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Channel: Architectures de Cartes Postales 2
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Chacun a sa vie, c'est normal

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Entre deux barres de béton dignes du M.R.U à Châtenay-Malabry, un espace vert et une rue.
Tout est paisible.
Pourtant une forme étrange, bizarre et incongrue occupe le premier plan à droite de cette carte postale Combier expédiée en 1965.



Il faut dire que la coloration hasardeuse ajoute sans doute à son mystère. Comme un rocher un peu mou, comme un organe inconnu, cette forme surprend, amuse et surtout, surtout, nous rappelle bien quelques petites choses déjà vues sur Architecture de Cartes Postales...
Il ne fait aucun doute (enfin je crois) que cette sculpture qui sert également de jeu, de praticable pour les enfants de la Cité des Vaux Germain est une œuvre de Pierre Szekely.
Ou alors c'est drôlement bien imité !
Pourtant je ne trouve ni sur le site consacré à l'artiste ni dans le catalogue raisonné de son œuvre une trace de ce travail.
On retrouve pourtant bien l'esprit de l'artiste jouant pleinement les références mi-organiques mi-minérales. Comme un énorme morceau de corail échoué en banlieue, comme une fleur vénéneuse éclose sur un parking ensablé, la sculpture fait semblant d'être en quelque sorte naturelle pour ne pas effrayer les enfants, ouvrir l'imaginaire à quelques paysages fantastiques. Le rocher deviendra l'île au trésor, un morceau de la côte bretonne, un morceau de Kryptonite tombé du ciel.
Seuls les enfants savent avec Monsieur Szekely inventer et traverser des formes dans un imaginaire débridé et libre.





Aujourd'hui... Aujourd'hui le même petit espace de jeux de Châtenay-Malabry reçoit la plus normée, la plus sécurisée, la plus ridicule, la plus pathétique preuve du réalisme politique.
Comment ne pas préférer un genou qui s'écorche sur l'imaginaire au pantalon propre sauvé par les normes européennes...
Il faut rassurer les mamans, les mamans, les mamans...
Châtenay-Malabry était à ce jour pour moi surtout une très belle chanson de Vincent Delerm dont je continue malgré les réticences de mes camarades musiciens post-punks débridés à penser qu'il est l'un des grands paroliers et interprètes français. Sa chanson la vipére du Gabon reste pour moi simplement l'une des plus grandes chansons françaises, comme un Haïku reconnu.
Maintenant, avec la disparition de cette sculpture-jeu, avec son remplacement par une saloperie d'une mocheté sans nom, Châtenay-Malabry sera aussi la ville du renoncement à une œuvre d'art, à une idée généreuse, celle d'une époque où la continuité spatiale d'une barre de béton sociale et joyeuse se voyait enrichie de la pousse soudaine et amicale d'une fleur de béton.
Et, nous pourrions bien un jour, au dos d'une carte postale de Châtenay-Malabry trouver écrit ainsi, une partie des paroles de la chanson de Vincent Delerm :

Je vous écris
Dans le silence qui s'installe
C'est un dimanche après-midi
Je suis assise dans la grande salle
Les murs de Châtenay-Malabry
Les rires du passé me font mal
Ils sont partis avant midi
Chacun a sa vie c'est normal












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