Finalement, je connais mal Le Mans.
Pourtant depuis 19 ans, je pratique cette ville. Il m'arrive d'en aimer des icônes comme la barre Le Couteur (bientôt défigurée), la Caisse d'Épargne (détruite) ou, en passant, de toujours me promettre de faire ici ou là des photographies.
Mais parfois, c'est la visite d'une amie, critique d'architecture, qui déclenche l'envie de vous parler d'un bâtiment, comme si, une parole venant de l'extérieur pouvait confirmer ce que j'avais déjà ressenti.
Bénédicte Chaljub que nous connaissons bien sur ce blog pour son très beau livre réalisé sur Renée Gailhoustet est donc venue au Mans. En passant le pont Isoire après le tunnel, nous nous sommes tous deux extasiés devant une petite barre de logements quai Ledru-Rollin.
Je vous la montre d'abord grâce à une carte postale :
La carte postale Artaud en noir et blanc colorisés est expédiée en 1958, elle est typique de ce genre de production voulant associer le charme des bords de Sarthe, les plantations des berges et la ville au loin, minuscule hommage à une peinture française de paysage allant de Poussin aux impressionnistes. Dans la trouée végétale apparait la ville offrant une horizontale franche par le pont. Les maisons se posent sur cette horizontale grâce à la perspective. Les couleurs trop douces, pales ou parfois outrées (le vert), laissent transparaitre la photographie. Rien de bien extraordinaire, vous avez raison.
Mais c'est bien par cette carte postale que nous pourrons regarder cet immeuble qui, lui, ne manque en rien de qualités.
On regarde :
Tous le vocabulaire architectural évoque les immeubles de la Reconstruction et notamment, celui d'une préfabrication. Les dalles sont lisibles, les emboitements entre murs et ouvertures aussi avec le cadre des fenêtres débordant offrant une épaisseur superbe. Le matériau lui-même, un béton lavé, tout cela est reconnu et ici mis en place avec franchise et netteté que le dessin de cette façade sur rue affiche presque avec ostentation. On reconnait aussi dans le maintien du toit à double pente une volonté d'insertion dans un paysage urbain fait de la Cité Plantagenêt en face. Je m'amuse à y reconnaitre certains éléments de ma ville, Elbeuf ( par Marcel Lods), ou même cette modernité tempérée de nombreuses villes marquées par la Reconstruction : à la fois une économie d'un système de construction et une élégance de le laisser visible.
Ensuite, on est aussi admiratif du traitement du volume de cette façade qui s'enfonce dans une épaisseur dégageant des circulations entre les balcons généreux. Le dos du bâtiment révèle également le même vocabulaire en ajoutant les signes de la Modernité que sont le pavé de verre, la cage d'escaliers translucide et la casquette de béton qui coure et délimite le rez-de-chaussée commercial et les habitations. On notera l'utilisation de pierres rouges qui scandent aussi en contraste cette façade et dont la massivité est bien venue sur cette façade assez régulière.
Alors, Si je n'ai pas visité d'appartement, si je n'ai pu lire le plan, je peux tout de même, depuis la rue, en promeneur accompagné de Bénédicte Chaljub, aimer d'emblée cet immeuble modeste mais très représentatif de son époque. Parfaitement entretenu, dans un état d'origine remarquable, espérons qu'aucune isolation extérieure due à une politique démagogique écologique ne viendra le ruiner. Espérons que ceux qui en sont propriétaires en comprendront les signes extérieurs, son vocabulaire constructif et architectural et maintiendront dans notre paysage urbain ce petit morceau d'histoire. Les Journées Européennes du Patrimoine auront lieu bientôt aussi au Mans comme partout en France. À l'évidence, l'importance de ce vocabulaire et de cette présence furent malheureusement ignorées pour la barre Le Couteur, souhaitons qu'ici cet héritage continue de nous réjouir et de nous raconter l'histoire de l'architecture moderne et contemporaine.
Je n'ai malheureusement pas trouvé le nom de l'architecte de cet immeuble manceau et je ne peux donc pas le remercier comme il faut.
Pourtant depuis 19 ans, je pratique cette ville. Il m'arrive d'en aimer des icônes comme la barre Le Couteur (bientôt défigurée), la Caisse d'Épargne (détruite) ou, en passant, de toujours me promettre de faire ici ou là des photographies.
Mais parfois, c'est la visite d'une amie, critique d'architecture, qui déclenche l'envie de vous parler d'un bâtiment, comme si, une parole venant de l'extérieur pouvait confirmer ce que j'avais déjà ressenti.
Bénédicte Chaljub que nous connaissons bien sur ce blog pour son très beau livre réalisé sur Renée Gailhoustet est donc venue au Mans. En passant le pont Isoire après le tunnel, nous nous sommes tous deux extasiés devant une petite barre de logements quai Ledru-Rollin.
Je vous la montre d'abord grâce à une carte postale :
La carte postale Artaud en noir et blanc colorisés est expédiée en 1958, elle est typique de ce genre de production voulant associer le charme des bords de Sarthe, les plantations des berges et la ville au loin, minuscule hommage à une peinture française de paysage allant de Poussin aux impressionnistes. Dans la trouée végétale apparait la ville offrant une horizontale franche par le pont. Les maisons se posent sur cette horizontale grâce à la perspective. Les couleurs trop douces, pales ou parfois outrées (le vert), laissent transparaitre la photographie. Rien de bien extraordinaire, vous avez raison.
Mais c'est bien par cette carte postale que nous pourrons regarder cet immeuble qui, lui, ne manque en rien de qualités.
On regarde :
Tous le vocabulaire architectural évoque les immeubles de la Reconstruction et notamment, celui d'une préfabrication. Les dalles sont lisibles, les emboitements entre murs et ouvertures aussi avec le cadre des fenêtres débordant offrant une épaisseur superbe. Le matériau lui-même, un béton lavé, tout cela est reconnu et ici mis en place avec franchise et netteté que le dessin de cette façade sur rue affiche presque avec ostentation. On reconnait aussi dans le maintien du toit à double pente une volonté d'insertion dans un paysage urbain fait de la Cité Plantagenêt en face. Je m'amuse à y reconnaitre certains éléments de ma ville, Elbeuf ( par Marcel Lods), ou même cette modernité tempérée de nombreuses villes marquées par la Reconstruction : à la fois une économie d'un système de construction et une élégance de le laisser visible.
Ensuite, on est aussi admiratif du traitement du volume de cette façade qui s'enfonce dans une épaisseur dégageant des circulations entre les balcons généreux. Le dos du bâtiment révèle également le même vocabulaire en ajoutant les signes de la Modernité que sont le pavé de verre, la cage d'escaliers translucide et la casquette de béton qui coure et délimite le rez-de-chaussée commercial et les habitations. On notera l'utilisation de pierres rouges qui scandent aussi en contraste cette façade et dont la massivité est bien venue sur cette façade assez régulière.
Alors, Si je n'ai pas visité d'appartement, si je n'ai pu lire le plan, je peux tout de même, depuis la rue, en promeneur accompagné de Bénédicte Chaljub, aimer d'emblée cet immeuble modeste mais très représentatif de son époque. Parfaitement entretenu, dans un état d'origine remarquable, espérons qu'aucune isolation extérieure due à une politique démagogique écologique ne viendra le ruiner. Espérons que ceux qui en sont propriétaires en comprendront les signes extérieurs, son vocabulaire constructif et architectural et maintiendront dans notre paysage urbain ce petit morceau d'histoire. Les Journées Européennes du Patrimoine auront lieu bientôt aussi au Mans comme partout en France. À l'évidence, l'importance de ce vocabulaire et de cette présence furent malheureusement ignorées pour la barre Le Couteur, souhaitons qu'ici cet héritage continue de nous réjouir et de nous raconter l'histoire de l'architecture moderne et contemporaine.
Je n'ai malheureusement pas trouvé le nom de l'architecte de cet immeuble manceau et je ne peux donc pas le remercier comme il faut.