Une petite carte bien normale, presque banale d'une petite cité.
On pourrait depuis ce point de vue se réjouir déjà du dessin simple des façades dont l'essentiel tient dans des ouvertures généreuses encaissées et un lien au sol fait de pilotis blancs qui ne libèrent pas le rez-de-chaussée mais permettent un traitement de celui-ci comme un socle. Le peu de hauteur, la modestie de chaque bloc répété sur un terrain arboré en parc, tout cela nous rappelle d'autres expériences comme les Buffetsà Fontenay-aux-roses par exemple.
Mais où sommes-nous ?
Nous sommes dans la Résidence E.D.F à Vaires-sur-Marne. La carte postale Raymon, collection MOREL est éditée en Bromocolor et on comprend qu'il s'agit surtout d'un cliché noir et blanc largement colorié. Tout devient doux, grisé par la photographie dessous.
Alors quoi ?
Pourquoi donc évoquer cette petite résidence qui ne démérite pas mais qui pourtant n'est pas très spectaculaire ? Justement aussi pour cela, pour raconter que la bonne architecture, celle dans laquelle on habite n'est pas toujours faite de bidules audacieux mais aussi d'espaces bien sentis, de franchises simples et d'une économie visuelle qui souvent cachent une belle intelligence.
Et ici, l'ensemble est dessiné par un architecte bien curieux : Jacques Beufé.
Jacques Beufé, les aficionados du modulaire, du plastique, de l'habitation expérimentale, le connaissent surtout pour ça :
Mais comme pour Jean-Benjamin Maneval dont le nom ne brille plus que par la Bulle six coques, on oublie souvent que ces architectes ont aussi eu une production bien différente de logements collectifs. On reviendra sur Monsieur Maneval plus tard. Ce phénomène d'occultation d'une partie de l'œuvre est la conséquence de notre époque encline à croire que l'utopie d'une époque passée est l'essentiel du besoin d'une période, qu'elle en fait l'image et même finalement la réalité. Le risque étant de dévaluer le reste de la production d'un architecte qui souvent, avant de rêver à des illusions dans l'air du temps a produit une architecture plus consensuelle mais aussi sans doute finalement bien plus habitable, réaliste, architecturale en somme.
Je vous donne donc ici d'abord des extraits de la revue Techniques et architecture datée de 1971. On notera le même vocabulaire que pour la Bulle six coques de Jean-Benjamin Maneval c'est-à-dire une mobilité, une modularité, un coût faible (eh oui...), une esthétique de coquille organique mais ayant surtout des formes simples pour le moulage industriel et aussi un désir d'un dessin fort mais venant s'intégrer dans le paysage par, non pas un camouflage, mais une sorte d'accord sur les sources des formes toujours tirées avantageusement de la... Nature... Il faut dire que cela a une sacrée gueule comme dirait le chanteur et que, comme le reste de ce type de production... cela a échoué.
Et voici un article paru cette fois dans l'Architecture d'Aujourd'hui qui est totalement similaire pour l'écrit. On notera que Jacques Beufé est ici associé à J.P. Lewerer, B. Gilet, M. Menager. On notera que le numéro de cette revue est bourré d'expérimentations du même ordre ayant toutes en quelque sorte échoué. Il faut croire qu'aujourd'hui ce n'est plus l'architecture que l'on veut préfabriquer et industrialiser mais bien le merveilleux esprit des pavillonneurs et des lotisseurs. Les dernières lignes de l'article semblent aujourd'hui impossibles à défendre, pourtant les camping-cars et les mobile-homes, tous plus moches les uns que les autres polluent nos paysages sans vergogne. À qui la faute ?
Alors, au moment où un regain d'intérêt pour ce type de production rétro-futur voit le jour, où le Vintage viendra sans doute sauver les utopies flottantes de Monsieur Beufé, qui se préoccupera du reste de son œuvre, de son désir de préfabrication aussi pour le béton et pour le logement social ? La résurrection de Jacques Beufé ne passera-t-elle que par sa production Pop qui est bien sympathique mais tellement exclusive ou passera aussi par son énergie à donner à tous, un logement digne ailleurs que sur les pontons herbeux de petits lacs ensauvagés ? L'histoire de l'architecture contemporaine devra faire le tri, espérons que ce tri sera généreux. Pour info, la Cité E.D.F de Vaires-sur-Marne existe toujours presque à l'identique. Qui ira en safari la voir ? Qui ? Et qui la défendra si nécessaire ?