Quantcast
Channel: Architectures de Cartes Postales 2
Viewing all 1189 articles
Browse latest View live

La virilité

$
0
0
Peu de constructions ont pour moi (et je pense pour beaucoup d'autres) une puissance lyrique assumée comme la Caserne Masséna de Paris, œuvre majeure et essentielle de Jean Willerval son architecte.
Bien évidemment, le programme lui-même, une caserne de pompiers, aurait pu suffire au fantasme appuyé et homo-érotique de nombreux amateurs d'architecture mais il se trouve que dans sa forme, dans ses qualités constructives et structurelles, on pourrait également se laisser prendre par cette puissance, cette force, bref, soyons clair cette virilité.
Lorsque s'ajoute à ce désir tendu par des images et des formes, une carte postale donnant à voir ce qui s'y joue, la chaleur monte aux joues...



Cette édition Abeille-Cartes pour Lyna nous montre donc la Caserne Masséna et plus particulièrement son gymnase ici superbement éclairé et doré par le reflet ambré du parquet de bois. Mais, bien entendu, ce qui fait cette image, cette photographie c'est bien l'action qui s'y déroule. 24 beaux pompiers, habillés de blanc, prennent une pose pour le moins... structurale laissant croire qu'ils ont tout compris de l'architecture dans laquelle ils évoluent : force, équilibre et même une certaine tension.





La symétrie de l'image, la distance avec le photographe voulant sans doute à la fois donner sa chance au lieu et à l'animation, tout cela fait de cette carte postale, comment dire... un grand moment palpitant.
Mais revenons sur terre, tentons malgré tout une analyse. On devine déjà sur cette image de l'intérieur le traitement de cette architecture faite de béton parfaitement bien travaillé et dont les exploits structurels sont également visibles sur cette carte postale. Comment ne pas être séduit par la force dégagée par les piliers de façades à droite s'ouvrant généreusement puis prolongeant leur force de soutien à l'intérieur de la salle par des poutres immenses et longues laissant ainsi un espace libre de tout pilier ?





On admirera également les détails des bouches de chauffage (?) et des aérateurs traités avec une simplicité superbe, laissant leur forme affirmer leur fonction. Pureté parfaite de ce gymnase qui semble ainsi dans sa nudité franche laisser la place aux corps, à l'exercice, à la joie du sport et de l'effort. Une physicalité qui se voit et même qui se fait ici une esthétique.
Pour comprendre ce que représente cette présence physique et pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce lieu superbe, je vous donne des extraits de l'article paru dans l'Architecture d'Aujourd'hui publié en 1973. C'est l'équipe des architectes qui prend la parole et nous explique la construction. Je ne pourrais pas faire mieux. Les très belles photographies en noir et blanc de Guy Jaumotte vous feront voir une construction très marquée encore par l'influence de Le Corbusier tant dans ses formes que dans l'intelligence du programme mais qui est aussi pour moi comme si l'un des métabolistes japonais avait posé là l'une des œuvres majeures de l'architecture du Vingtième Siècle à Paris : un vrai, total, absolu chef-d'oeuvre.
Alors je rêve tranquillement à une visite organisée me permettant de suivre, sous les ombres et les lumières du béton, un pompier nous montrant tous les secrets... de son lieu de travail.
























Kronos

$
0
0
Ici, on aime le travail de Hansjörg Schneider, et même, voyez-vous, on le jalouse.
Alors dès que l'on reçoit de cet artiste des nouvelles, des informations et des catalogues de son oeuvre, on se fait une joie et un honneur de les partager.
D'abord la carte postale :



















N'est-ce pas magnifique ? N'avez-vous pas envie immédiatement de venir là, vous asseoir sur l'une des chaises MR10 de Mies Van der Rohe et Lily Reich et de méditer sur le mur blanc enregistrant les ombres du bouquet de Lilium ?





Ce vide presque parfait dont la rythmicité spatiale nait d'une succession du mobilier moderniste est une abstraction sans doute un rien exagérée, trop parfaite, presque comme un dessin de Joost Swarte. Nous sommes à Berlin dans une architecture des frères Luckhardt et de Alfons Anker datant de 1930 et parfaitement marquée par cette modernité pure de l'époque.
Je vous donne une idée de l'extérieure de cette villa avec cette photographie cette fois d'époque dont je n'ai pu retrouvé l'auteur :



Pour information, cette carte postale envoyée par Hansjörg Schneider est une photographie de Christian Gahl. On ne s'étonnera pas du choix d'une telle carte postale par l'artiste car ce dernier est comme votre serviteur un grand collectionneur de cartes postales d'architectures que d'ailleurs il utilise pour faire des oeuvres. Rappelez-vous ici.
http://archipostcard.blogspot.fr/2009/09/hansjorg-schneider-un-ami-un-artiste.html
Mais regardons ce beau catalogue que l'artiste me fait la joie de m'envoyer. Vous verrez que l'architecture moderne est bien pour lui une évidence, une source et même une raison de produire. Il s'appuie sur ses structures, ses espaces imaginaires ou réels, il les réduit pour mieux les synthétiser et nous donner à en voir une forme iconique. Il aime également la géométrie, les processus et la plasticité rigoureuse qui font de son travail artistique, à mon sens, l'un des plus intelligents et surtout l'un des plus sensibles sur des références qui nous sont communes.
Pour information, ce catalogue fut édité à l'occasion de son exposition au Architekturmuseum der Technischen Universität Berlin entre le 21 mai et le 16 juillet 2015. Et rien ne remplace la vision directe de son oeuvre car elle est plastiquement très fine.
Remercions donc Hansjörg Schneider pour son envoi !
On trouve également sur internet cette vidéo montrant Hansjörg Schneider au travail :

















empiler à la belge

$
0
0
C'est exactement ce que j'aime, tomber sur sur ce genre de cartes postales :



Cet ensemble incroyable réussissant l'amalgame entre une ruche et un empilement de boites se situe en Belgique à Klemskerke. Il s'agit de l'ensemble Blekkaard qui est dédié au vacances.
Peu d'architectures me semblent ainsi parler franchement par leur image de leur mode de fabrication, ou, du moins, nous laisser croire à ce mode. Il y a bien l'ensemble de Moshe Safdie à Montréal qui peut restituer cette impression de clarté mais ici, dans la forme du module, on croirait plus à un empilement de mobil-homes que de cubes. D'ailleurs il est difficile de savoir si le nombre de cet empilement est réellement ouvert ou bien s'il s'agit d'une image donnant cette impression. Pouvait-on, peut-on réellement ajouter ou retirer l'un des modules ? Comment sont constituées les relations entre eux, comment circule-t-on au centre de la construction ?



On devine bien deux tours de béton qui débordent et doivent desservir verticalement la pyramide de modules mais pour l'horizontal ? Il faut donc croire que chacun des modules est en fait séparé en deux avec un couloir central permettant des raccords horizontaux. Cela voudrait également dire qu'il y a deux logements par modules. Mais alors comment sont éclairés ces couloirs ?
Tout cela reste mystérieux. Je trouve assez facilement le nom de l'architecte qui serait Marcel Dubois avec Jaminin associés si on en croit ce site.
Nous restons tout de même très admiratifs de la réalité de ce genre de construction qui sur cette carte postale contraste si bien avec son premier plan constitué de plusieurs caravanes et mobil-homes, eux, restés sur la terre ferme. Entre ces deux empilements, vous choisissez lequel ? Moi, j'ai choisis...





J'imagine sans doute à tort le ballet des grues apportant et déposant un à un les modules tous préfabriqués sur le sol et emportés dans les airs pour être placé dans la ruche. Cette première carte postale est une édition AVM sans nom de photographe.
Regardons-en une deuxième qui finira de nous impressionner et de nous réjouir !



Peut-on vraiment mieux comprendre la réalité constructive depuis ce point de vue ? Difficile...
On devine pourtant bien le doublage de l'épaisseur des modules ce qui prouverait bien une superposition de ceux-ci mais les murs aveugles ne donnent aucune chance de comprendre les raccords entre les modules.



On peut aussi imaginer que seuls les modules de butée soient ainsi fermés.
La carte postale AMV nous indique qu'il y a là des logements mais aussi un restaurant et une supérette.
Mais quelle merveille ! Quelle surprise ! On retrouve bien cet ensemble encore debout sur Google Earth, espérons que nos amis belges sauront préserver cet ensemble à la fois si pragmatique dans son image et si poétique dans sa réalité.








Journées Européennes de destruction du Patrimoine

$
0
0
Alors, bien évidemment cela ne m'amuse pas d'être la mouche tombée dans la soupe.
Mais puisque l'actualité des Journées Européennes du Patrimoine arrive à grands pas, je vous propose d'aller voir une dernière fois quelques œuvres majeures, parfois labellisées et pourtant menacées de destruction, de restructuration ou de relooking épuisant.
Faisons une promenade vers de futures ruines, vers des regrets que les livres d'histoires de l'architecture enregistreront dans quelques années comme des erreurs et des exemples de bêtises de la politique patrimoniale dont on peut se demander si en France, au-delà des affichages institutionnels et des émissions sur France 2, elle existe encore. Avant, la Grande Muette c'était l'Armée, il semble qu'aujourd'hui ce soit, au moins sur les questions de l'architecture contemporaine et de son héritage moderniste, le Ministère de la Culture... Pendant ces journées, il pourrait y avoir des annonces de ce Ministère montrant son attachement au Patrimoine Moderne, cela serait un signe, une énergie, une reconnaissance mais vous verrez que comme sous Filippetti, on n'aura rien.
Voilà le progamme de l'année pour ces Journées Européennes du Patrimoine :




Allez faire un tour sur le terrain déblayé de l'église Sainte Bernadette du Grand-Quevilly, allez voir qu'il ne reste rien... Allez dans la même ville, voir l'autre église dessinée par l'architecte Cacaut, abandonnée et détériorée. De ce fait, pour ces Journées Européennes du Patrimoine, Grand-Quevilly est la ville où l'Art Sacré Moderne est sacrément détesté et dédaigné, une ville donc phare dans ce programme. Nous reste à regarder sur Google Earth, les images de l'église encore debout...


















Allez vite à Toulon pour ces Journées Européennes du Patrimoine regardez pour quelque temps encore la très belle Caisse d'Épargne de Henry, architecte avant que les affairistes du mètre-carré, les investisseurs en surface-plein-centre-ville associés à des architectes qui se fichent comme d'une guigne de leurs aînés et de leur héritage ne viennent faire un tuning hideux sur ce chef-d'œuvre qui a donc obtenu pour rien le Label Patrimoine du Vingtième sicle. Un vrai et beau futur cas d'école pour la signification de ce Label en France. Dépêchez-vous ! Tous à Toulon pour voir la réalité de la politique patrimoniale en France. Ils ont déjà affiché leur programme Visio... C'est à pleurer.

Allez tous à Vigneux-sur-Seine pour les Journées Européennes du Patrimoine voir l'ensemble de Paul Chemetov, les Briques rouges. Faites des photographies, des dessins, documentez pour l'histoire la destruction d'un Label du Patrimoine du Vingtième Siècle ! C'est une chance de saisir en direct l'inutilité affichée publiquement de ce Label !
Là aussi tout cela pour un programme foncier et immobilier d'une qualité... rare, c'est inouï comme en France, la laideur a le pouvoir de détruire sous le regard des maires les œuvres intelligentes...

















Allez tous au Touquet voir la très belle tour de l'école hôtelière avant que l'on ne sache comment la reconvertir et que, devant le manque d'idées et l'épuisement des possibles on ne se décide avec regrets (ils ont toujours des regrets) à la détruire.



































Allez voir au Havre comment un chef-d'œuvre reconnu d'Oscar Niemeyer, chef-d'œuvre posé dans une ville étant inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco, allez voir comment cette Maison de la Culture a pu être éradiquée dans ses formes et ses fonctions, étant pourtant l'une des constructions emblématiques de cet architecte en France. Voyez ce somptueux ratage dont le seul hommage fait à l'architecte est d'avoir inscrit son nom en énorme sur les nouveaux murs comme pour se rassurer d'avoir bien fait. C'est, je crois, l'exemple le plus parfait de la démagogie patrimoniale à la française, un cas d'école, un cas historique. Suite à cette catastrophe patrimoniale, je crois qu'il faudra retirer au Havre son inscription sur la Liste Mondiale du Patrimoine de L'Unesco. Cela laisse songeur sur les possibles attaques de l'œuvre de Perret si la démagogie politique effectuée sur celle de Niemeyer venait à s'étendre. Pour ces Journées Européennes du Patrimoine allez donc tous au Havre voir cette honte.


















 














Allez vite au Mirail, voir comment l'héritage de Candilis est sacrifié, mutilé, éradiqué et tout cela dans un esprit presque festif et heureux ! C'est absolument inouï ! Et que la cabale mêlant les idées flamboyantes radio-diffusées d'une équipe d'architectes et les petites pensées humanistes d'un philosophe permet là aussi de croire qu'ils font bien, juste et même rendent hommage à cette architecture ! On détruit pour rendre hommage ! Le comble... Donc vite, allez à Toulouse Le Mirail pour ces journées européennes de destruction du Patrimoine !

















Enfin quel avenir pour le chef-d'œuvre d'Orléans-la Source qu'est le centre E.D.F par les architectes Renaudie, Riboulet, Thurnauer, et Veret ? Va-t-on attendre qu'il ne soit trop tard pour s'excuser de n'avoir rien fait dans un mélange fatiguant de désolation et de regrets ? Est-ce logique que cette ville qui abrite pourtant le très important F.R.A.C Centre, spécialisé dans l'architecture laisse ainsi en voisin une ruine se fabriquer ?
Allez donc à Orléans pendant ces journées du Patrimoine voir ce centre E.D.F et la serre-restaurant de messieurs Arretche et Prouvé tout aussi abandonné...

On pourra aussi évoquer pour ces Journées de destruction du Patrimoine le cas éloquent de l'École d'architecture de Nanterre, vandalisée, abandonnée alors même que par son programme et son architecture elle devrait être l'exemple d'une cohérence patrimonial en France. Pour ce cas, ce n'est plus de la honte, c'est de la colère.

En conclusion (et malheureusement la liste va s'allonger), cette année, les Journées Européennes du Patrimoine seront celles de la fin programmée du Label Patrimoine du Vingtième Siècle. Jamais, jamais encore en France notre héritage contemporain n'a subi sous les yeux devenus complices des institutions et des politiques, une telle ampleur de destructions, de menaces et même, j'ose, d'une rage jouissive à détruire en toute liberté et bonne conscience démagogique notre héritage moderniste.
Bonne visite à tous, bon week-end sur les ruines de notre modernité.
Le Comité de Vigilance Brutaliste.


Piscine Tournesol en action

$
0
0
Continuons notre inventaire des éditions de cartes postales nous montrant les piscines Tournesol. Il va sans dire qu'en ces journées européennes de destruction du Patrimoine , la piscine Tournesol, malheureusement, avec son succès populaire et sa présence fréquente sur notre sol national est bien l'une des premières œuvres menacées car comme un gant que l'on retourne, ce succès et son grand nombre vont à l'encontre de l'urgence de protection...
La France attendra donc que la dernière piscine Tournesol encore debout et pas modifiée ou torturée sous des relookages douteux soit menacée pour prendre la décision d'une protection ou mieux encore, comme d'habitude de regretter de n'avoir rien fait. "Mince c'est trop tard, oh, si on avait su..."
Alors pour l'instant, continuons de nous réjouir des images et donc des cartes postales qui elles, dans leur popularité, ont su rendre hommage à cette architecture et son architecte Bernard Schœller ayant marqué l'histoire mais aussi les souvenirs des français. Une vraie belle architecture populaire :

























Cette très belle carte postale est une édition Cellard expédiée en 1977. Elle est remarquable car en trois petites vues, elle rend vivant l'action et le rôle de ces piscines. D'abord on nous montre l'objet, ici dans sa livrée rouge, l'une des plus belles et des plus rares. Puis, et là c'est franchement inédit, on voit une classe de primaire se rendre en rang à la piscine Tournesol accompagnée par le maître de la classe. 

 
 



Je me reconnais bien dans l'époque et la dégaine des morpions car j'y retrouve ma jeunesse. Mais surtout j'aime ainsi que la carte postale souligne l'usage de ce type de construction, accentuant ici son rôle éducatif et scolaire. Puis, dans le dernier registre, le photographe choisit de serrer son cadrage non plus sur la piscine elle-même mais sur ceux qui s'y baignent et il cadre sur les gamins dans l'eau. Impossible de savoir s'il s'agit de ceux photographiés plus haut même si ces derniers semblent bien plus s'amuser que suivre la leçon de natation scolaire. Voilà donc encore la preuve d'une lecture possible des usages et de la présence d'une architecture moderne dans le paysage par ce mode populaire qu'est la carte postale. On notera que la piscine de Charvieu est appelée centre nautique comme pour lui donner une noblesse, un rôle et une importance plus grande. Il semble bien que cette piscine Tournesol de Charvieu existe toujours mais elle est maintenant blanche...

Mexico brutal

$
0
0
En ce dimanche, allons faire un tour à Mexico, dans l'un des plus importants lieux de pélerinage mondial catholique, la nouvelle Basilique de Mexico :

















La carte postale en Vistacolor est éditée par Ammex en "lito en México" est fait plaisir à un lithographe comme moi en proposant dans son logotype de nous montrer la presse qui imprime ces cartes postales.
Mais bien entendu, nous allons surtout regarder la belle et gigantesque Basilique photographiée par deux fois par Salvador Fematt.
On y reconnait bien le style d'une architecture de béton associant les courbes contrariées d'un toit en forme de tente, évoquant le textile et donc une forme nomade et une lourdeur volontaire, solide, puissante qui tient soit du volcan, de la colline se soulevant du sol depuis un plan circulaire approuvé par Vatican 2. Il faut dire que l'architecte Pedro Ramirez Vazquez devait inventer un lieu pouvant accueillir une foule énorme car ce lieu est le deuxième plus important lieu catholique visité après le Vatican ! On voit d'ailleurs devant la basilique la foule qui se presse pour voir la relique qui y est exposée. Cette Basilique datant de 1976, on pourra tout de même s'étonner de la voir avec ce style si tardive.
Il faut le dire, nous aimons particulièrement ce genre d'objet architectural dont la force brutale tient beaucoup à son émergence soudaine dans le paysage.

















L'intérieur laisse aussi rêveur et propose un ensemble liturgique d'une grande beauté. On remarque que le plafond semble réchauffé par des bois et que la lumière descend directement sur l'autel. Comment ne pas aimer les immenses lustres tombant du toit sur les pèlerins ?
Étrangement l'échelle semble bien moins importante depuis ce point de vue.
Même s'il s'agit d'un hasard, dans la même boite à chaussures, je trouve cette autre carte postale venant du Mexique et réunit certainement lors du même voyage :
















L'éditeur nous dit qu'il s'agit du Temple du Magicien à Uxmal dans le Yucatan. Il va de soit que le rapprochement brutaliste entre ces deux formes architecturales est possible. Si seulement cette pyramide avait été faite de béton, nous aurions pu rapidement nous réjouir comme d'un signe d'une complicité amicale autour d'une forme tenue, ferme, elle aussi sans concession au paysage, l'écrasant dans son surgissement.
On notera que Pedro Ramirez Vazquez est l'un des plus éminents architectes mexicains. On lui doit notamment le Pavillon mexicain de l'exposition internationale de Bruxelles en 1956 et un grand nombre d'édifices ayant marqués par leur modernité l'architecture de l'Amérique Latine.

Un Corbusier au Louxor

$
0
0
Je me fais avec plaisir le relais d'une information envoyée par François Chaslin. Celui-ci vous propose de le rencontrer lors d'une conférence sur son ouvrage Un Corbusier au cinéma le Louxor, dans le cadre de l'université populaire.
Pas de doute que cela sera très intéressant. Je vous conseille donc vivement si vous êtes sur Paris d'aller y assister.
Voici les informations pratiques :





Comme il s'agit de Mr Chaslin et de le Corbusier, pourquoi ne pas en profiter pour regarder aussi une carte postale inédite sur l'architecte.
On ne se refuse rien !
Du saugrenu :



Oui. Étonnant non ?
Cette carte postale appartient bien à la série éditée par Ryner qui nous montre les intérieurs de la Cité Radieuse de Marseille. On note que l'éditeur nomme le lieu le Bar-salon (sic!) alors que nous sommes bien dans les deux chambres séparées par le mur coulissant.
Difficile de comprendre le choix d'une telle décoration... Mais cela prouve avec humour que l'on peut bien rêver de ce que l'on veut dans l'espace moderne de la Cité Radieuse ! Ce puits champêtre en fer forgé devait donc servir de bar en s'ouvrant sans doute par son milieu. Imaginez le plaisir d'être là, assis, autour de cette merveille et de prendre un Casanis bien frais.
Je ne sais pas qui a le plus d'humour, le concepteur de cette merveille ou le photographe venu là prendre ce cliché et l'éditer. Que tente donc de nous prouver cette image ? A-t-elle intégré d'elle-même l'indélicatesse et le second degré ou bien fait-elle le constat joyeux d'une liberté de vivre dans un espace révolutionnaire ? Si on regarde le reste de la photographie, on devine un lieu relativement vide de vie, où rien ne traîne et seule la plante verte semble dire la réalité de l'habitat de ce lieu.























 
























On notera que l'Architecture d'Aujourd'hui s'amusait déjà à l'époque de la publication de telles cartes postales...
Au dos, figure bien le nom de Le Corbusier comme architecte, heureusement pas comme décorateur ! Mais aurons-nous la chance d'avoir le témoignage d'un habitant de la Cité Radieuse sur ce voisin décorateur ?
Sans doute est-ce là l'image d'un puits de sciences, hommage à François Chaslin !
N'oubliez pas de lire son superbe ouvrage sur Le Corbusier. Indispensable.

Fabio Rieti, l'homme qui marchait sur les murs

$
0
0
Voici une carte postale bien étrange :

























Que voit-on là ? Et quelle importance de le photographier et de l'éditer en carte postale ?
Il s'agit de la sortie du  R.E.R sur la dalle du Forum des Halles, telle qu'elle était avant la fin des travaux... de l'ancien Forum, celui détruit maintenant. Ce lieu éphémère, ce passage curieux dans son temps et dans son espace a pourtant été représenté, figé, conservé dans une photographie puis diffusé. On doit cet intérêt à l'actualité de la sortie de terre de l'un des projets les plus controversés de Paris mais aussi sans doute, à sa forme liée ici à la modernité d'un quartier en construction.
On voit bien la palissade blanche du chantier au pied de laquelle est assise une jeune femme.
On voit surtout une structure en toile tendue orange sur une une poutre métallique formant un arc de cercle sur lequel est accrochée une énorme caméra de surveillance à la discrétion toute nouvelle !




Parle-t-on ici du dynamisme de la ville, de son entrelacement avec la banlieue ? Parle-t-on ici d'une ville qui se renouvelle, qui affiche fièrement son chantier ? C'est possible. On remarque que le photographe prend tout de même le temps de cadrer l'église St-Eustache pour rendre à sa carte postale sa vocation d'image de la ville et son pittoresque. On sait aussi que des cartes postales étaient éditées pour montrer des stations du R.E.R et permettre ainsi à la famille restée en province de voir la modernité de Paris. Qui oserait cela aujourd'hui ?
Verra-t-on des cartes postales de la nouvelle canopée s'afficher sur les tourniquets ?
Pour mieux situer où nous sommes, je vous donne cet autre point de vue, cette autre carte postale :




















On voit parfaitement le trou du Forum des Halles qui fut si vite mal jugé et qui a aujourd'hui disparu. On y retrouve bien notre sortie du R.E.R en toile orange qui semble immense et qui fait face à l'une des plus belles réalisations de Fabio Rieti, son mur peint le Piéton des Halles qui a disparu il y a bien longtemps maintenant. Il s'agissait pourtant d'un tour de force, animer un grand aplat de béton avec peu de moyens. Quelle réussite et quelle poésie ! Simplement trois personnages comme vus de haut qui activent une place imaginaire ! Simplicité superbe et génie de faire d'un mur... une place relevée à la verticale. D'ailleurs la carte postale des éditions Chantal ne rend pas bien compte de la réalité de l'œuvre puisqu'on ne voit pas encore la femme qui vient à la rencontre de l'homme qui marche ni l'autre qui joue avec des pigeons. À moins que ce mur ne soit simplement pas achevé lors de la prise de vue.

























Je trouve une image plus juste dans l'ouvrage Le livre du mur peint :



















Le Piéton des Halles fait également la couverture du livre Fabio Rieti ce qui prouve sa valeur pour l'artiste. À l'intérieur de l'ouvrage, on trouve bien ce même motif et l'explication nous éclaire sur les apparitions des deux autres personnages :



















Il se trouve que nous avons au Mans une fresque de Fabio Rieti qui avait été peinte sur un pignon de mur mais qui est aujourd'hui bien abîmée et dont il reste trop peu de choses malheureusement. Voyez à nouveau dans l'ouvrage ces images au temps de sa splendeur et au moment de sa réalisation :























J'ai photographié à nouveau ce mur pour vous hier. Il n'en reste pas grand-chose mais, étrangement, malgré la disparition d'une partie du décor et malgré la pousse des arbres, il émane tout de même de ce morceau de ville une poésie étrange, faite de pans de couleurs et d'une certaine nostalgie, un peu, oui, comme devant certains murs abîmés de Venise :

































Pour en savoir plus sur le mur peint et l'œuvre de Fabio Riéti :

Fabio Rieti, Peintures textes et errances
Richard Crevier
Herscher éditions 1992

Le livre du mur peint, art et techniques
Dominique Durand, Daniel Boulogne
éditions Alternatives 1984



Thomas Dussaix en Mondes Parallèles

$
0
0
Lorsque l'un des membres du Comité de Vigilance Brutaliste fait une exposition, il va de soi que nous nous devons d'en parler et de vous inciter à vous y rendre.
Vous pourrez donc voir des dessins de Thomas Dussaix juqu'au 16 janvier en plein centre ville du Mans à la collégiale-Saint-Pierre-la-Cour, lieu qui va parfaitement à Thomas.
Rappelons que l'artiste travaille essentiellement à la pierre noire dont il recouvre pendant des heures des surfaces de papier afin de mieux les inciser, les déchirer, les gratter pour en faire jaillir constructions brutalistes, tunnels inquiétants, barrages lumineux, passages secrets. On circule dans les masses, on sent les ombres froides nous tomber dessus, puis soudain, jaillissante, aveuglante, comme passant au travers de la faille du béton, la lumière pointe et jubile à notre surprise.
Si tout tient dans sa relation avec son matériau dont il a su inventer un usage, la pierre noire, le travail de Thomas Dussaix est aussi solidement inscrit dans ses références dont il tire le partie d'un imaginaire libre mais pas sauvage puisqu'il affiche ses appuis, donne à voir clairement son monde. C'est sans doute ce qui lui valut l'honneur d'entrer dans la collection personnelle de Claude Parent. Une telle reconnaissance vaut tout.
Aucune image photographique ne peut vraiment rendre compte de ce travail délicat ou la matité du noir, sa profondeur et les richesses du papier sont utilisés au maximum de leurs capacités. Je vous conseille donc vivement d'y aller faire un tour pour comprendre comment la nuit de la pierre noire permet à l'artiste, presque comme dans une manière noire en gravure, de restituer la lumière.
Seul votre œil peut vous le faire comprendre.
Mais voici tout de même, pour vous ouvrir l'appétit, quelques images et les informations pratiques pour vous y rendre :















Jean Renaudie recadré

$
0
0
Lorsque Jean Renaudie entra dans l'agence, Jean-Michel fut heureux. Non pas tant d'avoir à travailler avec l'un des architectes les plus justes pour lui mais simplement parce que ce rendez-vous était aussi le passage de témoin à l'agence entre lui et son fils Momo.
En effet, Jean-Michel, dès qu'il avait eu l'architecte au téléphone pour la création d'une école à Cergy avait pensé que c'était avec ce projet qu'il pourrait abandonner toute responsabilité à son fils, le mettre enfin en autonomie totale. Le projet était d'ampleur mais pas trop vaste, il était aussi suffisamment particulier et original pour poser des questions structurelles importantes, difficultés qui avaient poussé Jean Renaudie à faire appel à l'agence qui avait déjà travaillé avec lui pour le centre E.D.F d'Orléans.





Cette école avait aussi une très grande originalité qui était un argument important pour que Momo y porte un intérêt plus serré et une curiosité qui était son moteur. Momo, malgré son jeune âge avait déjà démontré ses capacités de calculs, avait étonné tout le monde sur ses premiers chantiers et avait soulevé dans le cœur de son père une grande fierté lorsque sur un chantier, sans peur, sans reproche, il fit remarquer au chef de ce chantier et devant l'architecte que là, sur ce plan, il y avait bien une erreur. Jean-Michel avait alors repensé à son histoire avec Jean Prouvé.
Jean Renaudie posa sur la grande table les premières projections et les grands dessins d'une beauté colorée étonnante faits de grand coup de feutres de couleurs. Momo ne put retenir un wahou d'admiration ce qui fit sourire l'architecte car on avait peu l'habitude dans le milieu d'exprimer si simplement son admiration. Jean-Michel et Jean Renaudie s'amusèrent tous deux de cette franchise et pointèrent en même temps en se touchant presque les doigts sur le plan l'endroit de la difficulté que Momo et l'agence devait résoudre : l'articulation et la reprise de poids de la structure en octogone.
 - Oui, j'ai vu ça affirma d'emblée Momo mais il n'y a rien de compliqué, c'est une question surtout d'épaisseur.
 - Vous croyez ? Reprit Renaudie Qu'en pensez-vous Jean-Michel ?
 - Oh mais je laisse Mohamed voir ça avec vous ! Mais je crois qu'il voit juste.
 - Mohamed, vous pourriez donc calculer cela pour nous ? Reprit à son tour en se tournant vers le jeune homme Jean Renaudie.
 - Oui, sans problème. Je vous fais ça pour demain et...
 - Demain ? Si tôt ! l'architecte était abasourdi par une si grande rapidité.
 - Oui... Cela vous gêne ? rétorqua Momo qui n'avait pas compris que Renaudie était positivement étonné.
 - Je vous avais prévenu Jean ! Il est meilleur que moi ! Affirma Jean-Michel qui ne put tout de même pas s'empêcher de préciser que, peut-être il manquait les plans d'exécution pour faire certains calculs.
 - Oui, sans doute Papa, mais regarde bien, j'ai là toutes les cotes et les angles, donc je peux faire une projection tout seul et faire les calculs, il me faut deux après-midi tranquilles.
Jean-Michel et Renaudie restèrent à se regarder sans oser dire un mot.
Momo sans autre cérémonie s'assit à la table, sortit ses instruments et se mit immédiatement au travail ne faisant alors plus attention ni à l'architecte ni à son père. Ce dernier était toujours surpris de voir comment ce gamin pouvait aussi simplement dans le travail trouver une discipline alors que dans sa vie, il était insaisissable. Mais quand Momo s'asseyait ainsi, la tête en appui sur le dos de sa main, les pieds repliés sous le tabouret dans une position étrange, plus rien ne comptait et devant lui, comme pour Jean-Michel la machine cérébrale projetait les formes, faisait défiler les chiffres comme sur un écran. Seules certaines voix faisaient alors sortir Momo de sa réflexion ce qui impressionnait toujours les visiteurs tant il était capable dans ce moment d'oublier le monde autour de lui. Pourtant, soudain Momo arrêta tout, revint en quelque sorte au monde, il avait senti quelque chose tirer sur le bas de son pantalon. C'était le petit Alvar, caché sous la table depuis le début de la conversation qui tirait ainsi sur le vêtement de son père. Momo le souleva, le posa sur ses genoux et reprit immédiatement son travail. Renaudie quitta la maison, laissant ainsi ses plans à un jeune père et un enfant jouant avec les papiers dessinés d'une école à venir. Renaudie avait confiance.....................................
............................................
C'est bien grâce à Momo et au travail effectué pour l'école des plants à Cergy quelques années plus tôt que Gilles put rencontrer et faire le film sur Jean Renaudie. Le projet devait être réalisé pour TF1. Gilles, depuis peu, faisait en plus de la photographie des films pour la télévision ou les documentaires scolaires. Il aimait ainsi avec les architectes construire des plans, des travelling, discuter de ce que l'architecte désirait porter comme image idéale de son architecture. Il aimait aussi, à son tour, trouver des angles et surprendre l'architecte mais aussi parfois déjouer les pièges d'une image que les architectes aimaient toujours maîtriser.




Là, dans la rue d'Ivry-sur-Seine, pendant que son collègue Patrick Guis discutait avec Jean Renaudie, Gilles le cadra et prit un cliché de l'architecte devant sa fameuse réalisation d'Ivry-sur-Seine. Dans le laboratoire, alors qu'il effectuait le tirage de cette photographie et que le visage souriant et échevelé de l'architecte apparaissait un peu en amont de son architecture restée plus blanche, plus douce derrière lui, Gilles expliquait à Alvar qui venait d'avoir 12 ans comment la chimie de la photographie pouvait révéler ainsi des images. Le garçon trouvait ça magique et disait toutes les cinq minutes à son oncle "c'est magique""c'est magique" et, chaque fois, avec beaucoup de patience, Gilles répondait à son neveu que c'était bien plus chimique que magique.
 - Il a une drôle de trombine ton bonhomme dit Alvar à son oncle
 - Ah, tu trouves ?
 - Ba oui, il a une veste bizarre et une cravate qui vont pas ensemble.
 - Oui Alvar c'est vrai mais que penses-tu de ce qui se passe derrière lui ?
 - Les immeubles ? Ba, ils sont bizarres aussi, c'est tout déchiqueté.
 - Oui ! C'est ça ! T'as bien vu. Tu sais, on pourrait aller les voir pour de vrai cet après-midi.
 - Ba non, Tonton ! Je dois rentrer qu'il a dit papa, pas plus tard que le goûter.
 - Je me charge de ton père, veux-tu y aller avec moi ? On prend le métro et on y va !
 - Ça a pas l'air si marrant que ça ton truc à voir.
 - Mais si, tu verras, regarde, on peut monter dedans par les jardins, il y a plein de terrasses et si tu veux on peut même voir si Monsieur Renaudie est à son bureau.
 - C'est qui ton Rebaudie ?
 - Re Nau Die, Jean Renaudie ! C'est le monsieur dont on vient de tirer le portrait et qui a fait l'architecture !
 - Ah ba dis donc, il doit être bizarre.
 - Tout est bizarre avec toi Alvar ! Alors ? On y va ?



En rallumant la lumière du studio, Gilles regarda à nouveau le visage de Jean Renaudie baignant et flottant doucement dans le bac de rinçage des tirages. Des reflets brillants donnaient quelque chose de maritime à cette photographie en noir et blanc. Gilles trouva son tirage un peu trop doux, peu contrasté et il aurait aimé une image plus ferme, plus tenue, plus dure. Non pas pour le visage de l'architecte mais au moins pour son architecture.
Gilles entendit alors Alvar parler au téléphone que pourtant, il avait l'interdiction de toucher :
 - Oui, c'est Tonton Gilles qui a eu l'idée..... Non pas trop tard... oui... D'accord je lui dirai... Oui... À ce soir.
En raccrochant le combiné, Alvar se tourna vers son oncle Gilles et lui demanda tout d'un coup :
 - Ba alors ? t'es pas prêt ? Papa dit que t'as qu'à manger avec nous ce soir en me ramenant.
 - Ok ! Attends, je prends mon appareil photo et on y va........................................................................
.....................
 - Quelle édition désirez-vous ?
Cette question laissa Alvar hésitant. Il était là, debout, avec à sa gauche son copain de promotion Mickael, dans la bibliothèque de l'école d'architecture et il n'avait pas songé une seconde qu'il pouvait y avoir deux éditions différentes de ce Guide de l'architecture contemporaine en France de Dominique Amouroux.
 - Est-ce possible d'avoir les deux ? rétorqua immédiatement Mickael qui avait compris le doute de son camarade Alvar.
 - Bien sûr rétorqua immédiatement la bibliothécaire en remontant sur son nez ses lunettes. Je vous les apporte de suite, installez-vous.
Alvar et Mickael choisirent une table un peu au hasard, celle qui avait sa surface découpée en deux par un rai de lumière et ils attendirent.
 - Tu vas voir, j'ai vu ce guide chez mon grand-père et aussi chez mon oncle. Ce qu'on pourrait faire comme sujet pour la socio c'est de choisir de retourner sur des lieux et de voir ce qu'ils sont devenus, tu vois ?
 - Oui, je trouve marrant mais on ne pourra pas faire tous les lieux Alvar ! Et puis moi, ça m'emmerde toujours de devoir interroger les gens.
 - Ba là tu pousses un peu ! Je me démène pour trouver un sujet sympa et tu trouves encore à redire. Et puis parler aux gens, faudra bien que t'y passes pour faire de l'architecture !
 - Oh toi, t'es tellement ouvert ! Tu parles comme le prof. Moi ce qui m'intéresse c'est la structure et le dessin, les gens moi je m'en fous. Si c'est bien conçu, les gens ils sont contents et...
Mickael n'eut pas le temps de finir sa tirade que la bibliothécaire lui indiqua qu'il fallait parler moins fort et posa sur la table les deux exemplaires du guide de Dominique Amouroux.
 - Tiens regarde dans celui-là, moi je regarde celui là affirma Alvar.
Le silence se fit pendant quelques minutes. Les deux jeunes, un peu en retrait sur leur chaises regardaient  nonchalamment les deux volumes. De temps en temps, Mickael donnait un coup de coude lorsqu'il jugeait qu'une étudiante méritait l'attention d'Alvar.
 - Ils sont pareils non les deux guides ?
 - Ba, je sais pas, répondit Mickael. Tiens, comparons. Tu voulais aller voir du Renaudie non ? Eh bien regarde si on a deux pages pareilles sur Renaudie.
 - Moi j'ai page 359, Pontoise-Cergy, écoles primaire et maternelle.
 - Moi j'ai page... 357 ! Pontoise-Cergy, pareil écoles primaire et maternelle, mais regarde Mickael la photo est différente.
 - Oui sur la mienne c'est en construction. L'année c'est 1972 pour mon édition et pour toi ?
 - Pour moi c'est 74, Putain j'avais 7 ans. Tu sais mon père a travaillé sur ce bâtiment. Il a...
 - Oui... il a fait les calculs de structure avec Renaudie. Tu me la racontes toujours celle-là Alvar et ton père aussi. La dernière fois que je suis allé chez toi, il m'en a parlé et il m'a même montré les plans.
 - Ba, cela avait pas l'air de te déplaire ! Toi qui aimes les structures !
 - C'est vrai, j'avoue. Et si on allait là, voir ce que c'est devenu. On a tous les documents, tu pourrais interviewer ton père et on pourrait aussi raconter l'histoire de l'archi avec les nouveaux modes d'enseignement après 68 ?
 - Oh ba là, si on parle de 68, le prof de socio il sera aux anges !







 

Par ordre d'apparition : 
 - Carte postale Abeille-Cartes pour Lyna, Cergy, Quartier des Plants-École des plants. Pas de date, pas de nom de photographe ni d'architecte.
 - Document photographique, archives TF1 ou Patrick Guis.
 - Guide d'architecture contemporaine en France
Amouroux, Crettol et Monnet
Technic-Union 1972 et 1974.


l'effet Blade Runner

$
0
0
Pouvoir circuler dans une image après l'avoir passée dans une machine, pouvoir voir même ce qu'il y a derrière les angles morts, pouvoir suivre la lumière, visiter l'espace en donnant vocalement des indications de direction à la machine, voilà l'effet Blade Runner tel qu'il apparait dans le superbe film de Ridley Scott, l'un de ceux qui vous révèle la ville, la philosophie et même un peu l'ordre du Monde.
Nous essayerons ici, à partir de deux cartes postales d'en piéger l'un des acteurs principaux : le photographe. Nous le ferons grâce à une machine géniale : le scanner.
D'abord dans le noir et blanc :

Tout dans l'image indique un calme serein, une extinction des sentiments pour donner à voir l'espace tranquille et beau, un rien compassé d'un lieu à promouvoir. Ici, nous sommes dans l'Hôtel Saint-Pierre à Aurillac. Oui, je sais, vous regrettez déjà le brutalisme, les immeubles de grande hauteur et les prouesses d'ingénierie habituelles à ce blog. Pourtant si nous regardons bien, si notre œil lit parfaitement la surface de la carte postale et qu'en plus, comme pour en révéler les capacités nous donnons cette carte postale à l'œil électronique du scanner, nous pourrons en quelques plans, quelques rapprochements, quelques pas vers le fond de cette image y voir une présence singulière, son photographe :






Oui, la séquence est lumineuse et claire. Le voici le photographe au coté de sa chambre photographique regardant droit devant lui, dans le miroir qui d'ailleurs semble lui-même repris par un autre identique juste en face dans la même pièce et jouant le rôle d'un infini des reflets. Que penser de cet autoportrait, de sa volonté ? Cet homme regardant son image sait bien qu'il sera sur l'image. En a-t-il décidé l'intensité ? A-t-il laissé faire la réalité en pensant que ce portrait perdu personne ne le verrait sur une si petite image ? Sans doute. Mais qui est ce photographe ? Si on a pu identifier l'ombre de Mr Hauville et lui redonner le nom de son photographe pour cette carte postale de Rouen, la seule information que nous avons ici c'est que la photographie est un cliché du Studio Valette d'Aurillac. Est-ce Monsieur Valette photographié ici ? Il va de soi que l'installation d'une chambre photographique face à la surface d'un miroir est de toute manière une acceptation de son reflet.




Il n'y a bien que Jeff Wall dans Picture for a woman pour nous faire croire en cette présence d'un miroir par la photographie d'une chambre photographique par une autre dans un jeu subtil d'apparition et de disparition de cette surface. Non, il n'y a pas de miroir mais une construction visant à nous le faire croire. Du moins, et malgré les recherches associées de Maximilien Vert et de Claude Lothier, je continue de penser (et même croire) que le photographe canadien se joue de nous en imitant la présence du miroir par la présence d'une chambre photographique et décrypte ainsi notre habitude de ce mode de représentation.
Mais il existe des miroirs inattendus, plus réfractaires ou plus globaux qui donnent à voir sur leur surface bien plus que la surface plane ne peut offrir. L'œil de sorcière de la sortie de garage ou du croisement dangereux existe aussi simplement sur les surfaces polies des sculptures comme chez Anish Kapoor, Jeff Koons ou Pol Bury.
Regardons :


Cette carte postale des éditions Stella Cartes expédiée en 1982 nous montre le quartier de la Défense et son très beau C.N.I.T. au loin derrière le stabile de Calder. Mais au premier plan, une exposition de sculptures en plein air fait la joie du photographe qui profite du moment pour cadrer ainsi la modernité innovante du lieu et des sculptures. Si je n'ai aucune information sur le nom des sculpteurs de ces œuvres allant du tube d'acier courbé aux surfaces polies d'une forme hybride, je peux tout de même voir dans ce reflet le photographe piégé et saisi dans son geste. Le voyez-vous ?



On le devine devant un groupe assis à l'ombre d'une tour, lui, debout au coté de son pied photographique. Il semble étrangement loin alors que, sur la carte postale la sculpture et son reflet semblent très proches, comme si la surface courbe produisait dans le même temps un éloignement du sujet du reflet. Le scanner, objet rêvé dans Blade Runner, existant aujourd'hui, nous permet d'entrer dans ce paysage que nous avons pourtant dans le dos ! Et ainsi, le paysage et son cadre se voient tous deux débordés par une surface polie offrant une situation inédite et généreuse. Sans doute que là également le photographe se sait ainsi représenté, offert à l'acheteur de la carte postale, ce qui n'est pas l'habitude du genre mais il sait surtout qu'il offre une vision du lieu, il construit avec ce moment éphémère de l'exposition un quartier de la Défense moderne, joyeux et surtout il s'amuse de la plastiques des formes jouant entre architectures et sculptures. Si il est là c'est au hasard de ce reflet, l'acceptant mais n'en faisant pas son sujet, il est un élément comme un autre. On pourrait tout aussi bien s'attarder sur cette image sur la distance toujours égale entre les gens assis sur le muret, ou sur le jeu des sculptures se répondant les unes aux autres, ou encore aux grues à gauche prouvant que des constructions sont en cours. Est-ce cet événement que le cadrage resserré sur la sculpture au premier plan permet de camoufler ? Possible...
J'aime à penser que quelque part en France, un photographe de cartes postales sait qu'il est à jamais photographié sur son image, qu'il s'est offert cet autoportrait un peu caché, un peu mystérieux. Nous, ici, devant l'image, nous aimons le saluer.


avec du sucre ?

$
0
0
Et si nous commencions à l'envers ?
Je veux dire que, au lieu de chercher depuis une carte postale des informations sur l'architecture qui y est représentée, nous pourrions prendre un article dans le Guide d'architecture contemporaine en France et voir, si par hasard, on n'en trouverait pas une représentation en carte postale.
On essaie ?





Relativement peu d'architectures provenant du génie civil ou de l'industrie sont représentées dans notre guide vénéré mais très peu aussi ont cette force et cette beauté, je crois, bien accentuée par la photographie en noir et blanc, rendant encore plus mystérieux l'objet posé dans son décor. Le texte nous parle d'une intelligence de l'aménagement intérieur et aussi d'une polychromie qui ne sont pas, ici,  perceptibles, malheureusement.
On trouve dans un numéro de la revue L'Architecture d'Aujourd'hui de 1972, une page de photographies sur ce même bureaux de la sucrerie d'Arcis-sur-Aube, cette fois et c'est étonnant sans aucun texte !







Par contre, on en voit bien les fameux aménagements intérieurs et surtout on saisit bien mieux la taille de cette soucoupe volante posée dans le paysage industrielle. L'architecte de cette beauté est Philippe Bayonne et les aménagements intérieurs sont de Lucile Valette.
En tout cas, cet article dans cet revue et celui dans le guide de Dominique Amouroux prouvent sans aucun doute la valeur de la construction et son originalité.
Je cherche encore et finalement je trouve ça :


Cette carte postale nous montre la sucrerie d'Arcis-sur-Aube depuis le ciel et ne fait pas le détail de ses constructions. On doit cette photographie à D. Poirot. On aimera le ton bleu-gris de l'ensemble un rien brumeux et la blancheur du sol.
Si on cherche on trouve rapidement notre construction posée, un rien enserrée, entre les immenses bâtiments industriels dont la fermeté des formes closes est très belle.



Je ne pourrais rien vous dire de leur rôle mais la vue aérienne prouve que le photographe du guide d'architecture contemporaine est bien entré sur le site industriel pour faire son cliché, les bureaux étant inaccessibles aux regards depuis la rue.
La forme générale de la construction et son désir d'offrir une vue sur la quasi-totalité de sa circonférence rappellent des objets architecturaux fait pour une grande lisibilité de l'extérieur comme par exemple les tours de contrôles ou...les restaurants panoramiques !
Sa beauté tient dans sa radicalité qui s'appuie à son paysage fait de formes pures, déterminées par leurs fonctions respectives et souvent c'est ainsi que nait la beauté, de formes utiles.

Hilla

Tournesol et Tournesol

$
0
0
Encore deux !
On continue de faire l'inventaire des piscines Tournesol et cette fois nous agrandissons notre collection grâce à Daniel Leclercq notre fidèle lecteur. Merci vivement à Daniel pour cet envoi.
Voilà ce qu'il m'expédie :


Sur cette carte postale des éditions Cellard, on découvre en haut à droite une piscine Tournesol dans sa couleur blanche. La piscine est entourée d'autres vues montrant que le lieu est culturel ou sportif en cherchant des particularités. La sculpture de pierre blanche qui ne manque pas d'intérêts n'est malheureusement pas identifiée par l'éditeur. On remarquera également sur la vue en haut à droite, le Palais des Sports dont nous avons déjà parlé ici et qui nous avait permis d'évoquer déjà cette piscine ! La carte postale a servi à un jeu concours et la correspondante a noté comme réponse : moins on parle mieux l'on peut penser...Pour ma part, je n'en suis pas certain, tout cela dépend avec qui l'on parle !


On notera que l'expédition fut effectuée en 1986 mais que la carte doit être plus ancienne. L'architecte Bernard Schœller n'est pas nommé.
Sur Google Earth, il est aisé de retrouver la dite piscine Tournesol de la Mulatière le Roule à sa place mais très sale. La Google ayant passé deux fois, on peut même la voir ouverte puis fermée.




Dans le lointain :



À Bruyères, entre le C.E.S flambant neuf et la petite cité se pose la belle Tournesol Orange si belle dans cette couleur. On la devine ouverte. L'éditeur Europ nomme bien les deux attractions de la ville prouvant son dynamisme démographique mais ne nomme pas les architectes. Vu la situation, on imagine les scèances de sport du collège se déroulant dans la piscine, même pas de rue à traverser pour y aller !


Elle a donc du laisser dans les mémoires de nombreux enfants et collégiens des souvenirs de baignades et être amortie en terme de visiteurs !
Cette piscine Tournesol est elle aussi visible sur Google Earth et même de très près ! Espérons que ces deux piscines seront sauvées sans remodelage et continueront d'habiter leur paysage.

Et toujours visible l'inventaire sur ces deux liens :
http://archipostcard.blogspot.fr/search/label/piscine%20tournesol
http://archipostalecarte.blogspot.fr/search/label/piscines%20Tournesol


Jean Prouvé quitte Royan

$
0
0
Les larmes de crocodiles.
Alors que l'on apprend que la villa 8X12 dessinée par Jean Prouvé installée à Royan, appartenant au député-Maire Monsieur Quentin a été vendue à Patrick Seguin, galeriste et spécialiste de l'ingénieur, on verse tous des larmes sur la disparition d'un Patrimoine essentiel de la Ville de Royan, comme jadis pour le casino, la défiguration de la Poste et du front de mer ou de la galerie Botton et j'en passe.
Royan, c'est sa destinée.
Pour qu'un maire entre dans son histoire, il lui faut sacrifier une partie de son Patrimoine, certains ont bien compris cela.
Royan aura donc subi un premier bombardement puis un deuxième mais pour ce dernier les charges explosives sont lentes, purulentes et gangréneuses, elles sont chargées à plein de l'indifférence de ceux qui ont eu dans les mains ce patrimoine.
Ceux là c'est qui ?
Des propriétaires royannais successifs qui posent des vérandas de merde sur des façades et obtiennent les permis de construire, repeignent de blanc la polychromie riche de la ville, posent des portes Leroy-Merlin en PVC  à la place des ferronneries d'origine et cela malgré un effort récent de communication et de pédagogie des chargés de la Culture qui ont fait un travail remarquable.
Mais ceux sont aussi les pouvoirs politiques qui éradiquent d'un coup un casino pour des petites et grandes raisons immobilières, on n'oubliera pas votre nom Monsieur de Lipowski et on n'oubliera pas Monsieur Quentin.
Voilà le dernier et triste épisode : le maire qui vend le Patrimoine. Quelle rigolade !
Alors je vais vous surprendre. Je suis pour.
Après tout, je regarde pourrir cette villa Prouvé depuis des années sans que personne n'ose dire, faire, réclamer quelque chose à ces propriétaires. Alors, je préfère retourner la voir à Paris ou je ne sais où, dans les mains de quelqu'un qui l'aimera. Patrick Seguin est de ceux-là, quoique vous en pensiez. Chaque vide à Royan, chaque morceau perdu sont les preuves insoutenables de l'état de notre considération patrimoniale en France. Je viendrai voir son démontage, je viendrai voir son sauvetage par des gens dont le métier est de valoriser au sens propre comme au sens figuré un bien que d'autre ne perçoivent que comme un héritage personnel. Chaque panneau retrouvant le sol, chaque morceau de charpente métallique grimpant dans un camion sera pour moi une douleur vive qui, je l'espère, signera enfin une nouvelle ère pour la Ville de Royan. Pleurez Royannais, pleurez sur ce départ et choisissez mieux à l'avenir ceux qui doivent maintenir votre ville debout et représenter sa richesse patrimoniale.
Vous savez maintenant à qui vous aviez à faire.
Vous vous souvenez de cet élan de la Reconstruction ?
Qu'en avez-vous fait ?
Réveillez-vous.
Je veux bien me réveiller avec vous.
Ne m'oubliez.

On peut relire ici :
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/09/jean-prouve-tres-discret-royan.html
 Pour en savoir plus :
http://www.lemonde.fr/architecture/article/2015/10/14/le-pavillon-de-jean-prouve-demenage_4789171_1809550.html

http://www.patrickseguin.com/fr/





Wogenscky dedans dehors

$
0
0
Commençons dehors :


















Cette construction qui semble vouloir tirer toutes les leçons de le Corbusier dans son rapport au sol, son dessin, sa volumétrie est de André Wogenscky. Nous sommes à Annecy devant le centre nautique de L'U.C.P.A et plus particulièrement devant le bâtiment de l'hébergement. J'ai eu un doute sur l'attribution mais notre ami Dominque Amouroux, spécialiste de l'architecte,  m'a fait le plaisir de répondre à ce doute par un courrier :

Bonjour David,
Oui c'est bien cela.
Annecy a accueilli le premier centre de voile lacustre créé par les fondateurs du centre d'initiation à la voile océanique de Socoa (St-Jean-de-Luz).
Ce centre de voile qui a ses hangars au bord du lac avait besoin d'un hébergement dont Wogenscky a reçu la commande parallèlement à celle du centre des Marquisats, les deux ensembles étant sur le même terrain. L'UCPA a ultérieurement repris cette activité.


Merci Dominique pour ces précisions.
On rappellera ici que nous avions déjà évoqué les Marquisats dans cette article et que Wogenscky est l'un de nos architectes préférés sur ce blog car l'un de ceux dont l'héritage corbuséen tout en étant transparent est renouvelé avec vigueur et respect.
La carte postale est une édition des Photographies de G. Rossat-Miquel sans date et nous montre très habilement comment l'architecte fait justement référence. On est d'abord surpris par le fort contraste entre la construction et son paysage, contraste ne tentant en aucun cas une intégration mais jouant avec les pentes, s’immisçant par son socle dans celles-ci, permettant le rattrapage par des pilotis du bâtiment supérieur et offrant ainsi une sorte de terrasse vide. La photographie nous montre aussi une polychromie simple mais rigoureuse faite d'un blanc, d'un gris et d'un rouge profond venant rythmer la construction. On aimera les évacuations et cheminées peintes en noir sur le toit. Les cellules des logements sont clairement visibles grâce à la grille du dessin de la façade offrant une forme de lecture possible des fonctions depuis l'extérieur et sans concession. C'est très beau, sans aucun doute. On regardera aussi depuis cet autre point de vue :


















Cette carte postale n'est malheureusement signée par aucun éditeur ni photographe. Si les couleurs semblent ici bien moins affirmées et comme lavées, le point de vue nous permet tout de même de voir l'appareillage de bois qui reflète même les pilotis.
On pourra pour en connaître l'histoire, lire le livre publié par Dominique Amouroux sur ce lieu.
Allons maintenant dedans :


Cette très surprenante carte postale nous montre la grande salle de la Maison de la Culture de Grenoble qui est l'un des chefs-d'œuvre de Wogenscky. Je reste surpris par l'existence de cette carte postale montrant bien à quel point l'architecture de ces nouveaux objets urbains était considérée comme des événements par les éditeurs à cette époque au point de penser qu'un correspondant aimera envoyer une image de l'intérieur de la construction à un ami. La photographie d'une très grande qualité est de M. J. Diaz. On y voit aussi le très moderne et pur rideau de scène peint par Martin Barré. Une merveille qui fait acte d'une fausse simplicité donnant un dynamisme à l'ensemble par ces quelques flèches géantes comme peintes au lavis d'encre de chine : une attente sereine des artistes. On sent là l'idée d'une machinerie scénique débarrassée des flonflons des brocards, des velours trop rouges comme pour dire que l'important du spectacle est sur la scène et non dans la salle : une visibilité de l'outil scénique.
Une autre :


J'aime beaucoup cette carte postale et vous savez pourquoi ? Parce que nous sommes sur la scène ! Oui, pour cette carte postale, le photographe, toujours Monsieur Diaz, s'est installé sur la scène pour prendre son cliché. Son appareil photographique enregistre donc les ouvertures, tout au fond, par lesquelles le cinéma va être projeté. Je pense qu'en fait, vu la disposition de la salle, le recul nécessaire du photographe n'étant pas possible à l'arrière de la première rangée de fauteuil, il décida de venir profiter de la profondeur de la salle pour la saisir ! Je pense aux plans de Jean-Luc Godard dans le Mépris montrant soudainement au public une salle de cinéma ou un travelling caméra vers une autre pour sonder la tautologie de l'image.
Je peux donc dire que, depuis cette carte postale, je suis allé sur la scène de la Maison de la Culture de Grenoble.

Vincent Juriens nous indique ce lien, je le partage avec plaisir :




Pour en savoir plus sur André Wogenscky, on pourra aller lire les livres que Dominique Amouroux a écrits à son sujet :

André Wogenscky
Dominique Amouroux

Carnets d'architectes
éditions du Patrimoine, Centre des Monuments Historiques

AndréWogenscky et Louis Miquel à Annecy
Dominique Amouroux
CAUE 74

Corbu Caoutchouc

$
0
0
Au mois de Juin, nous avions vu une carte en multi-vues de la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt qui nous montrait l'intérieur de l'un des appartements et nous donnait le nom du décorateur : Antoine Benoît.
Souvent, les cartes multi-vues sont en fait des cartes postales différentes rassemblées graphiquement sur une même carte. C'est bien le cas ici puisque je peux aujourd'hui vous montrer plus précisément ça :


On retrouve donc ici sans colorisation une vue de la salle de séjour par les éditions Mage dont le photographe semble être J. Derenne. L'édition n'est pas datée et la carte ne fut pas affranchie mais date bien de l'époque de la livraison de la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt. Le Corbusier est nommé mais aussi, et c'est bien plus surprenant, comme la carte multi-vues, également le décorateur Antoine Benoît dont nous ne savons toujours rien...
Je vous écoute !
La photographie de cet intérieur étant ici plus grande on pourra bien mieux y regarder les détails du mobilier assez simple mais résolument moderne ce qui s'oppose à d'autres propositions que nous avions vues sur ce blog. Comme il y a un décorateur et que l'ensemble semble bien vide, on peut facilement en conclure à un appartement témoin réservé aux visites et donc constitué d'un mobilier proche des désirs de l'architecte ou, du moins, de la société immobilière pour en promouvoir l'habitabilité. La photographie ici est donc également prise dans ce jeu et doit construire à son tour une image de ce lieu surtout pour une diffusion large par la carte postale. On ne pourra pas dire, je crois, qu'il s'agit là d'une représentation critique de l'appartement et donc... de son architecte...
La dénomination salle à manger est d'ailleurs assez drôle car elle devrait donner à voir, dans un imaginaire collectif, une grande table et un vaisselier.
















Ici, la table carrée que l'on devine à double plateau ne propose que trois places assises, le quatrième habitant trouvant sa chaise sous l'escalier superbe de Jean Prouvé ! Escalier qui sert de recoin pour écouter la radio moderne posée au-dessus d'un trieur de courrier.




Quatre chaises, une petite table carrée, un buffet dont on ne perçoit que le plateau sur lequel un caoutchouc tout neuf est posé dans une vannerie, voilà le mobilier choisi par le décorateur Antoine Benoît. Une lampe descend de la poutre au-dessus, lampe très proche de celles de Serge Mouille mais nous restons prudents sur cette signature.



Le passe-plat de Charlotte Perriand est en position fermée et ne donne donc pas à lire sa fonction comme dans ce superbe exemple ici. Ce passe-plat semble même d'un autre dessin dans sa partie supérieure ce qui pose la question de sa réelle attribution.
Le vide d'objets, le peu d'encombrement du mobilier, la clarté même de ses formes permet sans doute de servir un discours sur une grande habitabilité remplaçant la taille possible par l'image de la fonction.
Ce n'est pas un reproche. La qualité spatiale des appartements des Cités Radieuses est indéniable surtout si l'on admet vivre dans une vie simple voire spartiate dont la richesse ne provient pas tant d'une accumulation bourgeoise mais dans la qualité relationnelle entre ceux qui vivent là. Le collectif étant réservé à l'extérieur de l'appartement et étant immédiatement disponible, il n'est pas nécessaire de vivre avec du mobilier en surnombre. Si on reçoit des invités... On va au restaurant de la Cité Radieuse. Je me souviens d'un japonais racontant que dans son minuscule appartement de Tokyo, il avait exactement le nombre de couverts pour lui et son compagnon et qu'il n'avait que deux paires de chaussures, l'une pour l'hiver, l'autre pour l'été... Il en va un peu de même ici. On peut tout aussi bien s'asseoir sur l'escalier de Prouvé pour profiter de la discussion de la petite tablée !
On s'amuse de la chaise de Arne Jacobsen ne pouvant se glisser sous le plateau de la table et donc décalée pour donner l'impression que quelqu'un vient de se lever...
Tout en haut à gauche de la photographie, une fleur d'hortensia déborde du niveau supérieur. Je vois dans ce glissement imprudent la preuve que le chaos sait toujours reprendre le dessus.

Premiers pas sur un chef-d'œuvre

$
0
0



















L'avion survole Lyon.
Le pilote prend l'axe visuel de la rue Victor Hugo et glisse au-dessus du centre d'échanges multimodal, gare Perrache, dessiné et conçu par René Gagès et l'Atelier d'Architecture et d'Urbanisme si on en croit l'éditeur de cette carte postale Combier.
Je suis de ceux qui considèrent qu'il s'agit là d'une pièce maîtresse de l'architecture du XXème siècle et qu'il est grand temps de la défendre, de l'aimer.
L'objet est étonnant car il constitue une forme architecturale peu répandue celle du nœud construit. Comment faire croiser les trains, les automobiles, les piétons et les transports en commun dans un seul et même lieu ?
Comment faciliter les échanges entre tous ces modes de transports, comment donc bâtir une architecture de la circulation ?
René Gagès y répond avec une immense poésie c'est-à-dire qu'il y répond par une extrême rationalisation poussant l'architecture jusqu'à son paroxysme d'outil, adossant l'ensemble des fonctions les unes aux autres, greffant dans la ville une mécanique spatiale unique en son genre. Sur le toit de cette mécanique des fluides et des arrêts, il pose une terrasse et un jardin pour que chacun puisse attendre et retrouver ceux qui viennent, ceux qui partent, ceux qui arrivent.



Si vous aimez les bidules Design, si vous aimez le formalisme inutile, si vous aimez placages et les effets passez votre chemin. Le centre d'échanges de Perrache c'est comme une pièce chirurgicale, un réseau prenant forme, définissant dans ses espaces ses rôles. Rien de moins, rien de plus. C'est ce qui en fait la beauté, son intelligence, sa force urbaine et donc, je le redis, sa poésie.
Voyez :



















Sur cette carte postale Combier, le photographe photographie un père et son enfant faisant ses premiers pas dans un jardin suspendu sur le centre d'échanges. Apprendre à marcher là, quelle chance !
Comment depuis ce cadrage pourrions-nous deviner ce qui se passe sous les pieds de l'enfant et des visiteurs, cet immense jeu d'allées et venues de véhicules, de trains etc...
Offrir une place au-dessus de ce carrefour gigantesque, une place calme, une place urbaine c'est tout de même un exploit.
Nos yeux ne peuvent aussi, depuis ce point de vue, que se réjouir de l'aire de jeux que nous reconnaissons bien, production de Sculpture-jeux, modèle identique à celui de Fontenay-sous-bois.





Sauvons l'église de Serqueux avant que...

$
0
0
Oui.
Sauvons l'église de Serqueux.
Après le scandale de la destruction de l'église Sainte Bernadette de Grand-Quevilly, seule autre représentation en Seine Maritime du système de construction en fusée céramique, il est hors de question que celle de Serqueux ne puisse être restaurée et classée dans un département dont la liste des outrages vis-à-vis de l'architecture moderne et contemporaine commence à être longue : Niemeyer au Havre, église de Grand-Quevilly, le pont tournant de Dieppe (nous en reparlerons bientôt), l'église Saint Nicaise de Rouen, l'abandon du chef-d'œuve de Mottini devant l'école d'architecture et j'en passe certainement...
La Seine Maritime un département oublieux de son Patrimoine moderne et contemporain ? Oui, maintenant c'est clair et limpide.
L'église de Serqueux tout comme celle de Grand-Quevilly est faite pour l'essentiel d'une très belle voute parabolique constituée de fusées céramiques, système intelligent et rare. Une flèche fine posée en campanile hors de la construction vient lui donner son élan, la signaler. Ce campanile d'une très grande qualité de dessin par sa finesse et par le jeu des formes entre elles suspend un cube contenant les cloches. Le reste de la construction se répand sur le sol dans un dessin en arc de cercle. Il s'agit là de la mise en œuvre par Michel Percheron son architecte d'une grande simplicité, d'une pureté même d'un ensemble religieux moderne, bien marqué par son époque qui mérite toute notre attention.
Regardons cette carte postale des éditions SOFER sans nom de l'architecte Michel Percheron ni nom du photographe :


On notera que la carte postale est colorisée et que le sol de la parcelle de l'église est très largement couvert d'un rouge un rien surjoué. Qu'importe !
On se réjouit de la vue de cette église posée là dans son village et offrant tous ses services dans une modernité acceptée et aimée.
Alors, j'apprends que des mesures de sécurité sont prises car l'église semble fatiguée. Espérons que cette fois les autorités de la conservation du Patrimoine en Haute Normandie, les autorités politiques locales et les citoyens de Serqueux feront le nécessaire pour sauver ce seul et dernier exemple maintenant de ce type de construction en Seine Maritime.
J'avoue que vu la dernière expérience et l'inaction en marche de ces autorités patrimoniales en Haute Normandie et les petites démagogies politiques qui l'accompagne, je crains le pire.
Ça sent la grignoteuse.
ce que dit la PQR :
http://www.paris-normandie.fr/detail_communes/articles/4133062/l-eglise-de-serqueux-necessite-de-lourds-travaux#.VjOFpqSjv-Y
Quelques images prises par votre serviteur, il y a un an maintenant sous un soleil bas d'hiver normand...









On perçoit très bien ici les fusées céramiques formant les voûtes et qui sont bien similaires à celles de l'église Sainte Bernadette Grand-Quevilly.













Jean Prouvé sur le pont

$
0
0
Continuons de regarder des constructions menacées en Région Haute-Normandie et plus particulièrement en Seine Maritime.
Hier, je suis allé à Dieppe pour voir le pont tournant Colbert, œuvre de génie civil de Paul Alexandre, d'une grande force et d'un intérêt patrimonial doublé car si ce pont est en lui-même une exception architecturale il est accompagné d'une cabine dessinée par Jean Prouvé.
Une telle rareté devrait, pensez-vous avec justesse, être depuis longtemps classée, restaurée, repérée par les services compétents et défendue comme un lieu permettant dans un même regard de voir le traitement du métal de deux manières différentes et significatives de leur époque. Une sorte de leçon du métal mélant l'imaginaire d'un Jules Verne avec celui de Spirou. Bref, un rendez-vous étonnant de génies de la construction et de l'ingéniérie en un seul lieu géographique. Comment peut-on passer à coté de cela ?
Ce lieu que je sache n'est pas perdu dans la campagne, inconnu, jamais vu, il est utilisé (et utile donc...) tous les jours par des citoyens profitant largement de cet objet architectural. Dieppe est une ville riche en Patrimoine, ouverte au mélange des styles et elle peut être fière de son passé et de son présent. Alors pourquoi ce ratage ? Comment font-ils pour être ainsi aveuglés à leur patrimoine ? Heureusement, comme d'habitude, il faudra que des citoyens amoureux et surtout semble-t-il surtout instruits à leur Patrimoine se mobilisent pour remuer un peu et éclairer ceux-là même qui devrait faire le travail d'éducation à ce Patrimoine...On rigole.
Je vous invite donc vivement à soutenir ces citoyens en vous rendant sur leur site ici :
http://www.pontcolbert.fr/a-propos-du-pont/
Signez la pétition, s'il vous plait :
http://www.pontcolbert.fr/comment-nous-aider/#petition
Vous aurez en plus toutes les informations techniques et historiques sur cet ouvrage superbe.
Mais j'avoue avoir un peu peur car nous sommes en Région Haute-Normandie dont on sait maintenant comment elle s'occupe du Patrimoine moderne et contemporain.
Une nuit, nous viendrons, si nécessaire, démonter la cabine de Jean Prouvé.
Voici quelques cartes postales de ce bel ouvrage. Comme c'est un objet puissant et peu commun les éditeurs en ont fait beaucoup de cartes postales. Je vous en propose trois qui ne sont certe pas rares mais qui donnent bien à voir l'intérêt de ce pont pour les dieppois.

















Cette première est une édition de la Compagnie des Arts Photomécaniques et nomme le Pont tournant du Pollet. Il s'agit d'un tirage tardif et de piètre qualité d'une photographie plus ancienne que l'on trouve abondamment. On voit le pont se refermant après le passage d'un gros voilier. On devine la cabine qui n'est pas encore celle dessinée par Jean Prouvé.
Beaucoup plus proche de nous dans le temps :

















Comment ne pas succomber au charme de cette image ? La carte postale est une édition La Cigogne en photographie véritable qui doit datée du milieu des années cinquante. Elle permet de voir la superbe et massive structure de métal du pont. On devine aussi la séparation piéton-automobile.
Et voici une troisième carte postale :

















On retrouve presque le point de vue de la première mais sur celle-ci, on devine la cabine de Jean Prouvé déjà construite sur cette édition GALF. Là aussi quelle ambiance ! Le pont referme le chenal après le passage des petits voiliers.


















J'ai eu la chance hier d'assister à l'ouverture du pont et d'en faire une petite vidéo. Je fus très surpris par l'incroyable silence et calme qui accompagne le mouvement de cette masse d'acier. Pas un grincement, pas un bruit, le pont tourne tranquillement sur son axe. C'est magnifique ce mouvement et tous ces mécanismes faisant leur travail sans heurt : une puissance tranquille.
Allez vite voir ça, on ne sait jamais...
Il va sans dire que la destruction de ce pont et de sa cabine serait une erreur patrimoniale grave et que ceux qui en seront responsables le seront au regard de tous.



Quelques photographies prises hier :












Viewing all 1189 articles
Browse latest View live