'achète pas que des cartes postales d'architecture contemporaine ou moderne. D'autres événements, de la même époque, ont droit eux aussi à une expression par l'édition du carte postale. Et, l'emballage d'une partie bien plus intime et plus réduite en est aussi l'objet.
Cette carte postale, (tout en haut de cet article) a le mérite de sa clarté, de son évidence qui, contrairement à Christo, reste d'actualité. Je vous donne ici le verso, car, je crois bien que Antoine, l'expéditeur, sans y toucher, comme ça, l'air de rien, semble vouloir dire quelque chose de bien clair à son voisin...



On notera que Antoine semble hésitant sur la portée du message du Syndicat National des Entreprises Gaies, mêlant contraception et protection. Mais... on appellera ça un dégagement timide.
Pourrait-on affirmer que l'enfilage d'une capote géante sur l'obélisque de la Concorde par Act Up en 1993 est une réminiscence de l'emballage du Pont Neuf par Christo ? S'agit-il là d'une vraie filiation Agit-Prop, utile elle, puissante, claire et nécessaire ? L'acte artistique est alors superbe car sans ce romantisme de l'artiste démiurge s'appuyant sur les autorisations et soutiens de l'État.
Le surgissement soudain de cet événement, sa radicalité, son audace rompant le silence (et sa violence associée) furent un vrai moment historique, un monument historique.
Un monument historique qui n'aura duré qu'une heure, n'oublions pas qu'en 1993 Charles Pasqua est Ministre de l'Intérieur et Philippe Douste-Blazy Ministre de la Santé. On n'oublie rien de leur utilité.
Et n'oubliez pas d'emballer ce qui se doit de l'être, encore, et encore.
Merci.


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