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Channel: Architectures de Cartes Postales 2
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Une Quinzaine Radieuse enflammée !

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Je me permets de vous rappeler que le 20 juin va commencer la Quinzaine Radieuse à Piacé. Vous savez maintenant la qualité de cet événement organisé par Nicolas Hérisson autour de l'amitié entre Nobert Bézard et Le Corbusier mais il faut dire que cette année sera particulièrement spectaculaire dans sa programmation !

D'abord l'exposition autour de Joseph Savina et de le Corbusier vous permettra de voir des originaux absolument superbes. J'ai eu la chance de voir une partie du montage de l'exposition et attention... C'est du lourd ! Joseph Savina était le sculpteur de Le Corbusier, celui qui traduisait en volume les rêves et les dessins de l'architecte et vous pourrez donc admirer comment la complicité des deux hommes a produit des œuvres d'une très grande qualité soulevant les questions de la création et de la traduction. On y voit encore un Le Corbusier sensible aux artisans, à des artistes et déléguant sans peine son travail à ceux comme Lucien Hervé ou Norbert Bézard ayant des compétences plastiques.
Mais la Quinzaine Radieuse cette année vous réservera une attraction toute particulière avec l'incendie d'un tracteur tout de bois de l'artiste Pascal Rivet ! Cela risque d'être spectaculaire, saisissant et absolument incroyable. Un peu comme un feu de la Saint Jean, jouant entre tradition populaire du feu réparateur et une manifestation d'un dépit artistique, le tracteur hyperréaliste de bois deviendra cendre sous vos yeux écarquillés. L'événement prend le titre de "Jour de fête", on comprendra l'allusion superbe et ironique.
C'est un modèle identique à celui-ci, représenté sur une carte postale éditée par Piacé le radieux qui sera incendié...




Vous pourrez aussi admirer une immense baie de Jean Prouvé et Le Corbusier ici nouvellement restaurée et installée sur le lieu d'exposition. Ajoutez la possibilité de voir les céramiques de Norbert Bézard, le parcours d'œuvres contemporaines, une bulle six coques en restauration et de la chaleur humaine à tous les étages et vous n'avez aucune raison de ne pas venir à Piacé pour cette Quinzaine Radieuse.
Sortons du fumier par la cendre, la chaleur, les flammes.

Toutes les informations ici :
http://www.piaceleradieux.com/

http://www.piaceleradieux.com/programmation-avenir.php

J'en profite pour vous donner à voir deux nouveautés Corbu arrivées dans ma collection :



Cette carte postale Combier colorisée nous montre donc la Cité Radieuse et sa façade Est. L'éditeur nomme bien l'architecte au dos. Assez typique de la production de cartes postales de la Cité Radieuse, elle nous permet de lire la transparence (relative) des pilotis et l'abstraction de l'escalier de secours.



Voici un très beau détail de Ronchamp photographié par Marcel Blanc. Comment ne pas reconnaître dans cette image le génie de l'architecte et surtout l'œil incroyable de Marcel Blanc. Isolée, abstraite, la chaire de la Chapelle est comme un objet étrange dont la beauté provient à la fois de son dessin mais aussi de l'intrigue de sa fonction. Le cube suspendu dans un angle, le dégagement profond dans laquelle se place l'échelle de béton brut qui vient s'opposer au crépi rugueux et le choix d'une lumière égale mais percée d'un éclat soudain, tout cela fabrique bien une image rigoureuse. Il s'agit d'une très belle photographie et donc d'une très belle carte postale.

Mais comme il est question de feu rédempteur et de fête pastorale, je vous propose ces deux cartes postales que j'aime beaucoup car elles montrent ce type d'événement populaire et joyeux et ici religieux aussi. Nous sommes à La Haye-de-Routot pour le Feu de Saint-Clair. On peut grâce aux éditions Artaud suivre l'événement. La croix apparaît d'abord avant son incendie puis totalement enflammée. On aime voir les fantômes du public sur la vue avec les flammes. Le Feu de Saint-Clair a lieu le 16 juillet sans qu'on en connaisse l'origine. Comment ne pas aimer cette tour architecturée de rondins qui n'a d'autre vocation que la fête ? La carte postale a su depuis toujours noter ainsi les événements éphémères comme les processions, les fêtes, les manifestations en tous genres. Et j'avoue beaucoup aimer ce type aussi de cartes postales. Nul doute que nous ferons de belles cartes postales de l'incendie en pleine campagne corbuséenne et sarthoise d'un tracteur de bois !
Venez voir !
Au feu !






Au Havre, Oscar Niemeyer au Futur Antérieur

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Nous allons nous pencher sur une carte postale qui, pour moi, par sa fonction et son image, agit comme une forme totale.
D'abord il s'agit d'une très rare carte postale de chantier de construction, thématique peu abordée par les éditeurs de cartes postales et qui démontre donc un déplacement de fonction de cette carte postale. Ensuite, vient l'architecte et le lieu : Oscar Niemeyer et la Maison de la Culture du Havre. Cela aurait pu suffire à nous satisfaire. Mais vient ensuite la fonction de cette carte postale car son slogan sur son image dit de suite son rôle : une carte militante.






Au verso, on peut en effet voir qu'il s'agit d'une demande de maintien des engagements faits par le Ministère de la Culture quant au développement et au financement du Volcan. On a donc une date, le premier semestre 1981, un photographe D. Fondimare et un directeur de publication Georges Rosevegue. On s'étonne que la carte soit adressée au Ministère de la Culture par l'intermédiaire de la Maison de la Culture et non directement. Combien de ces cartes furent expédiée ?
Je ne sais...
Alors, comme un signe au récentes transformations douteuses faites sur cette construction majeure du XXème siècle en France, comme l'aveu de l'échec d'une architecture de réhabilitation qui crache à la gueule d'un héritage et en détruit certains de ces particularités sans ménagement en s'excusant à peine (et quand bien même...) cette image du chantier de la création du Volcan de Niemeyer résonne aujourd'hui dans son militantisme avec la force du désaveu, du désappointement, de la disgrâce.
Ce que je veux dire c'est que le Volcan d'Oscar Niemeyer n'existe plus. Il est perdu à jamais.
La Maison de la Culture vivra en 1981.
La Maison de la Culture est morte en 2014.
Futur antérieur de l'architecture moderne.




Sur la photographie de la maquette publiée en 1972, l'escalier tourne dans le bon sens, les abords en courbes ne sont pas grignotés (quelle honte !), la coupe des volumes est respectée. Il nous reste les images pour comprendre le génie d'un dessin et nos yeux pour constater sur place aujourd'hui l'ampleur des destructions. Et ne me dites pas, démagogues, que l'architecte était d'accord et qu'il faut vivre avec son temps.
En 1983, l'Architecture d'Aujourd'hui produit un superbe article sur la Maison de la Culture du Havre avec des photographies de Gilles Walusinski qui rendent hommage aux courbes de la construction si photogénique. Le sol y est encore de ce beau béton lisse qui faisait chanter l'ensemble... Aujourd'hui...

Ils n'ont rien compris, rien.










Deux coquilles alsaciennes cherchant un architecte

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Voici donc qu'une petite ville, par l'intermédiaire d'un éditeur de cartes postales, nous donne à voir les quelques originalités touristiques à y découvrir.
D'abord le beau paysage, puis la rue principale où se gare la Ds break, puis le creux du vallon de la ville et enfin...



Oui...
L'éditeur "Europ" ne nous donne aucune explication sur cette particularité. Elle n'est même pas titrée au verso de la carte, nous n'aurons donc ni le nom de la maison ni le nom de l'architecte.
On y reconnaît pourtant une maison en auto-construction de voile de béton projeté à la mode de Pascal Haüsermann ou de Antti Lovag mais mes recherches pour l'attribution de celle-ci restent vaines.
La maison-bulle est comme posée sur un socle offrant ses deux coquilles largement ouvertes au regard. On devine un potelet de soutien tout de même pour maintenir le porte-à-faux sans doute un rien limite structurellement.
La ligne continue de fenêtres entre les deux coquilles et le dessin de la grande baie font bien penser au style de Pascal Haüsermann ainsi que l'ourlet sur la coque supérieure. Mais je n'ai aucune preuve de cette attribution, d'autant plus difficile que, par définition, l'auto-construction savait se servir de modèles, les partager, les copier. Peut-être donc, une maison construite par un amoureux de ce style sans qu'il ne puisse forcément s'agir de Pascal Haüsermann lui-même.





Pour ce qui est du dessin, j'avoue être troublé par les petits arc découpés dans le socle donnant un style mini-mauresque un peu curieux. On remarque que la construction s'appuie sur un léger remblais, peut-être y-a-t-il une entrée à l'arrière. La petite vue de la carte postale permet également de s'amuser du contraste entre cette maison-bulle de Lapoutroie et le reste de l'architecture de la ville avec à l'arrière plan, une maison bien normale. Et je m'amuse que le blason de la ville soit fait d'un cygne blanc tout en courbes posé lui aussi sur trois piliers d'un pont.
Voilà donc une énigme à résoudre sur le commanditaire de cette maison, son architecte et l'histoire de cette construction particulière dans ce beau paysage du Haut-Rhin. L'Alsace réserve donc bien des surprises...
Aujourd'hui la maison est enfouie sous la verdure et la Google Car ne réussit à nous en montrer que le sommet de la coquille.





Bulles six coques à leur endroit

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La photographie est composée.
Elle pose.
Elle, c'est la jeune femme au premier plan, dans sa robe bleue qui fait semblant de rêver dans le paysage de Gripp. L'image ainsi produite par le photographe Doux pour Photo Pyrénéa se veut une image parfaite, narrative, joyeuse et artistique. Dans le paysage, une femme s'endort à l'ombre d'un arbrisseau, perdue dans ses rêveries alors que dans le fond se posent sept bulles six coques de Jean-Benjamin Maneval. Le photographe introduit donc le paysage comme dans la peinture avec un cadre composé entre des arbres, un personnage posé donnant l'animation et un vallon construit s'ouvrant sur les montagnes : pittoresque total et sans remord.
S'il s'agit d'un mode de représentation, s'il s'agit d'une image, il s'agit donc bien d'une oeuvre. On la jugera si on veut bonne ou mauvaise, trop composée, mal fagotée, idyllique et inutile. Ou, au contraire, dans son archétype puissant, dans la révérence faite à l'histoire du paysage et à sa représentation, nous la trouverons digne, joyeuse et amusée à elle-même comme les sucettes de fêtes foraines trop grosses, trop colorées, trop sucrées.
Et puis nous soufflons sur les bulles six coques notre joie de les voir dans leur élément celui du centre de vacances  C.C.E S.N.P.A de Gripp. Mon oeil commence d'abord par un balayage général de l'image, saisit par l'existence de ce moment de l'histoire de l'architecture où l'utopie a réussi son passage dans le réel. Oui, ÇA a eu lieu.
Lieu et instant réunis dans une image populaire.
Puis vient le frisson de savoir que maintenant quelque chez moi est lié à cette histoire et que notre aventure de Piacé avec Nicolas Hérisson trouve là un contre-point, une forme vraie de reconnaissance.
Enfin, au delà de l'émoi, le regard plonge alors dans les détails tentant de manger tout ce qui est possible de ce moment photographique : la couleur un peu passée de certaines bulles, les rideaux aux fenêtres, la forme des fenêtres et leur orientation, la disposition des couleurs entre elles, le resserrement et la concentration des bulles, tout cela comme une visite possible du village aujourd'hui démonté, éparpillé chez un marchand et des collectionneurs heureux de vivre à leur tour la beauté des bulles. Ne regrettons rien. Une autre histoire commence grâce au regard avisé des collectionneurs et des marchands qui sauvent, eux, à la différence des institutions qui oublient.
Je ne sais pas comment s'appelle cette jeune femme toute de bleu vétue. Je ne sais pas si ce matin là, elle savait en mettant sa robe qu'elle serait photographiée ainsi. Je ne sais rien de son rôle dans le choix de la pose, de sa difficulté à s'asseoir et à s'adosser sur cette clôture de bois. Les rires qui accompagnèrent ce moment, la rigolade des ronces qui piquent les fesses, les orties qui grattent les jambes magnifiquement rasées. Le choix de la monture des lunettes de soleil me laisse croire à un homme ayant prêté ses lunettes et donnant en un geste simple toute une époque à cette image parfaite.
Je pourrais pleurer devant la force narrative d'une telle construction.
Je pourrais pleurer devant la réalité d'une image.
Je suis à Gripp.
Ne me cherchez pas aujourd'hui, je suis à Gripp.

"Il fait beau, on a fait bonne route. Les enfants sont contents des maisons. Demain on va à la ferme acheter du lait. Bises à Mémé Jeannette et à toute la famille."
David

On notera que la carte postale n'est pas datée, ne fut pas expédiée, ne nomme pas l'architecte...








la Cité Radieuse et ses décorateurs

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Voilà bien une première...
Sur cette carte postale en multi-vues de la Cité Radieuse de Briey-en-Forêt, on peut voir le mobilier et les espaces d'un appartement. Mais pour la première fois, l'éditeur de cette carte postale, la maison d'édition Mage, nous nomme non seulement l'architecte Le Corbusier mais aussi le décorateur !
En effet, Antoine Benoît est ainsi crédité de son travail de décorateur dans cet appartement. Difficile de savoir s'il s'agit là d'un appartement témoin ou de celui d'un particulier ayant ouvert ses portes. La première solution semble la plus juste.
Je ne sais rien de ce Monsieur Antoine Benoît. Est-il un familier de l'architecte, un chanceux ayant eu son heure de gloire, un décorateur faisant de son appartement un show-room...?
On va agrandir les images mais vous allez voir que... l'on ne verra que peu de choses !
Quelques pièces de mobiliers difficiles à identifier, des plantes, des couvertures de lit très bariolées et beaucoup de vide sans doute pour donner une plus grande importance à l'espace.








On peut pourtant facilement reconnaître des icônes comme les chaises Fourmi et Papillon de Arne Jacobsen et le fauteuil de Harry Bertoia. Les tables, les lits restent sans éditeur et designer. Si vous avez des idées...
On ne dira rien des couleurs car elles sont posées a posteriori sur un cliché noir et blanc et on peut difficilement les considérer comme justes aux désirs du décorateur ou de Le Corbusier. La blancheur légèrement crémeuse des murs est en effet étrange.





Je profite de cet article pour diffuser une bonne nouvelle pour les aficionados de Corbu.
Notre ami Jean-Marc Drut ouvre les portes de son appartement à la Cité Radieuse de Marseille pour une nouvelle exposition de design qui, cette année, est confiée à l'ECAL, école cantonale d'Art de Lausanne.
La qualité est au rendez-vous avec des objets superbes, ironiques et joyeux montrant la vitalité du design dans cette école et aussi l'influence possible et sensible du lieu sur des jeunes créateurs. Comme quoi, tout en étant un fin connaisseur et un amateur très éclairé, on peut aussi croire que la création contemporaine vient justement faire sonner le Patrimoine.
Bravo à tous et bonne visite !
toutes les infos ici :
Exposition du 4 au 19 juillet 2015
Tous les jours de 12 h à 18 h
Unité d’habitation Le Corbusier
Appartement 50 / 5e rue
280 boulevard Michelet
13008 Marseille
France

Les photographies sont de Michel Bonvin.

Utopie, ECAL/Hansel Schloupt :



























Autodafé agricole et célébrations corbuséennes

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Ça y est ! La Quinzaine Radieuse est lancée et les expositions sont ouvertes à Piacé.
Je vous donne à voir en ce dimanche quelques images de l'événement inaugural que vous avez peut-être, malheureusement pour vous, loupé et quelques images des expositions pour vous donnez envie de venir.
Pascal Rivet a donc réalisé sa performance Jour de Fête le soir même de l'ouverture des expositions. Le spectacle fut incroyable d'intensité quasi-dramatique tant l'incendie d'une oeuvre, sorte d'autodafé agricole, est chargé malgré (ou avec...) l'artiste d'images débordantes.
Pendant que je faisais visiter la bulle six coques de nombreux visiteurs ne voulaient pas croire que l'artiste était déterminé à embraser ce superbe tracteur de bois, certains étant sidérés, d'autres à la limite de la colère et de l'incompréhension. Pourtant, tranquillement, déterminé par son action, l'artiste Pascal Rivet s'est approché de ce si particulier fagot pour l'enflammer. Aucun retour en arrière possible. C'est sans doute cela qui fait la force du feu, cette projection immédiate dans le futur de la destruction. Le silence intense du public venu nombreux, le cercle de distance respectueuse (le feu l'impose) qui se fit autour du brasier, la lumière s'intensifiant au fur et à mesure que le jour décroissait, et les visages des spectateurs tremblant d'une lumière orangée, tout cela fit de la performance de l'artiste un moment de souvenir collectif qui marquera je crois tout ceux qui y ont assisté. C'était beau, empreint d'une nostalgie douce, d'une attention au danger, chacun rêvant à la conclusion possible de ce feu. La peur, le danger, les enfants courant librement autour, les adultes regardant comment l'image du tracteur a produit des signes politiques, sociaux ou simplement une beauté saisissante, tout fut parfaitement réalisé. Et alors que le tas de braise finissait de mourir, la fête a continué avec la musique et la danse.
Pourquoi n'êtes-vous pas venus ?






Pascal Rivet met le feu à son tracteur :




 Le public, la lumière et la chaleur :



Élina et Lucas attentifs :



































Le lendemain, Pascal Rivet ramasse les cendres du bûcher pour faire l'édition de 30 boîtes reliquaires qui sont disponibles à l'achat à Piacé.




























Mais la Quinzaine Radieuse c'est aussi cette année une exceptionnelle exposition des œuvres du sculpteur Joseph Savina et de Le Corbusier. Des pièces superbes et très rarement visibles sont présentées avec des dessins, des courriers, des photographies qui prouvent comment les deux hommes dans une amitié solide réussissaient à faire des œuvres signées deux fois. Les questions de la traduction, de l'originalité, de l'interprétation et de la qualification incertaine entre art et artisanat sont posées par cette exposition. C'est rare de voir ainsi ce travail.
Ajoutez le parcours d'œuvres contemporaines et les deux expositions permettant de voir le travail de Norbert Bézard, céramiste et concepteur avec Le Corbusier du rêve d'une ferme radieuse et vous n'avez aucune raison de ne pas venir à Piacé pour passer une journée inoubliable dans un petit village sachant jouer avec son monde, son histoire.
Venez ! 
Pour toutes informations et pour organiser votre visite :












Coulons les vieux dans le béton brut

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Une carte postale en noir et blanc est coloriée de trames un peu mal posées.
Un grand pan de béton brut dont les planches sont fossilisées dans sa peau nous donne le programme à l'entrée de la bâtisse : Foyer des Vieux, Ambroise Croizat.
S'y opposent immédiatement, un autre pan, celui-ci de briques, puis un toit en tôle ondulée et de grandes ouvertures. Là, dans l'embrasure, un vieux monsieur se tient fièrement et regarde le photographe et donc, nous regarde.
On pourrait un peu s'ennuyer si nous n'avions pas une certaine habitude de cet ennui que nous décryptons immédiatement. Non, il ne s'agit pas d'une Boring Postcard. Quelque chose de simple, d'équilibré, de généreux dans les ouvertures et dans la simplicité aimée des matériaux nous fait signe d'une architecture.
Le verso de la carte postale Combier en photographie véritable nous donne la réponse à ce doute : l'architecte est nommé, c'est Paul Chemetov.
Nous sommes à Vigneux-sur-Seine où l'architecte a aussi livré des H.L.M et donc ce Foyer des Vieux, appellation que le politiquement correct renommerait aujourd'hui foyer des cheveux argentés, Maison des aînés... Les vieux on n'aime plus ça.
J'avoue qu'il est difficile depuis cette carte postale de vous raconter quelque chose, de vous en parler en termes d'architecture. Depuis la frontalité serrée d'une image, on ne peut que saisir des détails parlant d'un tout. L'ensemble apparaît comme une construction économique, ne camouflant pas cela, jouant simplement et efficacement de matériaux premiers, laissant les matières donner leur rôle. La brique porte, le béton soutient, la tôle protège, l'auvent fait abri, les ouvertures larges distribuent la lumière.
On ne devine rien du plan ou trop peu, on ne devine même rien de l'ampleur de la construction. Mais la solitude de ce vieux posant sa main sur une huisserie épaisse, le débordement du béton de ses planches de coffrage, un jeu optique de briques très délicat (il m'a fallu dix minutes pour le saisir) tout cela donne la sensation d'une construction tournée vers l'essentiel : son programme au plus ample de ses moyens techniques et financiers. On appelle cela, voyez-vous, l'Architecture.
Alors je vais tenter d'avoir plus d'informations auprès de qui vous savez.



Mais sur cette autre carte postale Combier, nous retrouvons la belle architecture du Village Vacances Familles de Grasse dont l'éditeur nous dit que Jean Deroche est l'architecte. On veut bien le croire. Là aussi, on devine ce beau sens du matériau, cette application à la française d'un brutalisme intelligent encore héritier de Le Corbusier. Masses, volumes, jeu avec le paysage, plaisir des liaisons fondent un ensemble d'une très grande qualité. Nous en avons déjà parlé de nombreuses fois ici sur ce blog.
Mais cette carte postale possède son punctum.
En haut de l'escalier, un petit groupe de personnes âgées s'est formé pour être sur la photo et donc sur la carte postale. Ils sont là, heureux au soleil, s'amusant de leur rôle de témoins et animant discrètement la photographie de cette carte postale.
Cela m'émeut un peu, que voulez-vous, je suis sensible.
Comme toujours, j'imagine la scène, les dialogues entre le groupe et le photographe. Hasard d'une rencontre ? Rendez-vous ? Choix des sujets ou joie simple d'un moment partagé ?
Plus personne ne doit le savoir. Combien d'entre eux ont acheté la carte postale ensuite pour l'envoyer à la famille ? Qui, un jour, au hasard d'une fouille dans l'album familial s'apercevra que Tata Yvette ou Raymond sourient en haut des marches sur une carte postale ?
L'architecture s'offre ainsi un public et des usages d'images.
Tant mieux.
Et rien des discours pré-construits ne peut rivaliser avec la véritable tendresse d'un corps heureux de partager un espace et de l'inscrire sur, oui, ce que vous appelez un cliché.






Le Label Patrimoine du XXème siècle est-il inutile sous votre Ministère, Madame Pellerin ?

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La semaine dernière alors que je rédigeais un article sur le foyer des Vieux dessiné par Paul Chemetov pour Vigneux-sur-Seine, l'agence de ce dernier me signalait, dans une concordance des temps incroyable, que l'ensemble des Briques rouges Labelisé Patrimoine du XXème siècle était menacé de destruction et notamment sa Caisse Primaire d'Assurance Maladie CPAM, petite merveille d'architecture reconnue, publiée et... Labelisée... et déjà défigurée, la fresque du Peintre Fougino ayant été peinturlurée par des imbéciles.
Il va sans dire que c'est une nouvelle attaque du Label qui tend à prouver maintenant son inutilité patente.
N'oublions pas le dossier de la Caisse d'Épargne de Toulon menacée par une architecture d'une laideur insoutenable de l'agence OKKO Hôtel dont le dessin du remodelage a même réussi à faire rire mes étudiants, c'est dire... Puis les mettre en colère... c'est clairvoyant.
Il est donc nécessaire de penser maintenant un avenir pour ce Label si français permettant sans doute, démagogiquement, de faire semblant d'un signalement pour faire plaisir à un petit cercle d'initiés (dont je fais partie) sans prendre le risque (la politique) d'un vrai classement, d'une vraie reconnaissance. Si éduquer la population française à l'architecture du XXème siècle c'est poser une plaque sur une construction pour s'autoriser quelques mois après à la broyer sous les pelleteuses, ce que l'on enseigne à cette population ce n'est pas le respect de ce travail architectural et patrimonial mais bien l'indifférence à ce patrimoine et à son territoire.
L'inculture généralisée n'est pas transformée par ce Label, les petites politiques locales, les petits responsables, les agencements financiers et immobiliers d'architectes en mal de mètres carrés en centre ville s'allient ensemble pour cracher à la gueule du Patrimoine et du travail de signalement tout cela sous les yeux (impuissants ?) des institutions chargées de la défense de ces lieux. On a même des émissions sur France Inter, radio nationale et complice (on sait pourquoi, on sait comment), où l'on donne sans contradiction, la parole à ces architectes démolisseurs qui viennent expliquer comment ils suivent " l'esprit de Candilis" sous l'égide d'un pauvre philosophe instrumentalisé et cabot, heureux d'avoir une écoute à sa petite pensée. Voyez le Mirail à Toulouse... La honte à la française.
Je ne sais pas finalement, je ne sais plus, ce qui construit ma colère. La perte de merveilles architecturales qui défendaient dans leur volumes et leurs espaces une pensée et une intelligence ? Oui.
Le rêve impossible de retenir du monde ses images ? Oui. Penser qu'un état, représentation démocratique servant à signaler notre culture commune, est impuissant, voire complice ? Oui. Devoir enseigner cet échec de la politique culturelle ? Oui.
Alors, si rien ne bouge, si aucune action immédiate n'est prise, (et l'été qui arrive servira l'inaction) il est clair que le Label Patrimoine du XXème siècle deviendra une duperie au service d'une démagogie de la défense patrimoniale d'un Ministère incapable de réagir. Ce Label sera un tombeau silencieux.
Le pire, voyez-vous, c'est qu'on commence à s'y habituer.

David Liaudet pour Le Comité de Vigilance Brutaliste.





Je reçois une nouvelle carte postale montrant au premier plan le foyer des Vieux de Vigneux-sur-Seine et au fond, l'ensemble Croix-Blanche. La carte postale est une édition Scintex en exclusivité pour Lhotellin. Mais qui a dessiné cet ensemble Croix-Blanche ?
Je trouve dans mes revues un article paru dans Techniques et Architecture de 1973 sur la sécurité sociale de Vigneux-sur-Seine, œuvre de Paul Chemetov, œuvre menacée aujourd'hui.
Je vous le donne à voir, il ne nous restera que ça bientôt ?

Les photographies de cet article sont de Augustin Dumage.













Totem

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Jean-Michel arpentait de long en large, de terrasses en volumes, l'Hôtel Totem.
Il avait à la main le numéro d'Architecture d'Aujourd'hui dans lequel un article avait été publié et il cherchait, amusé, à retrouver les points de vue du photographe.
Il admirait ici les courbes, là le jeu formel un rien organique ou sensuel faisant ressembler l'Hôtel Totem bien plus à une poitrine généreuse ou à un bénitier qu'à un totem. Il souriait à l'idée de l'architecte Simonetti dessinant les bâtiments en lorgnant les seins pointus d'un pin-up italienne où l'oeil et la main s'associent pour courber un toit en pestant bien entendu contre cette modernité bien trop limitée à la ligne droite comme si la géométrie devait s'opposer à la sensualité.
Lui, Jean-Michel pouvait de ces courbes inversées et complexes en déduire les forces et le calcul des paraboles hyperboliques qui n'avaient d'organiques que le calcul exact de leur soutien tout comme les végétaux simplement se plient aux forces naturelles de la pesanteur et des masses.
Mais qu'importe ! D'abord, il y avait la joie d'être à la mer, au soleil et à l'ombre aussi ! Le grand voyage en Méditerrannée, il y a longtemps qu'ils l'avaient programmé avec Jocelyne sans jamais avoir pu le réaliser même pour leur voyage de noces. Alors Jean-Michel avait accumulé les images, les articles sur les architectures qu'il voulait voir et Jocelyne avait fait de même avec les lieux touristiques et les musées. Tout tenait dans une boite à chaussures glissée sous le lit dans l'apartement. La DS Citroën étant livrée, il fallait profiter de cette auto toute neuve pour partir loin et longtemps. On ouvrit donc la boite et ce fut cet été 62 que le couple prit la route enfin. Momo et Gilles resteraient en France avec Yasmina, une petite villa fut louée à Royan grâce à la complicité de Pierrette Berjaud.






Aujourd'hui, Jean-Michel pouvait s'installer sur une chaise longue, face à la mer et entamait la lecture du journal tout en italien. Il essayait de comprendre quelque chose et riait de lui-même et de sa prononciation que le serveur italien venait reprendre régulièrement en lui montrant comment placer la langue entre les dents ou ouvrir les lèvres pour bien articuler les mots. Pendant ce temps là, Jocelyne écrivait sur la table quelques lettres et cartes postales en attendant son Campari. Elle avait mis sur sa tête ce chapeau de paille dont Jean-Michel disait qu'il la faisait ressembler à un abat-jour mais cela ne faisait pas sourire Jocelyne qui n'aimait pas tant que ça être taquinée...

La carte postale est une édition Ines Giordano. Vera Fotografia si ! Elle fut vraiment expédiée en 1962...













Royan glows in the dark

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Momo et Gilles se sont précipités dans la salle de bain et ont fermé promptement la porte et ont posé une serviette de bain sur la petite fenêtre.
Ils voulaient le noir complet.

Quelques minutes plus tôt, sur le boulevard Aristide Briand, à Royan :
-Gilles, Momo, vous allez devoir choisir des cartes postales pour Jocelyne et Jean-Michel. Je vous laisse choisir ce que vous voulez, pendant ce temps là je vais acheter mon Marie-Claire. Essayez de trouver quelque chose de joli pour Jocelyne et quelque chose d'intéressant pour Jean-Michel.
Les deux garçonnets regardaient les centaines d'images, un peu étourdis par le choix possible. Très vite, les deux garçons firent le choix d'une carte postale en couleurs et non en noir et blanc. Cela permettait de restreindre un rien le champs des possibles. Mais il y a avait encore tellement de choix...
Mais voilà que Momo s'exclame :
-Waou, Gilles, Gilles, viens voir celles-là !



-Oh c'est super ! Géante la carte ! Ça plaira à Papa car je crois qui l'a fait le travail dessus ce truc...C'est quoi ?
-Le Marché crétin ! On le voit d'ici !
-Ah oui, et m'appelle pas crétin !
-ba t'as qu'à ouvrir les yeux quand on marche et lever ton nez de ton Tintin !
-Bon, dis, on prend celle-là non ? Tu crois que Yasmina voudra bien ?
-Je m'en occupe...
Momo partit à l'intérieur de la Maison de la Presse avec sa carte panoramique du Marché de Royan et la montra à Yasmina qui la trouva aussi très belle. Elle demanda tout de même si cela passait bien par la Poste et si le timbre était le même. Le buraliste la rassura et elle n'eut pas le temps de dire merci que Momo était dehors en faisant des bonds pour dire à Gilles que c'était d'accord.
Mais Gilles avait trouvé autre chose.



-Regarde Momo celle-là !
-Oh trop bizarre...le dessin...et les couleurs...c'est moche non ?
-Mais non regarde ce qu'ils disent : carte lumineuse dans lopsturité, opstrudité...
-Ob scu ri té !
-Oui Obscurité après exposition à la lumière...Tu vois, trop marrant non ?
-Glisse là sous ton polo qu'on regarde si ça marche !
Et, soulevant le polo bleu marine de Gilles, Momo tenta en vain de faire le noir et passa sa tête dessous comme un photographe sous son drap noir de sa chambre photographique. Mais seul le nombril de Gilles venait étrangement contraster avec l'architecture du marché.
-Marche pas très bien. Doit falloir le noir complet, merde.
-Va montrer ça à Yasmina, vite ! Avant qu'elle ne paie son journal et l'autre carte !
Momo se précipita dans la boutique et posa in extremis la carte sur le comptoir au moment ou Yasmina sortait son porte-monnaie.
-Vous voulez aussi celle-là ? Vous êtes certains les garçons ? Cela fait deux fois le même marché...
-Oui, comme ça il y aura pas de jaloux entre Jocelyne et Papa rétorqua d'un coup Momo.
-Comme vous voulez, l'essentiel c'est bien que vous l'envoyez, ce n'est pas pour vous, on est d'accord ?
-Ba oui, mais bon, on la reverra à la maison de toute manière...
-Tu as vraiment réponse à tout toi ! lui dit en souriant le buraliste. Et c'est une nouveauté, tu as raison, c'est très moderne comme cadeau.
Yasmina paya, les deux garçons sautillèrent tout le temps des commissions au marché que Momo n'arrêtait pas de montrer à Gilles en lui disant de regarder un peu le monde qui l'entoure.
-Tiens, regarde, c'est exactement là que le photographe a pris sa photo, affirma Momo.
-Ouais sauf que les couleurs, c'est du chiqué ! Et comment qui fait le panomara ?
- Le Pa No Ra Ma ! Avec un appareil spécial non ? Mais t'as raison pour les couleurs !
Les courses terminées, Les garçons couraient devant Yasmina pour vérifier si le Marché de Royan sur la carte postale brillait bien dans le noir.
Il brillait bien dans le noir.
Ils passèrent une partie de l'après-midi à mettre la carte postale au soleil, la regardant se charger du soleil de Royan, puis pris d'une impatience soudaine, ils allaient de concert s'enfermer dans le laboratoire noir que leurs offrait la salle de bain. Ils restaient là, fixant la lumière verte étrange, regardant le dessin du marché apparaitre violemment puis disparaitre tout doucement dans le noir.

























Par ordre d'apparition :
carte postale des éditions TITO pour Berjaud, carte lumineuse.
carte postale des éditions TITO pour Berjaud, carte panoramique.
Aucune date, pas de nom d'architecte.

La neige ça fond, c'est à ça qu'on la reconnaît

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L'été et l'hiver.
Deux cartes postales saisonnières nous montrant une architecture de qualité, en montagne, avec effets météorologiques :





On voit sur des volumes très décidés, jaillissants et francs, un bardage de bois chaud offrant le contraste entre une architecture profondément moderniste et une image traditionnelle de l'architecture de montagne. Mais ici, pas de pastiche de chalet international pour Walt Disney ou Vladimir Poutine mais un sens aigu du plan, du soleil, du programme et du lieu.
Nous sommes aux Karellis, devant le centre de vacances ou de Rencontresécrit au pluriel ou au singulier selon l'éditeur !
Mais ce qui me plaît au-delà du très beau travail architectural que nous devons, semble-t-il à l'Atelier d'Architecture en Montagne, c'est que la carte postale enregistre aussi les usages de l'architecture. En deux photographies séparées par les saisons, on voit comment les espaces interstitiels sont utilisés par les usagers des lieux.
L'hiver ? La neige épaisse, blanche, ne permet que le passage, le ski, la glissade, dont rien sur la première carte postale ne peut dire l'usage. Avez-vous remarqué tout de même les empreintes de pieds chaussés au premier plan ? Bien évidemment, ici, la volumétrie et la géométrie du dessin de l'architecture jouent le contraste parfait avec le hasard blanc de la neige et ses courbes sur la pente. C'est ce qui fait la beauté de cette construction devenant un mur de bois savant contre une matière poudreuse. Comme il doit être beau de voir sortir de la masse blanche la force de l'architecture comme le rocher, la falaise de la montagne.
L'été ? La neige disparue c'est la prairie de la montagne, chargée de plantes, de fleurs que le photographe installe au premier plan presque pour nous en faire sentir les parfums. Le vert prend la place du blanc et tout change !
Voici les parasols, voici les chaises longues, les corps tiédis qui prennent sans remords le bon soleil de la montagne.
Voyez ce monsieur torse nu, cette femme en maillot de bain une pièce ou cet autre, levant les bras au ciel comme se réveillant d'une sieste.
Tous nous tournent le dos et regardent l'architecture du centre de vacances Rencontres. Le photographe, lui, au ras des fleurs, sans doute à genoux ou en contre-bas du vallon, fait le cliché qui dira que la montagne est vivifiante aussi en été. Y-a-t-il un marché d'été et d'hiver pour les cartes postales de montagne ? Voit-on des vacanciers en été acheter des images d'hiver et vice-versa pour rêver à ce qu'ils ne vivent pas de cette saison ou donner à croire qu'ici, même au mois d'août, la neige est tombée ?

Les deux cartes postales sont éditées par la Coopérative Artisanale "la Vordache". La première est une photographie de François Lainé. La seconde reste anonyme. Aucune ne nomme les architectes, aucune n'est datée.
Merci à Étienne Pressager pour cette donation.




I'm picky

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Un article fourre-tout pour permettre de revenir sur d'autres en précisant un peu mieux ce qui a été publié et cela parfois grâce aux lecteurs eux-mêmes !
Vous savez comme je peux être pointilleux.
Nous soulevions la question de l'origine des Chalets Nova vus il y a peu sur le site le bon coin puis sur des cartes postales. Hier, aux Emmaüs, je trouve, dans la revue Demeures de France de Juillet 1971 proposant un tour d'horizon des maisons individuelles disponibles, notre bungalow Nova au milieu des Phenix et autres merveilles.







On remarque de légères différences de traitement de la façade mais c'est bien le chalet Nova qui est représenté. On voit d'ailleurs qu'ici c'est l'appellation Bungalow qui est utilisée et que le constructeur nommé est Rochel (sic). On peut donc penser qu'avec une telle publicité, il était bien repéré à l'époque, bien diffusé et mis au point. On note que le modèle est ici photographié dans la neige. Combien furent vendus ? Quand fut stoppée la production ? Combien de modèles différents et de re-stylages ? Difficile à dire... On notera l'absence dans ce numéro de la bulle six coques pouvant pourtant être considérée elle aussi comme habitation légère de loisir. Trop d'avant-garde pour cette revue ? Pourtant... Pourtant...
Un détail m'étonne un rien puisque on trouve bien l'une des villas construites par Claude Parent, la maison Soultrait, sur la couverture ! Que fait-elle là sur une première page consacrée aux maisons individuelles de promoteurs ?



Si on observe un peu mieux on comprend qu'il s'agit bien d'un pêle-mêle pour attirer le client et que cette couverture de la revue montrant des villas veut faire rêver le lecteur ! Sans doute aussi que la revue a fait un article sur cette maison Soultrait... À chercher donc !

Revenons maintenant sur l'article de la maison bulle de Lapoutroie.
Julien Donada et Joël Unal me confirment tous les deux que la maison est bien de Pascal Haüsermann et Julien, éminent spécialiste et ami de l'architecte m'envoie même de superbes et touchantes images de sa construction. Il m'autorise à les publier, donc je vous les donne à voir. On les remercie vivement tous les deux pour ces compléments d'informations et ces superbes images.
Merci de ne pas dupliquer ces images sans autorisation de sa part.
N'oublions pas que Julien Donada a réalisé plusieurs films sur l'architecture dont le très beau La Bulle et L'architecte et qu'il a également publié un livre hommage fait d'une conversation avec Pascal Haüsermann aux éditions du Facteur Humain.






















Joël Unal lui aussi a publié un livre sur l'expérience des maisons-bulles dont voici le titre et qui donne bien dan la liste des chantiers de Claude et Pascal Haüsermann, la maison de Lapoutroie.
"Pratique du voile de béton en autoconstruction"
éditions Alternative 1981
Joël Unal































 I'm Picky cos I'm all alone
Maybe I'm alone cos I'm a picky one
I got a lotta girls (boys...) waiting for me not to call
Another Sunday morning on my own
Maybe I'm too good for you.

:-))


Alvar 20 ans, 2000

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Gilles avait donné rendez-vous à Hans devant le Centre Pompidou. Ils devaient tous les deux faire une surprise à Alvar qui fêtait ses 20 ans en cette année 1987.
Ils avaient décidé de l'emmener faire le tour de l'exposition du centenaire de Le Corbusier commencée depuis peu, puis, ensuite de le traîner chez Cassina pour lui acheter ce très beau fauteuil LC4 de Le Corbusier et Perriand dont il rêvait et usait le cuir chaque fois qu'il allait chez Jean-Michel son grand-père.
La famille presque de manière inconsciente avait prévu ce cadeau pour les vingt ans du garçon depuis longtemps. Combien de fois on dut en effet, sans le réveiller, prendre dans les bras le petit Alvar lové au creux du fauteuil encore un peu grand pour lui.
Une fois pourtant, lorsque vers ses huit ans, le petit garçon comprit que le cuir magnifiquement coloré du fauteuil était en fait la peau d'un jeune poulain, il avait eu un moment de désamour pour l'objet. Mais rapidement, les rêves, les désirs des histoires du grand-père racontées et écoutées dans ce fauteuil avaient eu raison des réticences du petit Alvar.
Mais pour l'instant ni Hans ni Alvar n'étaient en vue. Gilles s'impatientait un rien, là au pied de cette espèce de pendule curieuse qui égrenait les secondes jusqu'à l'an 2000. Il regardait les secondes défiler inlassablement, tombant dans un cliquetis métallique régulier et cela plongea Gilles dans une forme nostalgique inattendue de sa part.
Où seraient-ils tous les trois en l'An 2000 ? Que ferait Alvar quand il aura 33 ans ? Sera-t-il marié ? Sera-t-il toujours aussi passionné d'architecture ? Travaillera-t-il avec son père Momo dans l'agence familiale ?
L'image de Alvar sortant de la Mairie en costume au bras d'une belle mariée fit sourire Gilles. Alors que des images improbables se formaient dans sa tête, il vit arriver au loin, depuis la Piazza, Alvar, bras dessous bras-dessus avec Hans et juste à côté de lui une jeune femme que Gilles mit du temps à reconnaitre. C'était bien Émilie !
 - Salut Tonton !
 - Salut Alvar
Un silence.
 - Ah pardon ! C'est vrai... Tu reconnais Émilie ?
 - Bonjour Émilie !
 - Bonjour Monsieur Lestrade.
 - Mais non ! Pas Monsieur ! Émilie ! Appelle-le Gilles ! Tu le connais tout de même.
 - Oui, j'aime mieux que vous m'appeliez Gilles que Monsieur, Émilie !
 - Ah... Euh... pardon... enfin... euh...
 - Pas grave, pas grave...
Silence.
 - On pourrait faire visite non ? Moi j'ai envie commencer. Voir Corbusier.
 - Tu as raison Hans, allons nous cultiver ! Mais d'abord, puisque nous sommes sous cette espèce d'horloge, je propose pour commencer cette journée d'anniversaire, que nous fassions chacun un vœu pour l'An 2000 et que nous scellions ce vœu par un ticket de cette machine.
 - Tu crois Tonton que c'est une bonne idée, je veux dire, c'est un truc à touristes, non, ce machin...
 - Non non non, j'adore, oui faisons ça Alvar !
Devant l'enthousiasme d'Émilie, Alvar céda et au moment ou Gilles glissa la pièce pour commander la carte souvenir, chacun fit en silence son vœu.



Gilles demanda que lui et Hans aient ou adoptent enfin un enfant.
Hans demanda d'être encore pour trente ans au moins avec Gilles.
Alvar demanda qu'ils furent tous encore réunis pour s'amuser autant en l'An 2000.
Émilie demanda d'être encore pour trente ans au moins avec Alvar.
Jamais Émilie et Hans ne surent qu'ils avaient fait le même vœu.
Au mois de novembre de l'An 2000, devant le Centre Pompidou, il y a avait bien Gilles, Émilie et Alvar. Il manquait Hans, mort en 91. Pourtant ils étaient bien quatre. Émilie et Alvar venaient d'adopter Mitica, un sacré petit galopin venu de Roumanie.
Dans son portefeuille, Gilles sortit la carte du Genitron.
Ils se regardèrent tous les trois.
Ils coupèrent le papier en petits morceaux et Mitica se fit une joie de jeter les confettis au vent léger. Qui lui raconterait l'histoire ?
Mitica, lui, il voulait un chocolat chaud. On prit tous un chocolat chaud.







Une vierge offerte au hard french

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Une sculpture un peu monolithique pose devant une barre immense débordant des bords du cadre de la carte postale.
L'ensemble est assez mal imprimé, dans une héliogravure un peu flou et dont le grain habite surtout la façade. Nous sommes à Nancy, devant la barre de Bernard Zehrfuss pour le Haut-du-Lièvre. La statue est la vierge des pauvres qui attend la construction de son église. La carte postale servant de souscription à cette future construction. Au dos, figurent toutes les informations nécessaires pour faire ce don.
Le photographe reste anonyme et nous livre seulement ses initiales : J.V.
Par contre, la sculpture trouve son auteur c'est Claude Wetzstein.
Nous avons déjà chanté ici notre joie à cette barre immense, imparable, brutale, monstrueuse, magnifique.
Sans doute, l'une de celles qui fonde le magnétisme noir de la préfabrication lourde, cette force soudaine s'imposant sans égard mais offrant dans sa continuité semblant infinie une poésie quasi géologique.
Je sais que cette force aujourd'hui est boudée, jugée insupportable, sans respect à ceux que l'on loge ici. C'est l'air (nauséeux) du temps. Bernard Zehrfuss fait pourtant ici un chef-d'oeuvre, de ceux auxquels on n'échappe pas, presque guerrier.
Sans doute que le Haut-du-Lièvre est la pointe extrême du Hard French, son expression la plus totalisante et donc la plus remarquable. En ce sens, c'est une oeuvre a préserver comme on préserve les villes fortifiées.
Cette sculpture posée devant possède là, dans ce cadrage, une complicité d'image avec son fond. Baissant la tête, prise dans sa masse, contenue en elle-même, blanche, elle tient parfaitement son rôle face à ce monstre génial.
Ici, la photographie la fait plus haute que la barre de Bernard Zehrfuss, la rend puissante et triste aussi, comme une vierge d'humilité offrant sa faiblesse au monstre avec stoïcisme...
Comme une image ne suffit pas, deux cartes postales sont éditées avec ce même rapport. Voici la deuxième, cette fois si jouant sur une verticalité affirmée :



Il s'agit bien d'un autre point de vue et non d'un recadrage de la première. L'affirmation de la façade de la barre de Bernard Zehrfuss en fond nous dit à qui s'adresse la demande de fonds. L'église sera pour ceux qui vivent là, dans les lignes parallèles et dans la grille de l'architecte.
Je vous rassure, l'église fut construite.
Elle fera l'objet d'un article prochainement.
On trouve de très beaux clichés du Haut-du-Lièvre ici :
http://www.citechaillot.fr/ressources/expositions_virtuelles/EXPO-ZEHRFUSS/05-PARTIE-01-DOC07.html



Pourtant c'est Prouvé, pourtant c'est Fillod

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Des fois, il n'y a rien à faire, c'est moche.
Pourtant...
J'essaie souvent ici de déborder des images, de sortir de leur représentation, de comprendre qu'elles ne disent pas tout et que, lorsqu'on essaie d'apprendre souvent on apprend aussi à aimer.
Mais voilà, cette église Notre-Dame-de-Fatima de Creutzwald avec son toit en tôle ondulée, ses pierres trop lourdes, ses ouvertures de pigeonnier, son implantation sans grâce dans le sol, rythmée par la succession des travées, la forme générale d'une tente, la porte en bois, tout cela donne à cette église quelque chose de lourd, de triste, manquant singulièrement de poésie.
Pourtant...
Cette église appartient à une série construite et dessinée par Jean Prouvé. Oui.
Il faut dire immédiatement que le dessin d'origine, celui de l'ingénieur était fait pour une église de métal et surtout pour une église provisoire et démontable devant répondre à l'urgence de la demande.
De l'idée de Prouvé, les architectes Sommermatter et Voltz n'ont gardé que la forme générale et le principe constructif. Tout le reste a disparu.
On peut même se demander si l'on peut encore parler d'œuvre de Jean Prouvé tant l'écart est grand. L'église semble ainsi totalement ancrée au sol par une multitude de pattes courant le long de l'église. On ne peut sans doute pas en vouloir aux architectes ayant eu à jouer avec un système constructif certes moderne et innovant, certes proposant le nomadisme comme image, mais sans doute, dans sa légèreté et sa spatialité, trop loin du désir de lieu sacré et de stabilité que les croyants ont le droit aussi de réclamer. Si la fragilité de l'édifice religieux peut servir son esprit, il faut aussi reconnaître que le lieu de rassemblement de la Foi religieuse a certainement besoin d'une forme de... Certitude.
Alors on pourrait dire que les architectes n'ont sans doute pas saisi le génie de Jean Prouvé qui lui-même n'a sans doute pas saisi ce désir d'image d'un tel programme. Tout le monde ne goûte pas la légèreté, le démontable, la poésie subtile d'une tôle pliée.
Tout cela produit un ensemble bancal, mal posé dans son histoire, aux désirs contrariés de deux visions d'un objet architectural.
Alors mon avis et certainement aussi mon goût n'ont aucune importance sur le jugement de cette histoire et sur cette réalisation. Il ne fait pas de doute que cette église et ses sœurs représentent un moment de l'architecture religieuse en France et méritent d'être préservées et aussi aimées.
Mais, excusez-moi, je les trouve moches.
Regardez :



Nous sommes à Saint Nicolas-en-Forêt. un petit ensemble d'immeubles très typés M.R.U est construit dans un jardin. Le photographe des éditions Estel cadre avec soin. Il place les arbres et leur idée de nature au centre, laisse au loin comme perdus dans ce parc, les petits immeubles et vient placer... oui... l'église provisoire.
Elle aussi est démontable, elle aussi est provisoire, elle aussi est une église.
Mais voyez-vous, j'en aime mieux sa radicalité, sa simplicité et je dirais même son dessin. Non par défi mais simplement qu'ici, on reconnaît à la fois l'objet architectural et sa fonction, tous deux liés ensemble non pas par des "visions d'architectures" mais par une fonction jouée et vivifiée par ceux-là mêmes qui y viennent.
Avant d'être une construction, une église est l'assemblée des fidèles.
Et ce baraquement de tôle du type de Ferdinand Fillod, de ceux que l'on croisait sur les chantiers de la reconstruction ou sur les terrains militaires n'a rien à envier à l'aventureux et génial Jean Prouvé.
Ici, je lui trouve même une belle élégance dans son dessin et dans sa clarté constructive que les églises du dessus oublient. Il serait temps de revoir cette histoire du métal et de servir un peu plus tous ces constructeurs un peu oubliés et écrasés par une histoire trop souvent répétée.
À quand une belle baraque Fillod à la Biennale de Venise ou dans une galerie parisienne ?
Alors j'entends déjà les sirènes me chantant la différence des programmes, la taille des constructions etc. Oui.
Mais si on aime une radicalité, un brutalisme serein né d'une nécessité, si on aime une forme efficace et non contrariée par des enjeux d'images, alors comme moi, on préférera allumer son cierge à Saint-Nicolas plus tôt qu'à Creutzwald.
C'est dit. Mais rassurez-vous, il me suffira d'y aller, d'entendre parler de démolition, de lire une ânerie sur les églises modernes et Vatican 2 et vous me verrez défendre comme il se doit les belles églises de Forbach, Creutzwald ou Behren-Nord !
Merci vivement à Daniel Leclerc pour cette carte postale de Creutzwald et tous les documents envoyés qui m'ont permis de faire cet article un peu polémique !
Merci également à Pierre Lebrun pour son remarquable livre Le temps des églises mobiles qui rappelle bien, c'est le cas de dire, la genèse de ces églises nomades de Jean Prouvé. 
Rappelez-vous cet article.
Pour voir plein de Fillod, je vous conseille vivement la visite de ce site plein d'incroyables images :
http://www.zapgillou.fr/fillod/index.php









Le wagon, l'Algeco, Saarinen, et Montparnasse.

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Il y a eu beaucoup de cartes postales du complexe Maine-Montparnasse. C'est normal, un peu comme le Front de Seine, ce quartier de Paris a porté la modernité et les transformations de la capitale. Il faut dire aussi que c'est spectaculaire encore aujourd'hui ces immeubles aux grilles parfaites, gigantesques, ininterrompues. C'est ici que fut construite l'une des plus belle barres (la plus belle ?) de Paris, l'immeuble Mouchotte de Jean Dubuisson.



Mais ce n'est pas ce que nous montre cette carte postale des éditions Pi. On y voit bien les immeubles de ce complexe mais point la barre de Jean Dubuisson.
On devine aussi ce sur quoi finalement ce quartier tout neuf est venu se poser puisqu'au pied des barres modernes subsistent encore des constructions anciennes à un ou deux étages seulement ! On devine aussi l'état peu avenant de ces constructions. il n'est pas question ici de dire combien il aurait fallu conserver ceci ou combien au contraire, l'ensemble Maine-Montparnasse a assaini la ville, tout cela est passé, comblé, inutile aujourd'hui. Il convient de regarder la photographie comme un moment, une réalité d'une transformation aujourd'hui effectuée.
J'aime : lire le parc automobile et sa nostalgie, le ciel parfait venant buter contre le gris aluminium, le bazar des matériaux anciens contre la régularité des murs-rideaux, le pignon nu de pierre contre la grille de l'immeuble, le reflet de la façade de l'un dans la façade de l'autre.









Tout cela a un rien changé mais on retrouve tout de même nos acteurs et, curieusement, les petites constructions au pied de la barre, boulevard Pasteur, sont encore là !



Mais voici qu'entre dans ma collection, une diapositive de la gare Maine-Montparnasse qui va vous faire prendre des tours, comme dirait mon ami Clément Cividino :





Alors ?
Oui...
Mais que cela reste mystérieux !
D'abord sur l'événement. Que fait donc ce bel Algeco très design ainsi perché sur un wagon de marchandise ? Si on regarde bien, il n'est pas sanglé, pas protégé et un petit escalier permet même de monter sur le wagon pour accéder à cet Algeco comme pour lui rendre visite. On ne transporterait pas non plus un Algeco ainsi meublé ! Est-ce une pièce de démonstration, un bureau de vente pour le matériel posé sur le même wagon ? Matériel qui n'est rien moins que des bogies de chemin de fer.
Et qui a dessiné ce merveilleux petit objet mobile et minuscule qui nous évoque bien d'autres expériences de la même époque comme notre chère bulle six coque ?
Est-ce là aussi l'occasion pour la société Algéco de promouvoir son nouveau design ? On admirera le gout pour le mobilier avec les beaux fauteuils Knoll de Saarinen...
On trouve un exemplaire ici de cet Algéco type 2002.
La diapositive n'est pas titrée et je ne sais d'où elle provient. Sans doute une documentation d'entreprise mais cela reste hypothétique.
Ce qui est très beau dans cette image c'est le contraste entre la légèreté et la blancheur de l'Algéco et son wagon si lourd en métal qui lui donne pourtant sa possible mobilité. Tout tient dans cet accord.
Alors si vous avez des informations sur ce qui se passe sur cette image...


Flying Saucers bretonnes et/ou américaines

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Comment faire pour établir un lien entre la Bretagne et les U.S.A ?
Demandons donc aux extra-terrestres qui sont venus influencer les architectes. À moins que ce ne soient les mauvais films de science-fiction qui aient offert à l'imagination de nos créateurs des formes un rien étranges et belles.
Commençons par la Bretagne :



Une belle station Mobil Oil offre son design à la ville de Rennes. Il s'agit d'une carte publicitaire offrant au client de passer à la station chercher son cadeau mystère. On est à la limite de la carte postale avec ce document qui est bien plus proche d'un tract publicitaire que d'un usage postal. Qu'importe ! Régalons-nous de cette magnifique station-service. On aime bien évidemment la canopée réalisée avec ces très beaux parasols ou parapluies de métal, on aime comment cela tranche avec le bâtiment de la station en briques et très dépouillé portant fièrement le beau Pégase rouge. On s'attachera également au design singulier et pur des pompes à essence d'une très grande rigueur.






C'est magnifique.
J'ai tenté de retrouver cette station-essence sur Google Earth en vain... Si des lecteurs ou lectrices de Rennes savent ce que cette station-service est devenue qu'ils nous en informent ! Elle aurait été située avenue du Mail... Elle fut tenue par Monsieur Cadiou.
L'architecte de ce modèle serait de Eliot Noyes. Ce modèle fut largement diffusé et je ne sais pas avec quelle ampleur en France mais je me souviens d'en avoir croisé sur la route.
Mais plus étrange encore :



Tout est écrit dans le ciel bleu d'Oklahoma City ! Il s'agit de la Bank of the Future !
Je suis allé à la Poste hier et ça ne ressemblait pas tout à fait à ça !
Comment ne pas aimer cette suite incroyable de soucoupes volantes posées les unes à côté des autres formant un bosquet d'arbustes ombrageux pour déposer et retirer son argent.





Regardez aussi comment l'ensemble est très ouvert sur la rue par de larges baies circulaires tout de même occultées par des rideaux. Sans doute que le soleil devait dans cette serre banquaire faire monter la température. Aujourd'hui cela est occulté par des panneaux.
On pouvait même en automobile avoir accès aux services de la banques grâce à la télévision...
Ils sont nombreux les architectes responsables de cette merveille : Robert Roloff of Bailey, Bozalis, Dickinson et Roloff. On trouve un très complet article sur cette banque ici. 
Et comme nous avons l'adresse, il est aisé d'aller voir à notre tour :





Monsieur Inconnu est architecte. Le père est inconnu

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 - Oh oui, il était furieux !
 - C'est vrai que c'est tout de même incroyable d'écrire ça comme ça !
Oui, ton grand-père a piqué une de ses colères mémorables ! Tu vois, Alvar, ils n'auraient nommé personne cela aurait sans doute passé mais là ! Vraiment !
 - Ce mot d'inconnu résonne comme le tombeau du soldat inconnu !
 - Il avait l'habitude de ne pas être nommé dans les articles et les éditions car tout le monde se moquait des architectes d'opérations et des ingénieurs-conseils à cette époque mais, là, qu'à la place de son nom on puisse ainsi écrire inconnu. Non vraiment cela ne passa pas !
Alvar tenait dans sa main la carte postale de l'établissement de traitement des maladies de la nutrition à Pougues-les-Eaux qui au verso avait cette drôle d'attribution donnée par l'éditeur les éditions nivernaises.



La carte postale montrait une barre d'une grande simplicité à la grille régulière et rigoureuse creusée de niches offrant un balcon à chaque chambre. L'ensemble était posé sur un socle technique donnant tous les services et l'accueil. Alvar remarqua que le chantier était encore en cours sur cette carte postale. Mais bien vite la question lui revint à l'esprit. Comment une telle bévue avait pu être commise ? Qui était responsable de l'oubli du nom de son grand-père et surtout son remplacement par ce titre de Monsieur Inconnu !
 - Oh, je ne sais pas, je ne sais plus Alvar mais bon, cela permit tout de même à ton grand-père après une sacrée explication auprès de l'éditeur et des architectes de se faire offrir un bon repas au restaurant !
 - C'est la moindre des choses non ?
 - Oui, et il faut dire Alvar que ça leur a coûté cher ! Jean-Michel aimait les vieux Bourgogne comme tu le sais et il choisit dans la cave du restaurateur un millésime incroyable qu'il fit mettre sur la note ! Un Vosne-Romanée de 1949 !
 - Ah ! Bien vu, l'année de naissance de papa ! J'aurais bien aimé y goûter ! Remarque, bon, ce bâtiment... Rien de bien extraordinaire non ?
 - Tu sais, je comprends ce que tu veux dire mais ce qui comptait le plus pour ton grand-père ce n'était pas finalement les histoires d'images, il tenait surtout que son travail soit parfait, sans défaut même si cela devait servir une construction dont lui-même ne goûtait pas le style. Quand tu regardes l'ensemble des architectes avec lesquels il a fait travailler l'agence, il n'y a pas vraiment de cohérence. Par contre, la qualité du travail est partout et combien d'entre eux furent heureux de trouver quelqu'un comme lui pour inventer des solutions techniques qu'ils ne maitrisaient pas eux-mêmes. Et il le faisait toujours simplement, en se mettant à leur service. Mais il voulait être reconnu pour ça, simplement. Il avait un don tout particulier pour faire faire des économies de matériaux et de temps par une logistique incroyable et une application parfaite.
 - Oui, je sais, j'en avais discuté avec lui... Il avait un sens de la structure incroyable, une forme de vision mentale...
 - Oui, ton père en a hérité. Mohamed, je ne sais comment, il a capté ça. Ça rendait ton grand-père si fier de lui. Et Yasmina si heureuse de les voir complices sur ce terrain. L'agence, elle tient grâce à lui aujourd'hui et... on espère grâce à toi un jour...
 - Ah Mamie, on ne va pas revenir sur cette conversation...
 - Alvar, il faut apprendre à être ce que l'on est. Mais tu as raison de vouloir vivre autre chose. Tu verras... Tu verras..........
 - Mais ces Coquet tu les as connus toi ? C'étaient des frères ?
 - Coquet ? Oui... je ne me souviens plus bien son prénom mais Jean-Michel avait travaillé à Tanger sur une manufacture je crois. Vers 55 ou 56. J'étais restée à la maison comme d'habitude... On n'avait pas encore ton père et Yasmina. Ils sont arrivés après ce chantier. Tu devrais trouver de la documentation là-dessus, c'était un chantier important pour notre histoire... C'est là que ton père a décidé d'aider Yasmina. Elle était sur le chantier avec son mari, ouvrier maçon enfin... le père de Momo, ton grand-père en fait. elle avait déjà le petit bien sûr... tout chétif, tout miséreux. Mais, voilà... il plut à ton grand-père, ne me demande pas pourquoi... Enfin si... il avait un sourire désarmant le petit... Enfin tu connais l'histoire... L'abandon... Le retour de ton grand-père sur le chantier et l'arrivée de Yasmina et de Momo à la maison. Comme il n'avait pas été reconnu, ton père l'adopta. Voilà. Il faut dire que le papa de ton père, était aussi un gamin. 18 ou 19 ans. C'est tout. Ton grand-père aurait presque voulu l'adopter aussi ! Ah celui-là ! Mais bon, ce ne fut pas possible... Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça...
 - Parce que c'est de mon histoire qu'il s'agit.
 - Oui, tu as raison... Mais ton père, Momo, n'a jamais voulu rien savoir lui. Il avait un père, un seul et c'était Jean-Michel. Plusieurs fois nous lui avons proposé de rencontrer cet homme qui ne méritait sans doute pas ce refus. Mais voilà. C'est comme ça, c'était la défense de ton père.
 - Tu... Enfin... Tu sais ce qu'il est devenu ? demanda Alvar dans un souffle.
 - La dernière adresse était à Casablanca. On lui envoyait des photos de ton père de temps en temps. Mais on ne recevait jamais de réponse. Un jour on a reçu une lettre, très mal écrite, disant qu'il voulait venir en France. Ton grand-père a envoyé de l'argent pour le voyage mais... il n'est jamais venu. Je ne sais pas maintenant. c'est loin tout ça. On doit encore avoir cette lettre quelque part.
 - Et Yasmina, elle n'a jamais voulu le revoir ?
 - Non. Je ne crois pas. Elle lui écrivait aussi et pareil, jamais de réponse. Trop dur des deux côtés je crois.
 - Je voudrais le voir, enfin même qu'une image.
 - Oui ? Vraiment ? Regarde ton père. Regarde Momo et tu le verras. Quand il a eu à son tour 18 ans, on avait du mal à le regarder tellement il ressemblait à son père et cela posait pour lui des problèmes avec les autres car bien sûr il ne ressemblait ni à Yasmina, ni à Jean-Michel et encore moins à moi ! Il a souffert de ça tu sais, ce fut parfois difficile, il partait. Il partait comme ça. Puis il revenait. Tout bredouillant, plein de larmes, incapable parfois de dire ce qu'il avait fait. Seul Gilles réussissait dans ces moments-là à lui parler et lui faire dire des choses. Gilles a été formidable avec son frère adoptif.
 - Oui, j'adore Gilles. Il m'aide aussi beaucoup... Il m'a déjà proposé que l'on aille ensemble à Casa. Il pense que cela serait bien. Il en a même parlé à Papa qui lui a dit de faire comme bon lui semble mais, lui, il reste sur sa position.
 - Vas-y Alvar ! Vas-y avec Gilles, c'est une bonne idée. Il faut que tu règles ça sinon tu le porteras à la place de ton père. Et, étrangement, je sais, je suis certaine que ton grand-père biologique est toujours vivant. J'en suis certaine. Je vais essayer de retrouver l'adresse, la lettre...
Il y eut un silence. Alvar tapa Coquet architecte sur un moteur de recherches pour voir si quelques informations tombaient. Il trouva une mention dans la revue Architecture d'Aujourd'hui de 1955. Il comprit que c'était bien cela.
Dans la bibliothèque parfaitement rangée de son grand-père, il n'eut aucune peine à faire glisser dans ses mains la revue. Un peu frénétiquement il chercha l'article. Il le trouva. Alors quelque chose se serra dans son cœur. Il regardait la photographie, il la brûlait presque de son regard, usant chacune des ombres, cherchant en vain, une silhouette, une trace de cette histoire personnelle. Pourtant rien dans ce document ne pouvait dire que là, ici, à ce moment précis, son père put être son père. Il en voulait presque à l'image de cet article de ne pouvoir lui en dire plus. Ce qui le surpris aussi c'est qu'aucune annotation, rien ne venait dans cette revue faire signe d'une lecture particulière de Jean-Michel. La photographie avait curieusement été prise de nuit. Une nuit sombre, dure, impénétrable.
Alvar referma la revue sur cette nuit.








Vers Alvar

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Le silence se fit d'un coup dans la piscine. Comme un vide immense, soudain.
Momo mit un moment avant de bien réaliser ce que venait de lui dire Sidonie.
Momo décida de mettre sa tête sous l'eau, d'aller jusqu'à la rupture de sa respiration et, il en était certain, lorsqu'il réapparaîtrait, la nouvelle aurait disparu et sa vie reprendrait son cours normal.
Mais non.
Le chlore ne lave pas des paroles et Sidonie reprit elle aussi son souffle.
 -  Tu entends ou quoi ? Je suis enceinte !
 - Mais quoi ? Enfin, je veux dire, un bébé, tu es certaine, enfin... Je sais pas moi... Mais bon enfin... Enceinte ?
 - Oui... je le sais depuis hier de manière certaine.
 - Mais on doit faire quoi ? Là, maintenant, enfin on fait quoi... On est censé faire quoi ?
 - Rien...
 - Tu veux dire que... qu'on va avoir un enfant à élever ? Mais bordel on n'a que 18 balais tous les deux ?
 - Ba, ça mon vieux, apparemment ça donne plus tôt de bons résultats...  Qu'est-ce que tu veux faire ?
...
 - Eh ! Oh ! Je te cause ! Touche là.
Sidonie saisit si fermement la main de Momo qu'il poussa un cri puis posant celle-ci sur son ventre sous l'eau, elle le regarda dans les yeux.
 - C'est fait. Tu comprends. C'est fait. Il est là.
Momo était presque saoulé par les images qui défilaient devant lui en cinémascope, d'abord le portrait de Jean-Michel puis des images de couches-culottes, la tête de Gilles, enfin un trou noir profond comme si l'ensemble des sens avaient disparu pour le laisser définitivement dans un état second.
 - Momo ? Momo ? Mais tu es glacé, tu trembles de partout... Viens on sort, on parlera de ça dehors.
 - Mais pourquoi tu me le dis là maintenant, enfin dans la piscine ? Pourquoi ?
Momo continuait de parler alors qu'il avait déjà franchi la séparation homme-femme des douches et des vestiaires et il ne se rendait pas compte qu'il parlait tout seul et que, sous la douche, se rinçant, il évoquait cette question avec un morpion de huit ans et un monsieur rondouillard qui ne comprenaient pas bien pourquoi on lui parlait de bébé, de femme enceinte.
Il se rhabilla sans très bien s'essuyer, oubliant de fermer la porte de la cabine, pressé qu'il était de reprendre dehors la conversation avec Sidonie. Les chaussettes avaient du mal à couvrir les pieds mal séchés, sa chemise lui collait dans le dos. Finalement sur le trottoir, il trouva Sidonie déjà prête et en pleurs.
 - Eh... mais ma louloutte, viens, on rentre.
Sidonie bredouillait qu'elle aurait dû faire attention, qu'elle avait tardé à s'en rendre compte, que leur vie était foutue, qu'elle se sentait coupable, coupable, coupable et qu'elle avait peur.
 - Sidonie, écoute, on est deux ? On va s'en sortir. Gardons-le. Gardons-le. Le bébé, il sera bien avec nous. C'est juste trop tôt mais quoi regarde ! Tout va bien ! Tu travailles, je finis mes études. On nous aidera tu verras.
 - Mais je voulais vivre une autre vie avant. Tu comprends. Je voulais faire plein de trucs. Voyager.
 - Ouais, c'est sûr. Tu as raison. Mais il est là. Le bébé, il est là. Alors la seule chose à faire c'est de l'attendre, heureux qu'il arrive. Je travaille à l'agence, j'ai déjà un salaire. Papa me laissera finir mes études et bosser à l'agence.
 - Oui... enfin... je sais plus...
 - Qui d'autre le sait ? Gilles ? Tes parents ?
 - Non, non, personne...
 - Je ne ferai pas comme mon paternel, je m'en occuperai tu verras, je m'en occuperai, tout les jours, tout le temps, il sera avec moi. Je m'en occuperai, je m'en occuperai...
Tout en se le répétant à l'infini, Momo se mit à pleurer à son tour. Tout revenait d'un coup. Comme une boucle à laquelle il ne pouvait pas échapper, comme si son histoire n'était finalement pas la sienne. Il avait maintenant exactement l'âge de son père au moment de sa propre naissance et de son propre abandon. Il allait être père à son tour. Il voulait briser l'histoire, rompre avec la ligne. Il aimerait cet enfant, il l'élèverait avec et même contre Sidonie si nécessaire............................


.........................................
Gilles regardait ce machin tout tordu, partant dans tous les sens et cela lui semblait une image assez cohérente de sa vie en ce moment. Il tourna autour, trouva beaucoup de points de vue très beaux.
Il se demanda comment il allait pouvoir aider Momo et Sidonie.
Cette nuit, il avait reçu le télégramme annonçant la naissance d'un petit garçon que le grand-père avait appelé Alvar. C'était convenu, une promesse que Momo avait faite au moment de l'annonce de la grossesse. Jean-Michel donnerait le prénom de l'enfant. Il n'avait pas cherché longtemps. Alvar. Deux A posés entre la verticale forte d'un L et le vallon d'un V discret. C'était parfait.
Momo attendait encore les résultats de son baccalauréat puis il pourrait entrer officiellement dans l'agence comme employé. Il serait alors le salarié de son père.
Gilles avait lu le télégramme à Hans qui sauta partout dans la pièce. Il voulait partir maintenant, vite aller voir Alvar, le prendre dans ses bras. Pourtant, il fallait encore finir la saison à Stuttgart. Mais c'est bien Hans qui envoya Gilles vite acheter un petit ensemble, une barboteuse, des chaussettes minuscules et cette adorable souris rouge en peluche que, et cela il ne pouvait le deviner, Alvar retrouvera vingt cinq après encore présente dans l'armoire familiale.
Gilles en profita pour regarder le programme du Théâtre de Stuttgart. Il ne vit rien de convaincant pour lui ou pour Hans. Et puis, il avait d'autres soucis. Il voyait son jeune frère, dix-neuf ans, père avec un petit garçon dans les bras. Il voyait ce même Momo, dans la poussette, sur les trottoirs de Pantin. Ils se revoyaient tous les deux, il y a quatre ans à peine, sur la plage de Foncillon, lui, faisant la leçon à ce frère fugueur. Il revoyait toutes ces histoires et imaginait toutes celles à venir. Lui, ici, à Stuttgart avec un garçon. Il pensa que finalement, c'était le fils adoptif qui était le plus ressemblant à leur père. Momo avait tout de Jean-Michel, ce mélange de rigueur dans le travail et de spontanéité dans la vie, capable au détour d'un sourire de tomber amoureux ou d'adopter un enfant, capable de lire les structures, capables d'aimer.
Ici, lui amoureux de Hans, Gilles se trouva étranger à cette histoire, loin, et incompatible. Il ne comprit pas tout de suite ce que ce mot voulait dire et pourquoi c'était celui-ci qui arrivait dans ses pensées. Incompatible.
Il se souvenait bien que son père lui avait dit de bien regarder ce théâtre dessiné par Paul Stohrer. Il lui avait même demandé d'en faire quelques photographies avec son appareil photo offert par ce même père. Mais Gilles comprit qu'il ne pouvait pas faire d'images. Pas aujourd'hui.
Il reviendrait. Les images qu'il se faisait dans l'instant étaient celles d'un jeune père, d'un petit garçon appelé Alvar depuis 3 heures, d'une jeune femme ayant accouché et de ce cercle familial qui n'arrêtait pas de le surprendre.
À son retour, Hans trouva la barboteuse trop grande, le petit ensemble vraiment adorable et les chaussettes comme promises, minuscules. Il joua quelques instants avec la petite souris en peluche sur la tête de Gilles.
Punaisé sur le mur de la chambre du centre sportif, le télégramme fut oublié le jour de leur départ deux semaines plus tard.

par odre d'apparition :
Villeneuve-le-Roi, la piscine, éditions Raymon.
Stuttgart, Staatstheater, Kleines Haus. Andres +Co Verlag.

Paul Stohrer en décor

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La nuit était tombée sur Stuttgart et son hôtel de ville.
Hans et Gilles passaient en taxi juste à l'angle. Gilles jeta un coup d'œil à l'architecture de Paul Stohrer devenue étrange par ces angles droits pulvérisés par les contrastes. Il avait posé sa tête très bas contre le dossier, tentait d'allonger ses jambes. Sa joue touchait presque la vitre du taxi et les gouttes de pluies filaient, dessinant comme dans une soufflerie les lignes aérodynamiques du véhicule.
Il voyait toutes ces gouttes comme à son image, à la fois dirigées par des forces plus grandes qu'elles et comme parfois prises d'un désir de liberté, changeant de direction brutalement à cause d'une poussière, d'un soubresaut du véhicule.
Le poids de la tête de Hans sur son épaule, ils allaient ainsi tous les deux prendre un train pour Paris et rejoindre cette autre construction : une famille.
La naissance d'Alvarétrangement servait un peu Gilles, le libérant de cette pression familiale d'une perpétuation d'un clan. Il pourrait vivre sa vie avec Hans sans cette question.
Ils étaient tout de même tous très jeunes, et Gilles savait aussi que depuis qu'il avait décidé de partir avec Hans et que son père l'avait laissé les quitter, il avait bien laissé son enfance en France. Il se demandait pourquoi parfois il pensait surtout à son père comme prescripteur d'autorisation, pourtant Jean-Michel n'avait jamais eu à jouer ce rôle d'une paternité trop marquée. Son autorité était faite d'une morale ferme, droite, surtout consciente de l'altérité. Mais le père restait ainsi la figure centrale de cette famille pourtant, même pour ce début des années soixante, déjà bien particulière. Un père, une mère, un fils légitime, un autre adopté vivant dans la maison avec sa mère marocaine et cela sans ambiguité amoureuse. Gilles ferma les yeux, vit le visage de son père, se demanda comment un tel type avait pu être fabriqué, quels étaient les ressorts d'une telle pratique de la vie ? Il pensa que bien sûr il y avait eu l'expérience de la guerre, de la Résistance, de la fuite des camps de prisonniers. Il pensait à cette solidarité entre ces camarades, à cette porte qui se fermait sur le salon, quand les camarades venaient à la maison pour évoquer les souvenirs de ceux disparus. Il pensait à la peur accumulée par toute cette génération, il pensa à cet héroïsme construit au retour par une société. Il pensa comment Jean-Michel avait toujours tenté d'échapper à ce cérémonial, à cette récupération. Il pensa que le courage de son père était là dans la distance qu'il avait mise entre la nostalgie d'une époque de peur intense et le choix d'une vie généreuse. Mais lui, Gilles, cherchait tout de même un chemin. Il ne voulait rien devoir. Et puis sa vie amoureuse, celle qu'il avait avec Hans, le seul homme de sa vie, le seul qui lui demandait d'être lui, le seul qui jamais ne lui parlait de ce qu'il devrait faire, Hans, cette force soudaine et palpitante, venue précisément d'Allemagne, précisément de ce pays douloureux à ce père, Hans lui fournissait toutes les raisons de croire en une autonomie des sentiments. Gilles voulait maintenant aimer.
Gilles regarda Hans. Il regarda sa main gauche posée sur le cuir du siège du taxi. Une main épaisse dont on pouvait lire les veines comme une carte routière, une main dont il se souvenait bien de la force quand elle le tira vers le bateau depuis le quai à la Grande Motte. Il se souvenait de cette force. Hans était un peu plus âgé que Gilles. Trois années. Pourtant, il y avait toujours eu chez lui un espace pour la candeur, la surprise heureuse prise comme elle vient. Une sorte de bourrasque qui se lève soudainement entre deux blocs rocheux. Lui, Gilles se trouvait fragile, incertain, vite emporté. Finalement, Hans et Mohamed étaient bien plus proches. Chez eux, les choses de la vie arrivent et sont accueillies. Hans ne parlait jamais de la mort de ses parents. Jamais. Momo ne parlait jamais de son vrai père.
Gilles saisit son appareil photo et malgré la faiblesse de la lumière du plafonnier du taxi, malgré les lumières ponctuelles des réverbères passant au travers de la pluie puis de la vitre de la portière, il décida de faire une photographie de cette main abandonnée à toute utilité, tombant là, arrondissant son dos sur le coussin du véhicule. Gilles ne savait pas quoi penser de ce moment, de cette future image dont il lui faudrait attendre le développement pour en saisir l'erreur ou la justesse, mais il savait que l'image n'avait là aucun rôle. Il venait de viser la main d'un jeune allemand avec un œil mécanique offert par son père.
"Il y a trop d'étoiles dans le ciel."
Gilles se demanda ce qu'il venait d'entendre. C'était Hans qui regardant à son tour par la portière lâcha cette phrase en français et pour une fois, sans aucune faute et sans accent.
Il y a trop d'étoiles dans le ciel...........................





.................................................Alvar avait eu la clé des archives de son grand-père par son père Mohamed. Celui-ci était parti avec Sidonie en vacances vers l'Espagne. Depuis longtemps, Mohamed et Sidonie laissaient ainsi Alvar seul, en toute autonomie dans la maison. Depuis ses treize ans le gamin vivait déjà une vie solitaire, gérant seul son temps pendant au moins les vacances de ses parents. Parfois, souvent, il venait voir Jean-Michel qui travaillait encore un peu pour soutenir Mohamed dans l'agence. C'est dans ces moments que Alvar et Jean-Michel créèrent leur complicité. Jean-Michel aimait l'autonomie de ce garçon et Alvar adorait les histoires que lui racontait son grand-père sur l'architecture, son rôle dans la Reconstruction, ses amitiés secrètes d'hommes sur lesquelles Alvar put enfin mettre un nom un jour de décembre 1998, suite à une rencontre inopportune. Alvar poussa la porte toujours un peu lourde, toujours frottant, toujours promise à un rabotage mais que jamais personne n'effectuait. Il y avait dans cette petite pièce, des cartons, des tubes remplis de bleus, des papiers parfois en vrac parfois parfaitement rangés. Il y avait là la vie de son grand-père comme une sculpture parfaite évoquant la construction de sa mémoire. Alvar cherchait pourtant aujourd'hui quelque chose de précis, quelque chose qui le concernait directement, quelque chose d'enfoui certainement profondément. Il cherchait cette lettre envoyée par le père de Mohamed, son grand-père donc, mais celui marocain, celui qu'il ne connaissait pas. Il savait que cette lettre existait, ou, du moins qu'elle avait existé. Il était persuadé que Jean-Michel devait l'avoir conservée. Il saisit un gros carton sur lequel était noté 1959 et Maroc au stylo-bille. Le carton un peu haut, un peu lourd tomba presque et fut rattrapé in extremis par le jeune homme mais le fond céda et tous les papiers s'étalèrent sur le sol. Alvar remarqua immédiatement une anomalie, il y avait là aussi un numéro de 1959 de la revue l'Architecture d'Aujourd'hui, revue pourtant parfaitement rangée et classée dans la bibliothèque. Cela l'intrigua. Il alla vérifier que le numéro était bien à sa place et il le trouva en effet. Il s'agissait donc d'un double que le grand-père avait laissé là. En le feuilletant par intuition, Alvar trouva un morceau de papier froissé, couvert d'une écriture très fine, daté de 1961 et signé de Madame Couchemelle. La lettre expliquait parfaitement les démarches à suivre pour l'adoption du "petit Mohamed" et que "les appuis nécessaires ont bien été utiles". Suivait une liste de documents à fournir et surtout, surtout une adresse, celle du Père de Mohamed à Casablanca.
Alvar s'assit sur le carton qui céda sous son poids et il se retrouva à terre assis au milieu des papiers en désordre. Il ne pouvait bouger.
Comme sous l'effet d'un soleil blanc trop soudain, il fut aveuglé pendant quelques secondes, tenant le papier entre son pouce et son index. Il avait l'impression que le papier pesait une tonne et qu'il était aussi épais qu'une planche. Pour la première fois de sa vie, il avait là, un document qui lui rappelait qu'il avait bien un lien avec le Maroc, que ce n'était pas seulement des paroles trop vites étouffées ou le refus d'un père. Alvar avait un grand-père marocain. Il le tenait presque par la main. Alvar trouva la pièce trop petite, il se sentit à l'étroit, voulait courir, porter cette lettre à son père. Mais il se ravisa, continua l'exploration de ce carton explosé au sol, il marchait sur les papiers, les lisait au fur et à mesure qu'il tentait de les trier. Il se trouva stupide d'avoir ainsi généré ce foutoir dans l'ordre parfait de Jean-Michel. Il voulait réparer cela. Il chercha du ruban adhésif, recolla le fond, refit les paquets de factures, de courriers inutiles à sa quête, ne vit même pas les lettres de Zevaco, Il ne voulait qu'une chose, sauver à tout jamais ce papier. La revue l'Architecture d'Aujourd'hui trop fragile, trop vieille, céda et se coupa en deux au moment où Gilles tentait de la ranger. Deux feuillets s'en détachèrent. Cette fois, qu'importe, Alvar ne les lirait pas..............



Par odre d'apparitions : 
Stuttgart, Hôtel de Ville, Neues Rathaus, éditions Franck
article dans l'Architecture d'Aujourd'hui, Février-Mars 1959, sur l'immeuble de bureaux à Stuttgart par Paul Stohrer, architecte.













































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